L’ancien député de la Creuse Jean-Baptiste Moreau a surpris tout le monde en annonçant qu’il rejoignait un groupe d’influence à Paris. Que sont devenus ses autres collègues de la précédente majorité présidentielle ? Ont-ils fait le choix eux aussi de retourner dans la société civile ? Réponse.
De chef d’exploitation agricole à consultant pour un cabinet international de lobbying, il n’y a qu’un pas. Un pas que vient de franchir l’ex-député de la Creuse Jean-Baptiste Moreau, à la surprise générale, lui qui avait annoncé ne pas avoir l’intention de vendre sa ferme. En tant que lobbyiste, Jean-Baptiste Moreau va devoir défendre les intérêts d’entreprises privées auprès des élus : “Je n’accepterai pas de travailler pour tout et n’importe quoi ou pour des choses qui vont selon moi contre le sens de l’intérêt général”, prévient le désormais ex-éleveur.
Le lobbying n’est pas un terme sale, ça n’est pas de la corruption, contrairement aux bêtises que j’entends sur les réseaux sociaux à longueur de temps. C’est dans la continuité de ce que j’ai fait pendant cinq ans.
Jean-Baptiste MoreauAncien député de la Creuse
Absence de contrôle
Une fois leur mandat terminé, les anciens députés ne sont plus soumis aux arbitrages de la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique (HATVP). Ils sont donc libres de créer un cabinet de conseil ou un bureau d’études, sans s’attirer les foudres de la haute autorité... contrairement aux anciens ministres ou membres de leur cabinet.
“Un ministre est un exécutif, il a des accès que nous n’avons pas”, explique Christophe Jerretie, ancien député MoDem de la Corrèze, lui aussi défait en juin dernier. “On n’a jamais été là pour prendre des décisions, tandis que l’exécutif a pu signer des aides directes, des demandes d’agréments, etc. Nous, nous ne sommes pas seuls à voter les lois.”
Jean-Baptiste Djebbari a fait les frais de cette distinction. L’ancien ministre des Transports et député de la Haute-Vienne a reçu un avis défavorable de la HATVP lorsqu’il a souhaité rejoindre l’armateur CMA-CGM, un poste trop proche de son portefeuille ministériel, selon le régulateur.
En revanche, il a reçu le feu vert de la HATVP pour être le président non-exécutif d’Hopium, une start-up spécialisée dans la voiture à hydrogène qui traverse actuellement quelques turbulences. Avis favorable également pour la création d’un cabinet de conseil, avec des réserves toutefois. La HATVP, que nous avons contactée, a mis en garde l’ex-ministre sur les risques de “prise illégale d’intérêts” dans le cas où sa société aurait pour clientes des entreprises du domaine des transports.
Son ex-collègue haut-viennoise, Sophie Baudouin-Hubière, se montre critique à l’égard de la haute autorité : “J’ai été assez sidérée de voir quelques observations de la HATVP.”
Certaines personnes sont nommées ministres parce que compétentes dans leur domaine, et au lendemain de leur mandat, elles ne peuvent plus revenir dans leur secteur d’activité antérieur par crainte du conflit d’intérêt... C’est surréaliste. Je suis pour que l’on soit vigilant, mais il faut savoir raison garder, sans être excessif.
Sophie Beaudoin-HubièreAncienne députée de la Haute-Vienne
L’ancienne députée refuse par ailleurs de révéler sa situation professionnelle actuelle, tout en se disant “très occupée” : “Aujourd’hui, je ne suis pas une personne publique et j’estime que ma carrière ne regarde que moi”.
Banque postale, pomiculture et production de films
Christophe Jerretie, lui, vit toujours entre la Corrèze et Paris, où il occupe depuis janvier le poste de président du comité d’orientation des finances locales de la Banque postale. Comme Jean-Baptiste Moreau, il ne ferme pas la porte à un retour en politique : “Je m’intéresserai toujours à la politique et mon activité à la Banque postale ne m’empêchera pas de retenter ma chance un jour. J’ai 40 ans donc qui sait, dans 10 ou 15 ans… ”
L’ancien maire de Naves minimise cependant l’employabilité des ex-députés. “Le mandat de député n’est plus vendeur, parce que les grands groupes ont leur propre système de lobbying et parce que tout se passe au niveau de l’Europe. Les décisions importantes sont prises à Bruxelles et retranscrites en France.”
Cela n’a pas empêché le suppléant de Jean-Baptiste Djebbari, Pierre Venteau, d’être nommé directeur de l’Association nationale pommes poires avant même la fin de son mandat de député en mai 2022.
Quant à la troisième députée de la Haute-Vienne, Marie-Ange Magne, elle vient de créer sa société de production de films, baptisée "Ce qui nous plaît" et basée à Limoges, en plus de son mandat de conseillère régionale. Selon nos informations, un premier documentaire consacré aux supporters du CSP devrait entrer en tournage au mois d’avril.