Le collectif Viti 33 a réuni près de 300 vignerons le 27 février à Pian-sur-Garonne. Une assemblée pour parler des aides de l'État qu'ils jugent insuffisantes dans une situation actuelle de crise de la surproduction. Au-delà des aides, ils réclament des états généraux de la viticulture pour refonder la profession et le commerce qui en découle.

Dans la salle des fêtes du Pian-sur-Garonne, ce 27 février 2023, le ton monte. Ils sont près de 300 vignerons à avoir répondu à l’appel du collectif Viti 33 pour échanger sur la crise qui sévit actuellement sur la filière du vin bordelais. "On est au bout d’un système et les instances n’ont pas le choix, elles sont obligées de l’entendre", déclare Renaud Jean, vigneron à Roquebrune. Mobilisés et en colère, ils demandent des aides de l’État et des états généraux de la viticulture pour faire bouger les choses.

Une crise de la surproduction 

Frédéric Salagnac est viticulteur sur le domaine de Château du Girons. Face aux difficultés actuelles, il est plus qu’amer. "Vu la conjoncture, on n’arrive pas à dégager de l’argent pour vivre tout simplement, alarme-t-il. L’an dernier, j’ai vendu un bâtiment pour arriver à tenir le coup et cette année, j'ai licencié mes deux filles qui travaillaient avec moi et qui devaient reprendre la suite de l’exploitation." Pour être à l’équilibre, il lui faudrait faire 80 000 euros d’économies, selon lui. Une situation qui n’est pas tenable.

Le viticulteur pointe les mauvais choix stratégiques des dirigeants de la filière qui se sont accumulés. "On a planté des vignes partout et voilà le résultat, constate Frédéric Salagnac. La seule solution pour moi, c'est l’arrachage." Comme lui, à la réunion du collectif Viti 33, ils demandent l’arrachage de certaines vignes, avec une prime à la clé. Car selon les calculs du collectif, les vignerons bordelais perdent en moyenne 47 millions d’euros par an sur le vin en vrac. Et ça ne s’améliore pas. Toujours selon leurs estimations, la saison dernière, ils étaient déficitaires de 4 358 euros en moyenne par hectare.

On réclame toujours un arrachage définitif primé à 10 000 euros. Il n’y aura que ça qui sauvera la viticulture et les viticulteurs.

Didier Cousiney, porte-parole du collectif et maire du Pian-sur-Garonne

Une situation due à une surproduction sur les 110 000 hectares de vigne bordelaise. Et pendant ce temps-là, les ventes baissent. Alors pour eux, il faudrait arracher au moins 15 000 hectares de vigne. Problème : l’arrachage est interdit depuis 2008 sauf dans des cas où les pieds seraient malades.

Des aides qui "ne suffisent pas"

Pour tenter de résoudre le problème, Marc Fesneau, le ministre de l’Agriculture, a débloqué 160 millions d’euros pour mener une campagne de distillation, le 7 février dernier. Il a également annoncé des primes pour l’arrachage sanitaire et la prolongation des prêts garantis par l’État. Insuffisant pour le collectif Viti 33. "Ce sont des pansements sur une jambe de bois", dénonce Didier Cousiney, le porte-parole du collectif et maire du Pian-sur-Garonne. Il réclame "toujours un arrachage définitif primé à 10 000 euros. Il n’y aura que ça qui sauvera la viticulture et les viticulteurs".

Dans le viseur des viticulteurs du collectif Viti 33 également : le Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux (CIVB). Les viticulteurs s’agacent et braquent les projecteurs sur "des années d’immobilisme" de la part de l’interprofession. Face à la colère des viticulteurs, Christophe Château, directeur communication du CIVB se défend d’être responsable de tous les maux. 

Depuis plusieurs années, nous ne sommes plus entendus ni écoutés.

Bastien Mercier, membre du collectif Viti 33 et maire de Camiran

Après les annonces du ministre de l’Agriculture, le vice-président du CIVB, Bernard Farges, constatait auprès de 20 minutes que "le ministre [n’avait] pas accédé à cette demande" de prime à l’arrachage. Il se disait toutefois confiant : "Je suis persuadé que cela évoluera dans les mois à venir, car la crise qui n’était officiellement qu’à Bordeaux ces dernières semaines, est en train de s’étendre à toutes les régions viticoles de France."

À la réunion publique de Pian-sur-Garonne, Christophe Château du CIVB assure que Bernard Farges "se bat tous les jours, toutes les heures pour avancer et pour avoir dans les jours qui viennent des solutions" à présenter aux viticulteurs bordelais. Selon lui, le vice-président du CIVB a rencontré le président Emmanuel Macron, la Première ministre Elisabeth Borne ainsi que le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau au Salon de l’Agriculture à Paris. Des annonces sont attendues dans les prochains jours.

Des états généraux pour "renverser la table"

Mais au-delà de ces aides, le collectif Viti 33 réclame une refonte du système actuel et notamment une meilleure équité entre les producteurs et négociants de vin. "Tant qu’il n’y aura pas d’équité, on ne va pas produire sur ces hectares où on perd de l’argent, c’est n’importe quoi. Il faut partager les richesses et les risques", réclame Thomas Fontheyraux, vigneron indépendant à Verdelais.

Afin de remettre tout à plat et de repartir sur de bonnes bases, ils demandent à présent des états généraux de la viticulture. "Depuis plusieurs années, nous ne sommes plus entendus ni écoutés, estime Bastien Mercier du collectif Viti 33 et maire de Camiran. Nous voulons, par ces états généraux de la viticulture, renverser la table, revoir les adaptations du produit au goût du client et faire en sorte que nous arrêtions d’avoir des boucliers et des freins qui nous empêchent d’avancer." Si cet appel reste lettre morte, ils menacent de continuer de se mobiliser, mais cette fois-ci dans la rue.

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