Vingt ans de prison ont été requis contre Cédric Danjeux, le père du petit Loan, devant la cour d'assises de la Creuse ce jeudi 13 octobre 2016. Quatre ans d'emprisonnement ont été requis contre la mère de l'enfant, Christelle Mourlon.
Après les plaidoiries des parties civiles, la 4e journée du procès des parents de Loan a été marquée, en milieu d'après-midi par les réquisitions : 20 ans contre Cédric Danjeux, le père et 4 ans contre Christelle Mourlon, la mère.En août 2014, les parents du petit garçon avaient fait croire à son enlèvement avant de passer aux aveux, confrontés aux incohérences de leur récit. Des aveux qui conduiront à la découverte du corps de l'enfant, enterré près d'un lac à Saint-Sulpice-les-Champs.
Depuis lundi 10 octobre, les parents comparaissent devant la cour d'assises de la Creuse. Cédric Danjeux encourt une peine de 30 ans de réclusion pour violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner. Christelle Mourlon risque une peine de 5 ans de prison pour non-assistance à personne en danger, de recel de cadavre et de dénonciation mensongère.
La dernière journée du procès, vendredi 14 octobre, sera consacrée au plaidoiries de la défense puis le verdict sera attendu.
Résumé de cette avant-dernière journée de procés avec notre journaliste Nicolas Chigot
Réquisitions de l’avocat général Sébastien Farges.
L’avocat général, qui est accessoirement le procureur qui a mené l’enquête, s’est livré à un réquisitoire érudit, équilibré et tout en nuances soulignant les qualités des deux accusés avant d’expliquer la spirale diabolique qui les a conduit au drame. Pour finalement requérir 20 ans contre le père et 4 ans contre la mère du petit Loan.
« Un procès qui remue, qui remue en particulier la relation au père à la mère, ce qui est l’essence de la filiation, un procès qui touche au tabou le plus fort de notre société moderne qu’est l’atteinte à l'enfant ». C’est sur ces mots que Sébastien Farges commence son réquisitoire.
Puis il se lance dans un exposé comparant les deux accusés au titan Cronos et à son épouse Rhéa. Convoquant la figure mythologique du père qui dévore ses propres enfants que la mère, soumise, lui confie.
Cronos alias Cédric Danjeux (le père de Loan) risque une peine maximale de 30 ans de réclusion. On lui reproche un crime et deux délits.
Le crime : violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner aggravé par deux circonstances. Elles ont été commises sur un mineur de moins de 15 ans. Un mineur sur lequel il avait autorité.
Les deux délits : Omission de porter secours à personne en péril qui peut être punit de 5 ans d’emprisonnement et dénonciation mensongère de faits qu’il savait faux pour lequel il encourt jusqu’à 6 mois de prison. Des peines qui ne sont pas cumulables car en droit français c’est la peine la plus importante qui prime.
Rhéa alias Christelle Mourlon (la mère de Loan) risque 5 ans pour n’avoir pas porté assistance à personne en péril, 6 mois pour dénonciation de faits mensongers et enfin 2 ans pour le fait d’avoir caché le cadavre de son fils.
Selon notre journaliste Nicolas Chigot "On a senti de la part de l’avocat général une plus grande sévérité à l’encontre de Christelle Mourlon. Pour Cédric tout est dit il a reconnu les faits. Mais pour la mère « le reproche moral à son égard est plus grand » dit Sébastien Farges, « elle aurait dû lutter », ne pas se taire, son instinct maternel aurait dû reprendre le dessus et la conduire à appeler à l’aide alors que pendant ce jour fatidique du 21 aout 2014 elle voyait son enfant agoniser. Une sévérité qu’il reconnaît et contre laquelle il met en garde les jurés. Certes son comportement provoque l’indignation, mais ce n’est pas elle qui a tué, il faut distinguer le moral et le pénal.
Tout à sa volonté de faire un réquisitoire équilibré, l’avocat général est longuement revenu sur le fait qu’ils n’ont pas été que des mauvais parents. « Cela serait trop facile de se dire qu’on va juger deux monstres ». Il décrit le petit coin que le couple avait aménagé dans leur propre chambre, un petit coin délimité par une armoire, tout tapissé de rose et de bleu avec un lit parapluie et une table à langer. Sébastien Farges y trouve une preuve que cet enfant a bien été désiré. Vivant de minimas sociaux, le couple ne mangeait pas à sa faim. Loan au contraire n’a jamais manqué de rien. D’après les témoins il était propre et « sentait bon le bébé ».
Cédric a donc été capable de monter un foyer. Mais il s’est bien vite coulé dans le moule d’un père qu’il déteste et dont il s’est empressé de reproduire tout ce qu’il lui reprochait. « Un père ça bat, ça tape, ça insulte », c’est un dominateur tout puissant. Alors quand le bébé pleure trop on le corrige, on confond sévérité et violence.
Et ce jour-là, ce 21 août 2014, Cédric tape fort avec deux bagues aux doigts, suffisamment fort pour être entendu deux pièces plus loin alors que la porte de la chambre était fermée.
Balayant d’un revers de la main les « vapeurs », le « pointillisme », les atermoiements et la pusillanimité du professeur Paraf qui avait plongé la cour dans une grande confusion avant-hier en affirmant que le coup mortel aurait pu survenir plusieurs jours auparavant, l’avocat général a savonné la planche de la défense qui aurait pu s’appuyer sur ces hésitations. Son intime conviction : les claques infligées en aller-retour ont bien provoqué la mort de Loan.
La sévérité à l’encontre de Christelle Mourlon revient alors. Pendant les deux épisodes de violence qu’il distingue lors de ce 21 aout 2014, sa passivité est plus qu’étonnante. Elle vient dans la chambre alertée par les premiers coups, mais repart simplement sur cette simple injonction de Cédric : « dégage ». Elle retourne donc jour à la console avec sa petite voisine.
Le deuxième épisode est peut-être encore plus cruel. Appelée par Cédric qui lui dit « Je crois que j’ai fait une connerie » elle constate que les signes vitaux du bébé s’estompent peu à peu, qu’il est tuméfié, « violacé », mais elle ne réagit toujours pas et accompagne Cédric pour aller vont prendre un café et se balader dans le jardin. Quand les parents reviennent enfin auprès du petit Loan, il est mort.
A ce moment-là, même le « cri que l’on serait en droit d’attendre d’une mère » n’a pas franchi les lèvres de Christelle. Parler c’était envoyer Cédric en prison. Elle s’est tue.
Pour l’avocat général, l'enfant a donc été volontairement sacrifié.
« Et là on l’on confine à l'abject » c’est avec la dissimulation, la mise en scène. Quelques heures après sa mort le bébé est déjà dans un sac poubelle. Et Christelle participe. Elle tend les gants à Cédric qui ne veut pas toucher le cadavre. Elle le conduit sans broncher jusqu'au lac où il enterre l’enfant. Elle est force de proposition quand il s’agit de promener le faux poupon quand ils sortent et vont faire des courses. « Elle n’a pas qu’un peu simulé ».
Elle participe à la répétition de la mise en scène de l’enlèvement la veille du 27 août.
Sébastien Farges ne veut donc pas la considérer comme une faible femme qui aurait aveuglément suivi les ordres de Cédric.
Pour conclure l’avocat général parle d’un emboîtement diabolique. Les deux personnalités mises côte à côte ont exprimé le pire d'elles-mêmes. Ils sont « indissociables dans leurs dérives » et c’est l’enfant qui a précipité leur chute.
20 ans de réclusion ont donc été requis contre Cédric Danjeux, 4 ans à l’encontre de Christelle Mourlon.
Verdict attendu demain, vendredi 14 octobre.