C'est le centenaire du monument aux morts de Gentioux Pigerolles en Creuse, un monument unique en son genre puisqu'on peut lire sur la pierre "maudite soit la guerre". L'occasion pour la commune d’organiser des évènements autour de la paix : des débats, projections et conférences avec historiens. Aujourd’hui c’est l’épisode des mutins de la Courtine qui était à l’honneur.
Ils ont dit non.
Eux, ce sont ces soldats du corps expéditionnaire russe appelés à combattre auprès des Français pendant la première guerre mondiale à partir de 1916. À la faveur d'un accord conclu entre la France et la Russie, les Français s’engagent à fournir à l’empire du tsar Nicolas II du matériel militaire contre des renforts humains. Depuis 1914, les pertes sont colossales et l’armée commence à manquer d'effectifs. Lors de la conférence de Chantilly en décembre 1915, les Français évoquent donc avec les Russes l’idée d’envoyer des soldats, Nicolas II accepte. Ce sont quatre brigades d’infanterie, environ 40 000 hommes, qui s'engagent aux côtés des Français.
Mais en 1917, la révolution éclate en Russie et le tsar Nicolas II abdique le 15 mars. En France, des révolutionnaires russes tentent de convaincre les soldats russes de les rejoindre et d’abandonner la guerre. En quelques semaines, l’état-major français, qui connaît lui aussi des mutineries dans les tranchées après l'échec de l'offensive au chemin des dames, commence à devenir méfiant vis-à-vis de ces "frères d’armes".
Pour contenir tout débordement, les soldats russes sont envoyés au camp de la Courtine en Creuse, en juillet de la même année. Mais s'y affrontent ceux qui veulent retourner au pays et ceux qui veulent poursuivre la guerre. Décision est prise de réprimer la mutinerie.
Aidé par l’armée française, le commandement russe passe à l’action le 16 septembre. Après plusieurs jours de bombardements, les mutins se rendent. Le bilan officiel est de neuf morts et une trentaine de blessés. Les meneurs sont jugés et emprisonnés sur l'île d'Aix.
NON à la guerre
C'est le cas du grand-père d'Eric Molodtzoff, isolé au camp de la Courtine comme 10 000 de ses camarades. Son petit-fils est désormais héritier de cette mémoire "On les considérait comme des moujiks, totalement abrutis par des siècles de servage et on se rend compte d'hommes qui un moment donné vont dire non, non à la guerre, et qui vont dans ce camp de la Courtine s'autogérer, ils vont mettre les officiers monarchistes dehors et élire leurs propres officiers".
À un moment donné, il y a des soldats, des hommes qui vont dire non à la guerre, qui vont s'épanouir, devenir des citoyens à part entière pour prendre leur destin en charge, c'est la leçon principale que je retiens de cette histoire.
Eric Molodtzoff Petit-fils d'un soldat russe
Un refus des combats qui fait écho à l’inscription maudissant la guerre du monument aux morts de Gentioux.
Jusqu’au 11 novembre, pour fêter le centenaire de l’édifice, des conférences, débats et projections de documentaires mettent à l’honneur le pacifisme.
C'est l'occasion d'un coup de projecteur sur un épisode peut-être un peu moins connu de la première guerre mondiale, ça permet aussi de questionner l'actualité et la réalité du monde, un siècle après l'édification de ce monument.
Benjamin Simons - Maire de Gentioux-Pigerolles
Point d’orgue du centenaire : la cérémonie du 11 novembre, samedi prochain. Ce sera la dernière occasion de voir l’orphelin au poing levé. Pour son centième anniversaire, il va être totalement remis à neuf en 2024, notamment après avoir été tagué cet été pendant le tour de France.