Les premières semaines du confinement ont été rudes pour le BTP. 90% des entreprises à l'arrêt et soumises à des injonctions contradictoires : préserver les salariés mais continuer à faire tourner l'économie du pays. Depuis début avril, la profession s'organise et reprend le travail.
"Quand le bâtiment va tout va", ce ne sont pas les Creusois qui vous diront le contraire puisque cette phrase a été prononcée par un des plus illustres d'entre eux : Martin Nadaud. Et sans dire que tout va bien, il y a indéniablement des progrès sur le front du BTP.
"Au début du confinement, on estime que 90% des entreprises étaient à l'arrêt. On sera plutôt à une sur deux à l'heure actuelle et ça devrait encore augmenter un peu la semaine prochaine" confirme Céline Galland de la fédération française du bâtiment en Creuse.
A Dun-le-Palestel, le bruit des pelleteuses et des bétonnières se fait à nouveau entendre sur le chantier du champ de foire. A la grande satisfaction du maire Laurent Daulny.
Des précautions édictées dans un guide de bonnes pratiques sanitaires publié par l'entreprise."C'est un guide que l'on doit suivre, il nous impose d'avoir des masques, de porter des lunettes. Nous devons aussi désinfecter tous les locaux, nos bureaux, sur les chantiers, le réfectoire, les véhicules. Pour les masques nous avons la chance de faire partie d'un grand groupe qui a réussi à en commander des millions directement en Chine" constate Francis Riffaud, conducteur de travaux à la Colas basé à la Brionne près de Guéret.Nous avons signé un ordre de service pour que la Colas puisse reprendre les travaux. Un ordre validé par l'entreprise. Ils sont venus vendredi dernier voir tout ce qui devait être mis en place pour redémarrer en respectant les règles. Et en début de semaine ils ont pu réattaquer le chantier avec tout le matériel nécessaire : les masques, le gel, la répartition des équipes dans les véhicules. Je sais qu'ils ont tous une gamelle et qu'ils mangent dans leur voiture.
Des injonctions contradictoires
L'Etat pousse depuis le début pour que ce secteur stratégique continue son activité. Des injonctions contradictoire qui menaçaient de rendre chèvre les entrepreneurs, pris en tenaille entre leur besoin de maintenir une activité et la nécessité de préserver la santé de leurs salariés."La préfecture incite à reprendre les chantiers partout où c'est possible", confirme Laurent Daulny. "Lors de la dernière réunion consacrée à l'économie, la préfète s'est réjouie de voir des chantiers repartir. C'est le cas pour nous à Dun. A la Souterraine le chantier de la CELMAR, la coopérative agricole va aussi redémarrer, ça devrait être aussi le cas à Grancher à Guéret".
Etat des lieux confirmé par la Colas qui s'occupe de nombreux chantiers et Creuse. Presque tous ont pu redémarrer cette semaine ou débuteront à partir de lundi prochain, 27 avril.
Certains élus ont pourtant fait part de leurs réticences
"Je comprends ces élus parce que dans certains cas la reprise n'est pas pertinente" confie Laurent Daulny.Pour nous, le champ de foire est en plein air, c'est plus facile de respecter les règles d'hygiène. Dans le cas d'un changement de fenêtre dans un local occupé je me poserai la question
Les précautions à prendre sont dorénavant un peu plus claire. L'organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics a publié des préconisations et a réussi après plusieurs allers-retours suite à des refus à les faire valider par le ministère de la Santé.
"Ces préconisations restent difficiles à mettre en œuvre, ça demande un gros travail préparatoire. Ces quinze derniers jours ont été dévolus à s'organiser pour la reprise. La grosse problématique était de se procurer des masques, au moins chirurgicaux, puisque la distanciation ne peut pas toujours se faire. Des stocks de masques ont donc été commandés par différents canaux. Chaque entreprise a aussi fait le point sur l'état de ses salariés, leurs éventuels problèmes de santé pour ne renvoyer au travail que ceux qui le peuvent" explique Céline Galland.
L'idée est également de privilégier les chantiers en extérieur et d'y restreindre la co-activité, c'est-à-dire que les différents corps de métiers (peintres, électriciens) ne vont pas intervenir en même temps. Il y aussi beaucoup d'insistance sur tout ce qui est de la désinfection des lieux de travail, des espaces communs et du matériel pour introduire une sécurité supplémentaire.
Ce qui pose également problème c'est que tous les professionnels n'ont pas repris. Le BTP, c'est une chaîne constituée de beaucoup de maillons, entre les fournisseurs de matières premières (sable, gravier, l'acier etc…), les entreprises qui enfouissent l'électricité etc… Si un seul de ces maillons est coupé, tout le chantier s'arrête.
Il va falloir aussi faire un état des lieux des dégâts à l'issue de la crise. Pour la Colas de Creuse par exemple, c'est un mois d'interruption sans chiffre d'affaire. L'entreprise qui emploie 64 personnes dans le département a cessé le travail le 17 mars à midi et a relancé son premier chantier à Dun le 17 avril. Trop compliquée à chiffre pour l'instant la perte risque d'être conséquente.
Le coût des chantiers va drastiquement augmenter
"Redémarrer le chantier de Dun nous a demandé une demi-journée. Il faut expliquer à tout le personnel les règles et le nouveau fonctionnement. Il nous a fallu près de 3 heures pour nettoyer les installations et les engins" explique Francis Riffaud."Entre le temps perdu avec le confinement, le temps de préparation de chantier pour respecter les gestes barrières et le temps perdu le matin à réexpliquer les nouvelles consignes, tout prend du retard. Les entreprises qui avaient accepté des chantiers à faible rentabilité risquent d'être dans le rouge. Cette baisse de la rentabilité qui va l'assumer ? Le donneur d'ordre pourrait peut-être en prendre une partie à sa charge. C'est une des grosses inquiétudes à l'heure actuelle" conclut Céline Galland.