"Il faut surtout être endurant" : unique au monde, l'art du tissage, né il y a six siècles en Creuse, se transmet toujours à Aubusson

Devenu patrimoine culturel immatériel de l'humanité, l'art du tissage se perpétue à la Cité internationale de la tapisserie d'Aubusson. Après deux années de formation, une dizaine de stagiaires sont chaque année diplômés du brevet des métiers d'arts "art de la lisse", afin que ce savoir-faire unique au monde ne se perde pas.

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"Là tu vois, tu passes au-dessus alors que tu devrais passer en dessous, c'est plus joli comme ça".

Au dernier étage de la cité internationale de la tapisserie d'Aubusson, les métiers à tisser continuent à grincer, trois jours par semaine. Une dizaine d'apprentis se forment ici à l'art de la lisse, un savoir-faire unique au monde, né dans la Creuse il y a six siècles.

France-Odile Perrin-Crinière, lissière, transmet toutes ses connaissances de ce métier, qui requiert de grandes qualités."Il faut surtout être endurant, c’est-à-dire être capable de tenir longtemps sur un même travail parce que ça avance très lentement", précise-t-elle.

Les mains glissent patiemment la navette entre, les fils de chaîne, puis peignent énergiquement le tissage, tandis que les pieds activent le pédalier." On a l'impression que c'est statique comme métier, et en fait pas du tout, on est tout le temps en train de bouger les jambes, le corps, et oui ça demande de l'endurance parce qu'on reste des heures à faire le même geste et à le répéter" constate Isaline Delacroix, en formation cette année.

L'art du cercle

"Je ne sais pas si je ne l'ai pas fait trop grand", s'interroge Marina Cantin, stagiaire, elle aussi,. "Non, je pense que ce ne sera jamais trop grand" lui répond France-Odile." On est sur la formation d'un rond, mais qui est entrecoupé d'autres formes, donc c'est un peu complexe à imaginer, explique-t-elle.

Maîtriser l'art du tissage, c'est à la fois acquérir des gestes techniques extrêmement précis, et les utiliser pour reproduire des motifs délicats. 

"Ça ne fait pas longtemps qu'on a appris à faire des cercles, donc là avoir plein de cercles les uns dans les autres ça nous a fait peur, mais une fois qu'on est lancé, c'est très agréable de voir le dessin se monter", reconnaît Marina.

"Quand on a un crayon et qu'on fait un dessin, le geste est extrêmement rapide, et on peut gommer", souligne la formatrice.

Le reportage d'Antoine Jegat et Margaux Blanloeil

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{} ©France Televisions

Le rêve de tisser ses propres œuvres

D'origine creusoise, Emilien a rejoint cette formation avec un rêve : "Ce serait de monter mon propre atelier, et de tisser mes créations à moi. J'avais des arrière-grands-parents qui étaient lissiers cartonniers, donc je reprends un peu cette aventure familiale qu'on a un petit peu perdue", confie-t-il.

"Il y en a qui vont arriver en disant, je veux être artiste lissier, faire mes créations, ils ont cette envie au départ, mais il n'est pas dit qu'à la fin, ils se disent, j'ai encore plein de choses à apprendre, il vaut mieux que j'aille d'abord travailler dans un atelier, on verra après, ça mûrit" observe France-Odile.

Grâce au rayonnement de la cité, les stagiaires viennent aujourd'hui de la France entière. La benjamine, Léa, découvre toute l'étendue de cet art ancestral : "Je pensais que c'était surtout des reprises médiévales, historiques, mais on se rend compte qu'il y a vraiment des compositions qui sont beaucoup plus contemporaines avec des artistes actuels", découvre-t-elle.

L'art de la transmission

Après la session de formation, France-Odile entame une seconde journée : à la tête de l'atelier A2 depuis 15 ans, elle a collaboré avec de grands artistes et contribué aux tentures Tolkien et Miyazaki, qui ont contribué à relancer la fréquentation de la cité de la tapisserie. Mais l'heure est venue pour elle de passer la main.

"J'aime beaucoup tisser, c'est agréable, on est dans sa bulle, c'est plutôt plaisant, mais ce qui me pèse maintenant, c'est toute la partie administrative, qui est vraiment très lourde", explique-t-elle. 

Et c'est Florence, une de ses anciennes élèves, qui se prépare à reprendre l'atelier. "Moi, j'aime beaucoup ce rapport de quelqu'un qui a un savoir-faire et qui peut vraiment me le transmettre de près. La transmission se fait pendant trois ans, avant que je devienne gérante majoritaire", détaille la jeune femme.

"De toute façon, si je lui avais dit tiens, voilà les clés, elle n'aurait pas dit oui" plaisante France-Odile, qui continuera à former lissiers et lissières à la cité de la tapisserie d'Aubusson.

Actuellement fermée au public pour des travaux d'extension, la cité internationale de la tapisserie d'Aubusson rouvrira ses portes le 15 janvier prochain.

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