Loi EGALIM : le compte n’y est pas pour le député Jean-Baptiste Moreau

Le président de la République s’est rendu le 23 février 2021 au chevet du monde agricole. Au centre des discussions : la loi EGALIM dont le député de la Creuse, Jean-Baptiste Moreau, était rapporteur. Deux ans après, force est de constater que ça ne fonctionne pas.

La Loi EGALIM ne fonctionne pas. La déception est grande pour Jean-Baptiste Moreau. Le député (LREM) de la Creuse, un peu désabusé, dresse cet amer constat alors que les manifestations d’agriculteurs se multiplient ces jours-ci. Jusqu’au 1er mars, les négociations pour fixer les prix avec la grande distribution battent leur plein et ulcèrent le monde agricole. Les prix ne sont toujours pas rémunérateurs. Les coûts de production, des matières premières, pour nourrir le bétail notamment, ne cessent d’augmenter et ne sont toujours pas répercutés sur les prix comme le prévoyait la loi.

Un effort avait été fait au moment de la promulgation mais le député de la Creuse remarque que "les vieux réflexes ont repris le dessus". La guerre des prix a repris de plus belle et s’étale sur les écrans publicitaires. C’est à celui qui vendra le moins cher. Ce que les consommateurs ne réalisent pas, c’est qu’au bout de la chaîne, c’est l’agriculteur, pressé comme un citron, qui trinque. Le contexte offre en plus cet argument en or : avec la crise économique, il faut préserver le pouvoir d’achat des Français en tirant les prix toujours plus bas. De la poudre aux yeux pour Jean-Baptiste Moreau  : "Ce n’est pas le pouvoir d’achat des Français qui est préservé mais les marges très confortables de la grande distribution".

Constat évidemment partagé par les syndicats agricoles. "Cette loi, j’osais vraiment y croire. C’est une boite avec plusieurs outils dont le plus important pour nous était la prise en compte des coûts de production. J’ai toujours osé croire à son déploiement mais là je suis de plus en plus désespéré. Il n’y a pas de volonté politique d’aller au bout de la démarche. Il y a des choses qui nous dépassent, des impératifs de politique générale, la préservation de certains intérêts qui empêchent systématiquement le gouvernement d’aller au bout de la démarche", explique Christian Arvis, président de la FDSEA de la Creuse.

Ce que déplorent les agriculteurs c’est qu’aucune mesure coercitive n’ait été prise pour contraindre la grande distribution à respecter la prise en compte des coûts de production.

Quelles solutions ?

Le président,  lors de sa rencontre en Côte D’or avec les différents acteurs de la filière en début de semaine, n’a pas vraiment apporté de solution. Il a avant tout pressé les industriels et la grande distribution de faire un effort  de "se réconcilier" avec les agriculteurs et "d’arrêter de jouer les uns contre les autres" avec la menace de la multiplication des contrôles de la répression des fraudes.

Un début de solution pour Jean-Baptiste Moreau : "Il faut taper au porte-monnaie, il n’y a que ça qui fonctionne. Il y eu plus de contrôles de la DGCCRF en 6 mois qu’en 6 ans. Sinon, il fallait passer par une contractualisation entre des groupements d’agriculteurs et la grande distribution en toute transparence. Il faut lancer des aides incitatives pour que les agriculteurs se regroupent et aient plus de poids pour négocier les prix. Il faut aussi une automaticité de la révision des prix quand les coûts de production augmentent. Cette indexation existe par exemple dans le bâtiment. Nous sommes en train de plancher sur le sujet et des propositions concrètes vont être formulées. Il faut aussi diversifier rapidement les exploitations en Limousin. La monoculture élevage bovin viande nous rend très fragiles".

Des solutions un peu tièdes pour Christian Arvis : "Il faut que le gouvernement promulgue une loi qui interdise les achats de denrées agricoles en dessous du coût de production et qu’il y ait des sanctions lourdes si ce n’est pas respecté. Il faut inverser la logique de la loi EGALIM. Au moins ça sera plus clair."

Les éleveurs sont au bout du rouleau. De plus en plus veulent jeter l’éponge. 70 heures de travail par semaine et on se tire difficilement 200 euros par mois.

Christian Arvis, FDSEA de la Creuse

L’ambiance dans le monde agricole est très tendue. Les prix n’ont jamais été aussi bas qu’en fin d’année dernière. Et ils ne remontent que péniblement depuis. L’INSEE en fin d’année a publié une note qui indique que le revenu des fermes françaises a baissé de 6,5 % en 2020.

"En regardant le documentaire sur les agriculteurs diffusé sur France 2, je me suis fait la réflexion que ça fait 120 ans qu’on demande la même chose : des prix rémunérateurs pour notre travail. Au bout d’un moment la passion ne suffit plus. Les négociations avec les grandes surfaces et la loi EGALIM c’est du foutage de gueule. Il faut que les consommateurs comprennent que pour bien manger il va falloir débourser plus d’argent. S’ils sont capables de claquer 1000 euros dans un smartphone, ils doivent pouvoir dépenser 10 à 15 €/le kilo pour une cagette avec des bons morceaux de viande. De la viande locale, de bonne qualité", constate Michaël Magnier, des Jeunes agriculteurs de Creuse.

Ça fait deux mois que je ne me suis pas sorti de salaire 

Michaël Magnier (Jeunes Agriculteurs de Creuse)

Le contexte morose a déjà un impact concret sur le nombre d’installation de jeunes agriculteurs. Il n’y en a jamais eu aussi peu en Creuse qu’en 2020. 25 au lieu d’une grosse cinquantaine les autres années. Comment attirer des jeunes dans une profession qui ne fait plus rêver, où il faut 300 à 400 000 euros pour s’installer en n’ayant jamais l’assurance de pouvoir se tirer un salaire ? La question reste posée…

 

 

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