A Guéret, la hache de guerre est déterrée entre la communauté de communes et la ville-centre. Le président de l'intercommunalité, Eric Correia, conseiller régional PS, a décidé de retirer leurs délégations aux élus de Guéret.
Le président de l'intercommunalité, Eric Correia, conseiller régional PS, a décidé de retirer, le 28 avril 2021, leurs délégations aux élus de Guéret. Résultat : la maire de la ville, vice-présidente dans cette communauté de communes et deux de ses adjoints se retrouvent sans portefeuille. Une tension de plus dans ce petit territoire de la Creuse qui traverse une période budgétaire difficile avec un déficit de 3,6 millions d'euros.
C’est donc reparti pour un tour. Cette fois-ci, c’est même un tour de vis. Les élus de la Ville de Guéret sont privés de leurs délégations à la communauté d’agglomération, la bien nommée Grand Guéret. Les deux élus chargés pour l’un des transports urbains, pour l’autre des travaux, se voient retirer leurs compétences. Pire, humiliation suprême pour l’équipe municipale de la capitale creusoise : la maire (SE), Marie-Françoise Fournier qui avait été désignée vice-Présidente en charge de la dynamique commerciale cœur de ville et politique de la ville se retrouve sans attribution.
A la Ville de Guéret, la pilule, bien évidemment, a du mal à passer. Mais de là à rester sans voix, il y a quand même un pas. Cet après-midi, la majorité municipale s’est fendue d’une conférence de presse. Histoire de mettre les points sur les i et au passage de dramatiser une situation qui l’était déjà passablement. "C’est un retrait de toute capacité de travailler qu’on peut avoir" s’indigne Marie-Françoise Fournier, la maire (SE) de Guéret. "On reste au bureau de l’exécutif comme des potiches (…). On ne peut pas voter. On ne peut pas organiser des réunions. Tous nos outils nous sont enlevés mais l’étiquette nous reste". Une destitution en quelque sorte qui s’expliquerait, selon l’édile, "parce que les élus de Guéret ont et veulent garder leur liberté de pensée et d’expression et veulent défendre au mieux les intérêts de leur ville, au sein d’un espace communautaire où ils sont fortement impliqués".
Histoire de gros sous
Pour autant, les récalcitrants n’ont pas l’intention de démissionner. "Seul le conseil communautaire dans son ensemble peut nous démettre de nos fonctions". C’est peut-être justement ce qu’il fera le 11 mai, date à laquelle il est censé se réunir. Cette décision pourrait alors porter un coup fatal à cette agglomération – 30 000 habitants, la plus petite de France. Car, dans ce cas-là, c’est la Ville de Guéret qui pourrait se retirer de cet établissement public de coopération intercommunale (EPCI). Or, celle-ci représente 50% des habitants et du budget de ce territoire.
En fait, cette guerre des tranchées trouve son origine dans une histoire de gros sous et de tensions politiques. En juin 2020, l’équipe de Marie-Françoise Fournier bat, sur le fil, Eric Correia et sa liste ouvertement de gauche. Le vaincu n’a pas l’intention de lâcher les reines de l’agglomération, au grand dam de la nouvelle majorité. Il est reconduit dans ses fonctions. D’emblée, les élus guéretois au conseil communautaire mettent les pieds dans le plat. Ils veulent connaître l’état des finances, exigent que les préconisations de la Chambre régionale Nouvelle-Aquitaine soient appliquées.
Un déficit chronique
Il faut dire que Grand Guéret est dans une situation complexe. Son budget avoisine les 25 millions d’euros mais l’intercommunalité affiche un besoin de financement non couvert de 3, millions d’euros. Autrement dit, un déficit structurel dont les causes sont multiples. On y trouve pêle-mêle des compétences transférées sans les moyens adéquates C’est le cas de la bibliothèque municipale devenue communautaire (manque à gagner : 920 OOO euros entre 2010 et 2020) ou encore la petite enfance.
Au total, une trentaine de compétences non obligatoires vont lentement mais surement surcharger l’EPCI. Côté recettes, la situation n’est pas plus brillante. Les dotations de l’Etat chutent à partir de 2013 (un million en moins). Enfin, la redistribution – « les compensations »- en faveur des communes n’arrange pas les affaires. Pourtant, Grand Guéret va réaliser 34 millions d’euros d’investissements entre 2004 et 2020 et dégage des excédents qui ne doivent pas masquer la dégradation continue des comptes de fonctionnement.
La goutte d’eau…
C’est là qu’une décision politique cruciale va mettre le feu aux poudres. En ce début d’année 2021, en pleine crise sanitaire, Eric Correia propose à ses élus d’augmenter la taxe du foncier bâti de 4 points qui passerait ainsi de 0,42% à 4,42%. Les élus de Guéret sont vent debout. "Nous nous opposons au levier fiscal déclare Marie-Françoise Fournier. Nous demandons d’autres pistes d’équilibrage en amont et non a posteriori. Et nous nous étonnons d’une annonce si tardive du déficit, pourtant soupçonné, et qui s’est généré depuis 6 ans sans effort de redressement".
La maire réunit en mars son conseil et fait voter par sa majorité un vote de défiance envers Eric Correia tout en refusant l’augmentation de la taxe communautaire. La réplique de l’intéressé ne va pas se faire attendre. Quelques jours plus tard, le président de Grand Guéret organise une conférence de presse, entouré de ses vices présidents, élus et maires ruraux. Il pourfend ses adversaires. "Cette attaque c’est une attaque collective (…). Une fatwa de madame Fournier contre moi stupéfiantes de violence, de rancœur sans doute, de haine surement. Madame Fournier n’aura pas ma haine. Moi, je n’ai de haine envers personne".
Les semaines passent. En assemblée communautaire, chacun se regarde en chien de faïence. Mais c’est pour mieux se préparer à une nouvelle offensive. Et celle-là est un coup de massue : les élus de Guéret se voient donc depuis mercredi 28 avril, retirer leurs délégations. La maire de Guéret, Marie Françoise Fournier, en tête. Une mise au placard qui stupéfait Michel Vergnier l’ancien maire (PS) de Guéret qui fut, lui aussi, en son temps aux manettes de l’EPCI. "Je suis triste de cette situation" précise l’élu aujourd’hui dans l’opposition au conseil municipal de Guéret. "Il faut trouver une porte de sortie mais je ne sais pas laquelle". La démission d’Éric Correia ? "En quoi ma démission changerait-elle quoi que ce soit aux finances de l’Agglo ?". Changer la taille de son périmètre ? Moins de compétences et donc moins de recettes…. Et finalement pourquoi pas un retour à une simple communauté de communes. Réponse dans les prochains mois.