Moins de vaches dans les élevages français : des conclusions difficiles à entendre en Limousin, terre d'élevage. C'est pourtant ce que préconise un rapport de la cour des comptes publié ce lundi 22 mai. Pointant ainsi du doigt l'effet des troupeaux sur les gaz à effet de serre. La juridiction propose même au gouvernement de lever des fonds pour faciliter la reconversion professionnelle des éleveurs.
Éleveur bovin depuis près de trente ans, Stéphane Demont est spécialisé dans la race limousine. Une race à viande qui consomme cinq à sept tonnes de fourrage par an et par animal. Un gros mangeur montré du doigt par la Cour des comptes pour ses rejets de méthane dans l'atmosphère.
"Il y a des bois, il y a des espaces qui sont verts, il y a de la prairie. Il n'y a pas de cheminées, pas d'usines, pas de trucs qui fument. Me sentir pointé du doigt par des technocrates, en tout cas des gens qui réfléchissent certainement beaucoup plus que moi, quand je regarde mes six vaches qui sont en train de brouter derrière moi à Vicq-sur-Breuil, je me dis qu'il y a un truc que je n'ai pas compris", se désole l'éleveur.
Incompréhension et agacement. Avec ce rapport de la Cour des comptes, c'est toute une filière qui se sent attaquée.
Que dit le rapport ?
La Cour des comptes pointe effectivement l'élevage bovin responsable de 11,8 % des émissions d’équivalents de dioxyde de carbone (CO2), un niveau comparable aux émissions des bâtiments résidentiels du pays. Même en prenant en compte le stockage du carbone dans les prairies, le bilan reste négatif. C'est essentiellement dû au fait que la digestion des bovins dégage du méthane, un gaz au potentiel de réchauffement bien plus élevé que le CO². Tout en reconnaissant l'atout que représente l'élevage, tant au point vue économique qu'environnemental grâce à l'engrais qu'il produit, la Cour recommande la baisse du cheptel pour tenir les engagements de réduction des gaz à effet de serre. La conjoncture est, de toute manière, à la baisse. Mais la Cour dénonce le fait que l'État n'accompagne pas cette baisse et n'impose aucune ligne directrice à l'élevage.
Des préconisations difficiles à digérer
"On veut notre mort. Ce qui me dérange énormément, c'est que la Cour des comptes rentre dans ce jeu-là. Il y a, je crois, 3 000 milliards de dettes en France. Je doute vraiment beaucoup que le bovin viande finisse de couler la dette française. C'est au contraire un atout et on est en train de nous assassiner, qu'on a programmé notre mort. Moi, je ne m'adapte pas à la mort et je n'ai pas envie d'entendre des bêtises pareilles", s'énerve Bertrand Venteau, président de la chambre d'agriculture de la Haute-Vienne.
À l'autre bout de la chaîne, juste avant le consommateur, les bouchers. Eux non plus ne comprennent pas pourquoi il faudrait réduire le cheptel français alors qu'il semble décliner.
"On a perdu 600 000 têtes, et il est prévu d'en perdre un million d'ici à 2030. Il n'y a pas besoin de le réduire, il se réduit naturellement au grand désarroi de toute une filière puisqu'on n'a plus assez de viande pour nourrir le peuple français".
Dans le berceau de la race limousine, loin de l'idée de polluer, la filière bovine poursuit son activité avec une épée de Damoclès climatique qui, chaque jour, attaque un peu plus son moral.