Quelques jours après le sabotage de la course En'duo du Limousin, de nombreuses voix se font entendre sur le plateau de Millevaches et en Creuse. Quand certains fustigent le fléchage retiré, d’autres s’interrogent sur le bien-fondé d’une telle compétition en plein Parc Naturel Régional.
La Préfecture de la Creuse annonçait ce lundi 7 novembre saisir la Procureure de la République de Guéret pour enquêter sur le « sabotage » survenu samedi 5 novembre sur la course En'duo du Limousin. La compétition avait été arrêtée en urgence en fin d’après-midi pour des raisons de sécurité.
« C’était l’anarchie et ça aurait pu être très dangereux. »
Leo Joyon, champion d'Europe d'enduro et participant à la course
Un certain nombre de flèches de direction ayant été retirées du tracé, de nombreux pilotes se sont perdus dans les forêts du Plateau de Millevaches aux abords de Gentioux-Pigerolles. Des actes malveillants présumés, ayant mis en danger de nombreux participants. Si certains sont tombés en panne d’essence dans des zones isolés, d’autres ont été retrouvés en état d’hypothermie selon les organisateurs. Les derniers pilotes auraient été recueillis vers minuit.
Pour Boris Labrousse, organisateur de la compétition, il n’y a aucun doute sur l’origine de ces actes. Il s’agirait, selon lui, de sabotage de la part de militants écologistes. Aujourd’hui, l’angoisse laisse place à la colère. « Il faut arrêter de dire que l’on est des criminels » affirme-t-il en rappelant avoir obtenu toutes les autorisations pour organiser son événement. Avant d'ajouter que les véhicules des courses sont "homologués et qu'ils ont évolué par rapport à la pollution".
Il envisage donc de porter plainte.
Réactions politiques
Sur les réseaux sociaux, les réactions vont bon train. Élus et personnages influents de tous bords fustigent de tels modes opératoires. C’est le cas de l’ancien député de la Creuse LREM, Jean-Baptiste Moreau qui affirme que ces agissements seraient l’œuvre de militants extrémistes fichés S : "Notre Creuse et le Plateau ont de vrais atouts qu'il faut développer tout en préservant l'environnement évidemment mais ces gens là ne sont même pas pour la plupart issus de notre territoire. Certains sont fiches S."
Jouany Chatoux, exploitant agricole bien connu sur le plateau de Millevaches, partage cette lecture et l'affiche clairement sur les réseaux sociaux. Pour lui, ces militants crispent le débat en s’attaquant à un loisir très prisé sur ce territoire. Il en appelle à la réaction de l’Etat sans quoi « des drames risquent de survenir ». Avant d’ajouter, contacté par téléphone, ces propos menaçants : « S’ils ne font pas le ménage sur le plateau, on s’en chargera ». Pour lui il s’agit de la même mouvance qui, en 2019 déjà, avait empêché la tenue du festival « l’An Zéro ». Il craint que le plateau de Millevaches ne devienne une zone ou tout événement ne puisse être organisé sans heurts et s’inquiète déjà pour le passage du Tour de France cet été.
D’autres élus de Gauche comme Etienne Lejeune, maire de La Souterraine, restent plus mesurés. Il regrette « une époque où seul l’extrémisme règne. »
On peut ne pas être d’accord, c’est la démocratie, mais saboter, détruire, mettre en danger d’autres personnes … De tels agissements desservent la cause de ceux qui croient la défendre, et sont tellement contre productifs, honte … La République, c’est la tolérance, le respect des autres et de soi même… Ne pas respecter cela, c’est être contre la République.
Etienne Lejeune, maire de La Souterraine, extrait d'une publication en ligne
Sur le fond, une compétition qui divise
L’opposition à cet événement semble pourtant bien dépasser le collectif d’une trentaine de militants écologistes ayant revendiqué ce sabotage. En témoigne le blocage d’une partie du tracé, organisé à visage découvert dès le début de la course samedi. Une action non-violente menée par d’autres militants écologistes qui réfutent toute accusation concernant le défléchage.
L’enduro est une catastrophe environnementale.
Jean-Paul Gaulier, Militant écologiste présent lors du blocage de la course
Autre acteur peu satisfait de l’organisation de cette compétition, le Parc Naturel Régional de Millevaches. Son chef de pôle et gestion de l’espace, Guillaume Rodier déplore le manque de concertation. Ces équipes n’auraient été prévenues que trop tard de la tenue d’un tel événement, laissant peu de temps à la réflexion et à la mise en place d’alternatives plus respectueuses de l’environnement. La traversée de cours d’eau à cette période peut, par exemple, perturber la reproduction des truites sauvages.
« L’organisateur ne nous a pas prévenus directement. Ce sont les habitants qui l’ont fait. On n’a eu que deux jours pour étudier le projet et émettre un avis avec des points de vigilances. Je ne sais pas s’ils ont pu être pris en compte, mais j’en doute. » déplore-t-il.
À l’avenir, il aimerait que les différents protagonistes puissent s’entendre plus tôt sur ce type de projet en milieu naturel. Selon lui, seule une réelle concertation permettra d’éviter la rupture totale du dialogue entre les militants écologistes et les autres acteurs du plateau de Millevaches.