Exclusif. La Chambre Régionale des Comptes Nouvelle-Aquitaine vient de rendre un avis sur la gestion de la communauté de communes Creuse Grand Sud. Selon les magistrats financiers, les efforts consentis sont insuffisants pour revenir à l’équilibre. Il est urgent de changer de braquet.
C’est un document très technique mais aussi explosif. Les magistrats de la Chambre des Comptes Nouvelle-Aquitaine dressent un constat accablant pour la communauté de communes Creuse Grand Sud.
Impossible retour à l'équilibre
Son budget est toujours en déficit. Près de 850 000 euros cette année. Le retour à l’équilibre prévu en 2022 est impossible.
Résultat : il faut mettre en place, de toute urgence, de nouvelles mesures draconiennes "en vue de donner une chance à l’organisme de renouer avec l’équilibre budgétaire" l’an prochain. Les leviers d’action sont de deux ordres :
- Augmenter les taux d’imposition des deux taxes, sur le bâti et sur le non bâti, de 20%. Ce qui devrait permettre de dégager une ressource supplémentaire de 212 874 euros. Cette proposition avait déjà été formulée par les magistrats financiers en 2018 et 2019. La Préfète, à l’époque, chargée de mettre en œuvre le plan de sauvetage de Creuse Grand Sud avait préféré jouer la prudence vis-à-vis des élus et de ce territoire sous tension. Les deux taxes n’avaient été augmentées que de 8%. Seul le taux de la taxe d’habitation avait été accru de 19,5%. Cette fois-ci, la Chambre est plus insistante : "il parait impossible de revenir à l’équilibre à brève échéance sans une nouvelle mesure fiscale".
- Réaliser de nouvelles économies dans la gestion. Ce qui passe par une réduction des subventions de fonctionnement à deux structures : l’office de tourisme et le Centre Jean Lurçat à Aubusson.
En mettant en place ces deux mesures, la communauté de communes pourrait ainsi ramener son déficit à la fin de l’année à 569 199 euros.
Une solution d'apaisement
Visiblement consciente que ces solutions financières risquent d’ulcérer, une nouvelle fois, les élus locaux dont certains battent la campagne dans le cadre des élections départementales et régionales, la Chambre se risque à une autre hypothèse qui pourrait être plus consensuelle.
La hausse des taux d’imposition pourrait être ramenée à 4,90%. Ce qui permettrait de dégager une ressource fiscale de 52 162 euros. Mais cette proposition est assortie d’une condition.
Il faut que les communes qui s’étaient engagées à céder à Creuse Grand Sud, le 14 avril 2021, leur part communale de FPIC - Fonds national de Péréquation des ressources Intercommunales et Communales - signent sans condition un accord écrit qui confirmerait leur intention. Ce qui signifie que les maires qui siègent à la communauté de communes vont devoir repasser devant leur conseil municipal pour obtenir leur feu vert.
Une méfiance vis-à-vis de l’Etat
Ce qui n’est pas gagné d’avance. D’autant plus que quatre communes de Creuse Grand Sud qui souhaitaient s’abstenir à la dernière séance d’avril avaient été priées de ne pas prendre part au vote.
Ce qui n’est pas passé inaperçu dans ce territoire très attaché à son autonomie et méfiant à l’égard de l’Etat. Car, si cet accord n’est pas officialisé, il se pourrait que la Chambre s’occupe directement des affaires de Creuse Grand Sud, au risque d’irriter davantage les élus locaux attachés au principe de libre administration de leur collectivité qui était déjà bien réduite.
Un plan de redressement
De là à dire que, derrière cet avis, se dessine une mise sous tutelle, il y a quand même un pas. Certes, ces dernières recommandations portées à l’attention de la préfète confirment que Creuse Grand Sud est bel et bien soumis à un véritable plan de redressement imposé par l’Etat. La représentante des pouvoirs publics est censée "régler et rendre exécutoire le projet de budget pour 2021". Mais elle le fera en concertation avec la Présidente de la communauté de communes. Il n’empêche que les magistrats financiers continuent de rester dans leur rôle de contrôleur financier de l’action publique locale.
Des délibérations frauduleuses
D’ailleurs, assez cruellement, la Chambre des comptes rappelle qu’en 2016, le déficit de Creuse Grand Sud était de 4 millions d’euros, l’équivalent de 40% des dépenses de fonctionnement.
Certes, cette situation catastrophique avait pour cause des transferts de compétences non compensés par l’Etat mais aussi "un emballement des dépenses et le caractère tardif de la découverte du déficit longtemps masqué par diverses irrégularités, telles que la majoration et le renouvellement d’une ligne de trésorerie à partir des délibérations dont l’authenticité est contestée devant l’autorité judiciaire".
Michel Moine, le maire d’Aubusson en sait quelque chose. Soupçonné de faux en écriture publique, l’ancien président de la communauté de communes attend les résultats d’une nouvelle instruction diligentée par le Parquet de Limoges qui statuera ensuite sur le renvoi ou non de cette affaire devant une Cour d’assises.