L'inquiétude des éleveurs laitiers de Creuse en raison de la chute du prix du lait qui réduit considérablement leurs marges budgétaires. C’est le cas, plus particulièrement, dans l’est de ce département qui voit le nombre d’exploitations en vaches laitières chuter d’année en année.
Dès potron-minet, Michel Mourton est à pied d’œuvre. C’est l’heure de la traite pour ses 40 vaches : des Montbéliardes, toutes en bio, élevées à l’herbe et au fourrage maison.
La ferme de Michel Mourton produit 200 000 litres de lait par an avec un cahier des charges très strict, bio oblige. Ce qui signifie des coûts de fabrication élevés et en contrepartie, un prix d’achat supérieur au lait conventionnel... Enfin normalement, parce qu’en ce moment ce n’est plus le cas : 460 euros la tonne, c’est trop bas.
Je ne vais pas vous dire qu'il est trop haut... Avant on arrivait à 475 euros, surtout en prix de printemps. Il faudrait que ce soit un peu plus haut.
Michel Mourton, éleveur laitier
Lui arrive encore à s’en sortir parce qu’il a diversifié son exploitation avec un poulailler. Mais sans cela, il aurait mis la clé sous la porte. La situation est donc tendue. Mais heureusement pour l’éleveur, dans ce coin-là du Limousin, les acheteurs sont solidaires, à l'instar de Gilles Passelaigue, producteur de fromages : "Il fait des efforts donc on est bien obligé de faire un effort sur le prix aussi... Le problème, ça n'est pas avec mon ami Gilles qui fait du fromage à Mérinchal, c'est avec l'industriel", rétorque l'agriculteur.
20% d'augmentation sur un an
Le groupe Candia, pour ne pas le nommer, ramasse le lait dans l’est de la Creuse. Tandis qu’à l’ouest, c’est l’entreprise Chavegrand qui domine le marché : 60 millions de litres, 54 millions d’euros de chiffre d’affaires. Pour fabriquer des fromages... au juste prix, d’après Jean-Claude Chavegrand, le patron. "Il faut savoir qu'on a augmenté le lait de plus de 20% de l'année 2022 à 2023. Aujourd'hui, on est au prix qu'on espérait obtenir pour payer le lait comme on doit le payer. On ne peut pas baisser les prix, on vient juste de les augmenter, de rattraper notre retard."
Ce que veulent les industriels, c’est un approvisionnement régulier, rectiligne. Ce qui passe par la robotisation des exploitations. Pas vraiment le modèle de Michaël Magnier qui, avec ses parents, élève une cinquantaine de vaches. Avec un prix payé de 425 euros les 1000 litres. De quoi décourager les derniers producteurs creusois.
Sur les dix dernières années, on est passé de 200/250 éleveurs en Creuse à une cinquantaine au contrôle laitier, et 90 en tout. C'est la disparition d'un patrimoine.
Michel Magnier, éleveur laitier et secrétaire général adjoint des Jeunes Agriculteurs de Nouvelle-Aquitaine
Pour le jeune éleveur, dans deux ans, ce sera trop tard. Mais il veut encore y croire, à condition que la profession se réveille pour exiger un juste prix et une reconnaissance de ce métier de fermier.