La loi Egalim "n'a pas apporté un centime de plus" : les agriculteurs partagés avant la visite d'E. Macron en Côte-d'Or

Le chef de l’Etat sera en visite dans une exploitation de Côte-d'Or ce mardi 23 février notamment pour parler de la loi Egalim. Une visite très attendue par les agriculteurs et notamment les représentants de la filière qui regrettent l'absence d'effet de la loi qui devait les aider.

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Emmanuel Macron est annoncé ce mardi 23 février à Étaules, petit village de Côte-d'Or situé à quelques kilomètres de Dijon. Le président sera accompagné du ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation Julien Denormandie.

La loi Egalim : un espoir pour tous les producteurs

Un peu plus de deux ans après l'entrée en vigueur de la loi Agriculture et Alimentation (Egalim), une table ronde en présence de distributeurs, de producteurs et d'industriels transformateurs sera organisée.  L'occasion pour le chef de l'Etat de dresser un premier bilan de l'impact du texte. Il se sait en tout cas très attendu par les représentants de la filière agricole. 

Promulguée le 1er novembre 2018, la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous,  devait améliorer le revenu des agriculteurs, en insufflant davantage d’éthique dans les négociations commerciales entre d’un côté la grande distribution, et de l’autre les industriels. 

Loi Egalim : un constat d'échec pour les représentants de la filière 

Elle a suscité un immense espoir dans les campagnes, la promesse que le Gouvernement avait enfin trouvé la solution aux problèmes du revenu agricole en France comme le rappelle Fabrice Génin, président de la Fédération Départemental des syndicats d'exploitants agricoles de Côte d'Or. 

"On estimait que cette loi était faite pour redistribuer ou rétablir le rapport de force entre la grande distribution et les producteurs, mais ce rapport de force aujourd’hui n’est toujours pas rétabli. L'agriculteur pointe notamment "le discours de la grande distribution qui est toujours le même : faire baisser les prix. Eux se grandissent de préserver les marges et ce sont toujours aux agriculteurs de tirer leurs prix vers le bas."

Cela n’a pas ramené un seul centime sur nos exploitations aujourd’hui. Les grandes surfaces ne veulent pas jouer le jeu."

Antoine Carré, président des jeunes agriculteurs de Côte d'Or

Un peu plus de deux ans après sa promulgation, les représentants de la filière dressent un constat d'échec comme Antoine Carré, président des jeunes agriculteurs de Côte d'Or. "Il n’y a rien d’appliqué sur les exploitations", constate l'exploitant agricole, basé à Verrey-Sous-Salmaise. Aujourd'hui, il ne croit plus en cette loi. "Cela n’a pas ramené un seul centime sur nos exploitations aujourd’hui. Les grandes surfaces ne veulent pas jouer le jeu."

Il devrait prendre part demain à la rencontre organisée avec Emmanuel Macron et Julien de Normandie. Il compte bien en profiter pour "en remettre une couche"  tout comme Christophe Chambon. Directeur de la Fédération régionale des syndicats d’exploitants agricoles de Bourgogne Franche-Comté, il souhaite rencontrer le ministre de l'agriculture. 

Il ne souhaite pas d'annonce mais "des résultats" de la part du chef de l'Etat. "Cela fait trois ans qu’une loi a été votée mais la loi n’a rien changé directement sur la plus value dans les exploitations. Notre demande principale, c'est de travailler pour que l'on ait une répartition plus équitable de cette plus value."

Faire appliquer ou faire évoluer la loi ? 

La Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles, associée aux Jeunes Agriculteurs, a organisé, ces dernières semaines plusieurs journées de mobilisation et d’actions pour dénoncer la non application de la loi Egalim qui devait augmenter leurs revenus.

"Ces dernières semaines, il y a une pression qui a fortement augmenté au niveau de la profession. On veut que la loi Egalim soit appliquée et la faire évoluer", déclare Christophe Chambon.

Le problème n’est pas le fond de la loi mais comment réussir à la faire appliquer par la grande distribution.

Fabrice Génin, président de la FDSEA 21

Fabrice Génin lui attend que le gouvernement "fasse respecter la loi. Une loi qui permettait d’avoir beaucoup d’espoir. Trois ans après, on a l’impression qu’elle n’est pas porteuse de beaucoup de satisfaction."

Selon le représentant de la FDSEA 21, "le problème n’est pas le fond de la loi mais comment réussir à la faire appliquer par la grande distribution. Quand on parle de rapport de force, c’est à se demander aujourd’hui où en est le rapport de force entre l’Etat et la grande distribution ?"

Pour Antoine Carré, "il n'y a qu'une seule solution, c’est de faire évoluer la loi." Il souhaiterait comme beaucoup de ses confrères que soit mise en place une interdiction de vendre en dessous du coût de production. "Aujourd’hui, produire un kilo de viande sur une exploitation, cela nous revient à 3,80 ou 4 euros. On se retrouve à vendre des bêtes à cause du manque d’aliments ou de la sécheresse à 2 euros le kilos. Avec 50 ou 60 centimes de plus, cela changerait tout. C'est la marge qui nous manque."

La grande distribution : un lobbying qui pèse lourd 

Dans cette bataille des négociations sur les prix, Fabrice Génin pointe le lobbying opéré par la grande distribution. "Aujourd’hui, on voit que la grande distribution de par sa concentration, elle est très forte et pèse beaucoup. Ce sera difficile d’aller à son encontre". 

Même constat pour Christophe Chambon. "C’est tellement compliqué à mettre en place avec le système actuel notamment les grandes marques qui travaillent sur le lobbying. Ils pèsent trop lourd."

Vers plus de transparence sur les marges de la grande distribution ? 

Selon l'Elysée, Emmanuel Macron devrait ce mardi amorcer des discussions "autour des pistes sur la transparence sur les marges et la pluriannualité des contrats". Il devrait au passage réitérer "un message de fermeté à l'égard des distributeurs vis-à-vis des négociations tarifaires avec les filières.

Une bonne chose pour Antoine Carré. "La question de la transparence, il faudrait la poser aux consommateurs. La transparence, on la connait quand on voit le prix réel et le prix au supermarché."

Pour Fabrice Génin, au-delà des annonces, "il faudrait message et expliquer au consommateur que ce qu'ils ont la chance d’avoir dans leur assiette, cela a un niveau de qualité et de prix en dessous duquel on ne peut pas descendre. Il faut un courage politique pour dire que s’alimenter en France, cela a un prix."

Les circuits-courts, la solution ? 

De plus en plus d'agriculteurs se convertissent à la vente directe comme mode de distribution. Cela limite le nombre d'intermédiaires entre le producteur et le consommateur. Ce système leur garantit une plus juste rémunération. C'est le cas de la ferme d'Etaules qui visitera demain le chef de l'Etat. 

Pour Antoine Carré, "si on veut les généraliser et que ça puisse inciter le consommateur à boycotter les grandes surfaces, je pense que là, peut-être, la grande distribution commencera à se poser des questions."

Mais selon le président des jeunes agriculteurs de Côte d'Or, tout le monde n'est pas prêt ou organisé pour le faire. "Transformer une bête, l’emmener à l'abattoir, la découper, la cuisiner ou faire un magasin, cela demande des investissements. Et ouvrir une boutique avec des horaires d’ouverture, ce n’est plus le métier de base de l'agriculteur."

Fabrice Génin estime que cela peut être une des solutions pour remédier à la crise agricole mais pas "la solution". "On sait très bien qu’on ne passera pas toute notre production en circuit court. En Bourgogne Franche-Comté,  on est obligé de sortir presque 50% de ce qu’on produit de notre région car on a un faible bassin de population. Les circuits-courts ne permettront pas à tout le monde d’y aller."

Cette visite d'Emmanuel Macron en Côte d'Or se tiendra à quelques jours de la fin, le 1er mars 2021, des négociations commerciales annuelles qui déterminent les prix des produits vendus en supermarché (hors marques de distributeur) et la rémunération de tous les maillons de la chaîne alimentaire.

Selon l'Elysée, le chef de l'Etat devrait s’exprimer sur le sujet alors que le gouvernement a prévenu qu’il continuerait à intensifier les contrôles pour tenter de sortir par le haut du bras de fer entre la grande distribution et ses fournisseurs.

 

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