Creuse : le désert vétérinaire après le désert médical

Il y a de moins en moins de vétérinaires en Creuse et la désertification menace. Comment dès lors prendre soin d’un des plus gros cheptels de France ? Guéret et l’Est du département sont particulièrement touchés. L’inquiétude monte.

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Il ne tient pas en place. Nicolas Athanassiadis enchaîne les rendez-vous. Monte et descend de voiture. Il n’a pas de temps pour lui. Le téléphone sonne souvent. Encore plus depuis que des vétérinaires ont fermé leur cabinet ou ont arrêté « la rurale ».

Il y a encore quelques années, on croyait être préservés des déserts vétérinaires contrairement au reste du territoire national mais la situation devient critique.

Nicolas Athanassiadis, président du Groupement technique des vétérinaires de la Creuse

Après une urgence à Saint-Sulpice-le-Guérétois, il reprend la route et 35 kilomètres plus loin, enchaîne les vaccins sur un cheptel près de Bénévent-L’abbaye où il est installé.

Alignés dans le couloir formé par deux barrières, vaches et veaux font la queue. En surplomb, Nicolas Athanassiadis guette leur passage avec un drôle d’instrument. Dans sa main droite, une fiole contenant un produit rose prolongé à son extrémité d'une seringue. Ce n’est pas la 3e dose anti Covid mais le vaccin contre la grippe que ce vétérinaire administre aux bovins. Comme dans les centres de vaccination l’opération se fait à la chaîne et les patients se succèdent à une cadence soutenue. Comme les rendez-vous du vétérinaire tout au long de la journée.

Qui pour soigner le cheptel bovin ?

Le vétérinaire intervient sur un secteur d’à peu près 70 kilomètres de diamètre. L’essentiel de l’activité se fait autour d’un centre plus restreint. Mais du fait de l’arrêt de l’activité de ses confrères, le secteur a tendance à s’étendre assez régulièrement ce qui oblige à faire davantage de kilomètres. Tôt ce matin encore, une urgence a amené le praticien à 35 kilomètres de là. Il est donc arrivé à son rendez-vous avec une bonne heure de retard.

« On sent que leur périmètre s’élargit d’année en année. Quand on a des urgences, ça peut être à n’importe quelle heure de la nuit ou du jour et s’ils sont à 35 kilomètres en train de faire un autre vêlage, ça peut être compliqué. Si une vache fait une hémorragie et que le vétérinaire n’est pas là, c’est pratiquement condamner l’animal ». L’inquiétude de Jean-Philippe Buffet, l’éleveur chez qui Nicolas opère aujourd’hui est palpable.

Une désertification dont les ressorts sont les mêmes que pour la médecine. La moyenne d’âge des praticiens est très élevée. En Creuse, plus de la moitié des effectifs ont 50 ans et plus. Dans les quinze ans, ils seront candidats à la retraite. Et il n’est pas facile de faire venir des jeunes pour les remplacer.

Dans le département, 20 cabinets vétérinaires exercent en milieu rural pour 400 000 bovins. Sans oublier les animaux domestiques. S’ils sont de moins en moins nombreux, c’est bien à cause de l'explosion de la charge de travail, à laquelle il faut ajouter l'astreinte.

On est dans un territoire rural enclavé qui n’est pas très attractif pour les jeunes diplômés. On fait face aussi aux spécificités de notre profession. On a des contraintes de conditions de travail quand on doit faire des interventions en pleine nuit, en plein hiver, ou comme ce matin en plein champ avec la gelée. Et puis surtout l’élément le plus décourageant, je pense, ce sont les astreintes. Il faut que le cabinet soit disponible 24h sur 24, 7 jours sur 7, 365 jours par an

Nicolas Athanassiadis

Il y a deux ans, une annonce pour candidater au cabinet a été vue plus de mille fois sur le site internet. Il n’y a eu que dix contacts et seulement deux rendez-vous. Heureusement l’un des deux a été concluant. Les conditions de travail se durcissant avec la pénurie, il est aussi très difficile de garder les rares candidats volontaires qui s’usent au bout de quelques années et cherchent à avoir une vie de famille plus épanouie.

L’exemple qui confirme la règle, c’est l’intégration dans son cabinet d’un jeune vétérinaire de l’Allier. Car les rares recrues sont avant tout belges ou roumaines. Et quand on arrive à recruter un jeune, c’est difficile de le conserver.  « L’enclavement rural n’est pas si attractif contrairement à ce qu’on peut entendre dans les médias nationaux. »  

Un changement sociétal

Enfin, il y a une explication qui ne tient pas de l’attractivité du métier ou du territoire. Elle est sociétale :

Il y a eu une large part de la féminisation de la profession. A l’époque, quand j’étais étudiant il y a une vingtaine d’années, et même avant, il y avait 75 % d’hommes dans les écoles de vétérinaires. Aujourd’hui, il y a 85 % de femmes. Les hommes se dirigeaient davantage vers la rurale.

Nicolas Athanassiadis

Quelles solutions ?

Le syndicat de la profession travaille sur un certain nombre d’incitations financières et logistiques. Par un arrêté ministériel, les pouvoir publics ont autorisé la participation financière à l’installation ou à la reprise de cabinets. Bémol, ce sont des leviers bien connus déjà utilisés pour les médecins avec les maisons médicales et logements proposés par les mairies. Pas sûr que cela ait plus de succès auprès des aspirants vétérinaires…  

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