Avec le prix des énergies qui flambent, les agriculteurs sont de plus en plus nombreux à réserver les toits de leurs bâtiments agricoles aux panneaux photovoltaïques. Il y a-t-il chez eux une conscience plus affirmée pour l’écologie, ou est-ce une belle opportunité pour défiscaliser en bénéficiant des aides de l’Etat ? Il y a-t-il des retombées positives ou négatives pour le monde agricole ?
Quand il fait visiter son bâtiment, à la frontière du Limousin et de l’Auvergne, Olivier Taillandier est un éleveur heureux. Une journée porte ouverte est organisée ce matin-là, avec la présence de nombreux agriculteurs curieux venus en masse pour voir, poser des questions sur les choix d’Olivier pour savoir si eux aussi peuvent emprunter le même chemin. A la droite de son grand terrain, une stabulation avec une toiture flambant neuve. Au fond, une grange avec là aussi une toiture toute pimpante, livrée avec ces panneaux photovoltaïques qui vont lui rembourser son investissement : 500 000 euros pour la construction et l’équipement de ces deux bâtiments, sur 20 ans.
« J'ai investi, donc les centrales sont à moi aujourd’hui, se réjouit Olivier Taillandier, éleveur à Peschadoirs (63). J’ai aussi un contrat avec Edf, qui m’accorde un tarif bloqué sur 20 ans. Un élément important dans le contrat qui m’a rassuré », se satisfait l’agriculteur.
A 42 ans, Olivier a repris une ferme familiale depuis 3 ans, il lui fallait de nouveaux bâtiments, pour développer et moderniser son exploitation de quatre-vingts vaches allaitantes. « Quitte à créer des bâtiments, j’ai pris la précaution de les exposer plein sud, prévient l’éleveur. Ainsi, je ne mets pas tous les œufs dans le même panier, car aujourd’hui l’agriculture marche plus ou moins bien. L’essentiel pour moi, c’est d’avoir une source de revenu qui est sûre », avance Olivier Taillandier, prévoyant.
Installateur en Creuse
C’est la société Triangle qui a tout fait pour lui et qui lui livre clé en main. Les représentants de ce constructeur et installateur de toits agricoles, basé en Creuse, ne sont pas peu fiers de montrer les locaux sous un soleil radieux. 500 m² de toiture capable de générer un rendement de 3000 euros par mois.
« Aujourd'hui, argumente Antoine Emery, commercial chez Triangle, cet agriculteur va produire jusqu’à 360 000 kilowatt heure, dans l’année en moyenne pour une revente nette d'environ 35 000 euros. Ce qui n’est pas mal, car sur 20 ans, si vous faîtes la multiplication, c’est un bon placement. C’est ce qu’on présente aux clients et qui les décide à se lancer ». De gros investissements pour de l'énergie verte, qui devraient assurer à l’agriculteur un revenu sûr dans le temps.
« Le client, ajoute le commercial, ne va pas arrêter net sa centrale au bout de 20 ans, il va pouvoir renégocier un contrat avec soit : Total ou Enedis, parce qu’il y aura beaucoup plus de personnes qui pourront racheter l’énergie. Là, aujourd’hui, on est fixé avec Enedis, parce que le contrat court sur 20 ans, mais à terme, on aura beaucoup plus de personnes qui vont pouvoir nous acheter de l'électricité. »
Du recul pour évaluer
A quelques kilomètres de là, en Creuse, au lieu-dit La Faye à côté de Saint-Maurice-la-Souterraine, Julien et Eric sont père et fils. Agriculteurs depuis trois générations, le saut du photovoltaïque a été mûrement réfléchi, une évidence. Voilà 7 ans qu'eux aussi ont mis sur leurs toits, 400 000 euros de panneaux solaires. Plus deux bâtiments agricoles et avec un peu de recul, ils n'en sont pas mécontents.
« On a signé des contrats à 16 centimes du kilowattheure en rachat, détaille Julien Jallet, éleveur engraisseur et céréalier. C’est-à-dire qu’en fonction de la production, les deux bâtiments nous rapportent chacun entre 18 et 19 000 euros par an, et on a à peu près entre 17 000 et 18 000 euros d’annuité par bâtiment par an qu’on rembourse. Donc au final, une fois payé les assurances, les quelques frais de nettoyage et d’entretien, au final on s’y retrouve. C’est une opération blanche, on a deux bâtiments qui ne nous coûtent rien ».
Toute l'énergie produite ici repasse dans un local électrique installé à proximité de l’exploitation par Enedis qui leur achète l'électricité. Un cercle vertueux qui stabilise les finances de l'exploitation.
Points de satisfactions
Dans son salon, les classeurs bien tenus étalés sur la table, Eric Jallet, le père de Julien exulte. « J'ai vu passer 11 000 euros sur une facture du mois de novembre. Donc on voit bien que la production du mois de mai au mois de novembre, elle est bonne. On a un temps qui est clair, un taux d’ensoleillement plus que convenable. Et au final, on tombe dans les prévisions faites, parfois même mieux ».
Depuis sa fenêtre, l’agriculteur ne tarit pas d’anecdotes sur les performances de ces panneaux solaires, en montrant les stabulations, où ses cent cinquante vaches allaitantes sont à l'abri. Le Limousin bénéficie d'un taux d'ensoleillement satisfaisant. Un bâtiment équipé de panneaux photovoltaïque peut produire jusqu'à 360 000 kw par an. L'équivalent des besoins énergétiques de 60 à 65 foyers par an.