La nouvelle vie de la ligne de chemin de fer désaffectée entre Saint-Sébastien Guéret

Les paysages du nord ouest creusois portent sa marque. La ligne qui ralliait la préfecture directement à Paris a été supprimée dans les années 50. Remarquablement conservée, elle va devenir en 2023 une voie verte pour cyclistes et piétons. Des chantiers de défrichement ont lieu tout l'été. Retour sur son histoire.

Nous sommes dans un étroit corridor de verdure. Une voûte aux camaïeux de vert nous surplombe. Bertrand Giraud, notre guide du jour n’est pas peu fier. C’est à la force de ses petits bras musclés qu’il a dégagé ce chemin. Des arbres sciés et des résidus de ronces en attestent. Nous avançons. Au pied du chemin un énorme caniveau permet d’évacuer les eaux de pluie. Plus loin un pont permet à la route de passer. Ce chemin n’est décidément pas ordinaire. Bien trop rectiligne. Trop ouvragé.

« Je n’ai pas eu grand-chose à faire. Tout est resté dans un excellent état de conservation. Les anciens construisaient solide. Ils avaient le souci du détail. Le souci de bien faire. »

Ces grands chemins en ligne droite, ces ponts remarquablement maçonnés, ces petites maisons aux formes particulières, et même cet énorme viaduc sur lequel presque personne ne passe. En sillonnant le nord-ouest creusois, je me suis souvent fait la réflexion qu’il manquait quelque chose dans le paysage. Il manque des rails !

Une ancienne ligne de chemin de fer reliait en effet Saint-Sébastien à Guéret en passant par La Chapelle Baloue, Lafat, Dun-le-Palestel, Saint-Sulpice le Dunois, Bussière-Dunoise, Saint-Suplice et Anzème.

Les rails ne sont plus là mais la ligne a durablement fendu le paysage comme Moïse la mer Rouge.

L’origine de cette ligne est à chercher à la fin du 19e siècle. A cette époque, pour rallier Paris à partir de Guéret, il faut passer par Saint-Sulpice-Laurière. C’est long ! Les élus creusois s’en émeuvent et plaident pour un tracé plus direct. En 1876, le gouvernement de la IIIe République accepte de construire une ligne plus courte.

« C’est là que les débats ont commencé, parce qu’évidemment tout le monde était d’accord pour dire il faut une ligne mais tout le monde voulait l’avoir chez lui. Il y a eu de nombreuses discussions avec de nombreux itinéraires proposés. C’est finalement celui que l’on peut encore distinguer qui a été retenu » explique Bertrand Giraud historien amateur, fils de cheminot et ardent défenseur de la gare de Saint-Sébastien.

Un itinéraire choisi également pour des raisons économiques. Il s’adapte aux contraintes du terrain en contournant le relief. Il y a donc très peu d’ouvrages d’art. Il n’y en a en fait qu’un : le viaduc de Sibilot qui enjambe de ses cinq arches la Sédelle. Raison pour laquelle il n’y a eu que peu d’accidents mortels lors de la construction. Fait plutôt rare à l’époque. La ligne n’a finalement coûté que 7 millions de Franc or.

N’allez pas croire que c’est la SNCF qui a eu la charge de la construire. Nous sommes à la fin du 19e siècle. C’est la grande époque des compagnies ferroviaires privées. C’est celle du Paris Orléans qui obtient la concession. Après 4 ans de travaux, la ligne de 45 kilomètres est inaugurée en 1886.

Nous sommes dans l’espace Klepsydra, un musée dédié à l’histoire locale. Bertrand Giraud exhibe fièrement un coussinet, une pièce métallique sur laquelle reposaient les rails. On distingue encore nettement les initiales PO pour Paris Orléans. Dans le musée on trouve également des tirefonds, les vis permettent de fixer le rail à la traverse ou encore des bornes hectométriques

Des objets trouvés par Bertrand lors de ses travaux herculéens pour exhumer plusieurs portions de la ligne.

A l'époque cette liaison servait pour les voyageurs mais aussi et surtout pour les marchandises.

« Sur cette ligne, il y a la gare de Bussière-Dunoise qui était un gros centre de production de pommes de terre et de viande. Tout ça partait à Paris, aux halles, pour alimenter les parisiens. Pendant la guerre de 14-18, la gare de Bussière-Dunoise était le plus gros centre d’expédition de pommes de terre en France » explique Bertrand.

De la ligne, il subsiste aussi quelques curiosités architecturales. Un aqueduc tunnel par exemple. Sous la voie en surplomb, un long couloir a été percé. Il servait au passage des habitants mais pas que. Deux hauteurs de chaussée permettent de l’emprunter sans se mouiller les pieds.

« Il y a deux dallages. Un plus bas pour l’eau et un plus haut pour les habitants, mais aussi les animaux. Ils y faisaient aussi passer les vaches selon les anciens qui peuvent en témoigner ».

Rares sont les personnes encore vivantes ayant emprunté cette ligne. René Martin l’a prise à la fin des années 30. Il en garde un souvenir très vif. « Ça remuait drôlement ! Et c’était long. Il s’arrêtait partout. Je me souviens plus combien on a mis de temps pour aller à Guéret, mais ça a mis du temps ! C’était pour aller voir le docteur. » Un train dont le passage était anxieusement guetté à cette époque. « Le train mettait le feu dans les feuilles sèches. Il n’y avait pas de pompiers, les gars couraient après le train avec des sceaux d’eau pour éteindre le feu » relate René, goguenard.

Une autre habitante du coin se souvient aussi du voyage. Huguette Lasnier a pris place dans un wagon à Pâques en 1945. Lycéenne à Marouzeau, elle profite du week-end et embarque avec des camarades un samedi matin.

« C’était long. Il y avait deux wagons de voyageurs accrochés à ceux de marchandises. Le train faisait le plein d’eau à Dun le Palestel. Des marchandises étaient chargées dans chaque gare. Il y avait avec moi des filles de Lafat ou d’Eguzon qui rentraient chez elles ».

Une longueur de trajet (1h30) et un inconfort qui auront bientôt raison de la ligne de chemin de fer. Le car volera bientôt la vedette au train. La ligne est supprimée en 1952, déclassée en 1954 et déférrée en 1957.

Une nouvelle vie pour la ligne ?

70 ans après, et comme un juste retour des choses, c’est dans la gare de Dun-le-Palestel qu’un projet de renaissance de la ligne est imaginé. La communauté de communes du Pays Dunois y a pris ses quartiers, il y a quelques années. Ses agents planchent sur un projet de voie verte pour les cyclistes et randonneurs. Quoi de mieux dans nos régions vallonnées que ces 45 kilomètres de plat relatif.  Un potentiel touristique  enfin exploité.

« Ce n’est pas très commun d’avoir une ancienne voie ferrée toujours dans le même état. Très peu de portions de ligne ont été vendues, exception faite du secteur de Saint-Sulpice le Dunois. Mais sinon, de Dun à Saint-Sébastien, 80 à 90% de la ligne est restée en l’état et toujours propriété des communes. C’est un atout pour le territoire » explique Nathalie Pavageau, directrice des services de la communauté de communes.  

Des actions bénévoles se poursuivent à l'heure actuelle pour continuer d'élaguer et de dégager les zones encore bouchées. 

Une nouvelle vie dans l’ère du temps pour la voie ferrée qui devrait permettre à partir de 2023 de rallier Saint-Sébastien aux alentours de Guéret à la force du mollet.

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