Il y a 30 ans, le 28 février 1991, était détecté le premier cas d'Encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) en France. Si le nombre de contaminations a été faible en Limousin, les éleveurs ont pâti de la chute de la consommation de viande. La race limousine, gage de qualité, s'en est bien sortie.
La crise de la vache folle a profondément bouleversé les pratiques de l'élevage dans le monde agricole, ainsi que les habitudes des consommateurs. Nous avons tous en tête ces images de bovins aux arrière-trains tremblotants, tenant difficilement sur leurs jambes, le scandale des farines animales et l'aversion subite pour la consommation de viande qui s'en est suivi.
Le 28 février 1991, le premier cas d'ESB en France est détecté dans une ferme laitière des Côtes d'Armor.
La maladie est apparue quelques années plus tôt en Grande-Bretagne. Causée par un prion, elle se traduit par une infection dégénérative du système nerveux central des bovins.
Incriminée : l'alimentation des animaux, ces fameuses "farines animales" contenant des protéines issues de carcasses d'animaux morts.
Cinq ans plus tard, le risque de transmission à l'homme est reconnu. C'est le début d'une crise majeure pour l'élevage bovin.
Quelles leçons ont été tirées de cette crise ? Comment, 30 ans après, les élevages se sont-ils adaptés ? Comment la race limousine, moins touchée, a-t-elle tiré son épingle du jeu ?
Le Limousin plutôt épargné
Le Limousin ne fait pas partie des zones les plus touchées en France, car cette épizootie concerne surtout les élevages laitiers qui consomment alors les fameuses farines animales incriminées.
Sur 951 cas diagnostiqués en France depuis 1991, on dénombre 11 cas en Limousin. Le premier est détecté en janvier 2000 dans un élevage de vaches laitières à Ahun, en Creuse. Quelques mois plus tard, le premier cas d'ESB sur un bovin de race limousine est diagnostiqué à Tersannes, dans le nord de la Haute-Vienne. Le dernier cas connu en Limousin date de 2006.
Les éleveurs touchés malgré tout
Même si le nombre de contaminations est relativement faible, les éleveurs du Limousin subissent la crise de plein fouet.
Tous sont touchés par la chute drastique de la consommation de viande provoquée par la crise. En 1996, celle-ci baisse de 25% en France. Elle chute même de 45% pour les abats, morceaux considérés comme plus à risque.
Les débouchés des broutards se réduisent et les cours s'affaissent. Pour faire face à la surproduction de viande, les animaux les plus âgés sont abattus et incinérés.
On emmenait des bêtes à l'incinération pour désengorger le marché. C'était traumatisant.
Pour Philippe Babaudou, éleveur de vaches limousines à Saint-Genest-sur-Roselle en Haute-Vienne, investi à la Confédération Paysanne, cette période a été particulièrement traumatisante : "La consommation de viande bovine a connu un arrêt brutal, qui a impacté tout le marché. En plus des difficultés économiques, ça a été un choc psychologique pour les éleveurs, qui se sont rendus compte des déviances du système productiviste et ont dû se confronter au rejet des consommateurs".
Alain Pimpin, figure de l'élevage limousin, installé à Beynac en Haute-Vienne, a été particulièrement atteint par cette crise de la vache folle. En 2003, 30 bêtes de son cheptel ont dû être abattues à cause d'une suspicion d'ESB chez un taureau que l'éléveur avait vendu 15 ans auparavant et qui finissait sa carrière en Moselle : "Il a fallu abattre toute la cohorte : les animaux nés la même année, ceux de l'année d'avant et de l'année d'après. 140 bêtes au total, dissiminées un peu partout en France. Résultat : tous les tests se sont avérés négatifs !... Pour moi, ça a été un manque à gagner important, mais surtout le sentiment d'un grand gâchis en tuant ces bêtes à la valeur génétique importante."
Les leçons tirées de la crise
Tous les éleveurs contactés s'accordent sur un point : la crise de la vache folle a permis de faire évoluer les pratiques au sein de l'élevage, notamment en remettant à plat tout le système d'alimentation des animaux. "C'est le début de la prise en compte du bien-être animal", analyse Philippe Alibert, président de France Limousin Sélection et du Herdbook de la race limousine, "C'est la fin d'une époque où l'on recherchait les rations les moins chères possibles."
Pour son prédécesseur, Bernard Roux, qui occupait les mêmes fonctions en pleine crise de la vache folle, cette crise a été un déclencheur pour la communication et la transparence autour des pratiques de l'élevage : "C'est de cette époque qu'est né le projet de Limousine Park. En 1996, en pleine crise, tous les médias nationaux se sont tournés vers nous, pour mieux comprendre. Il fallait établir un lien de confiance avec le consommateur. Nous avons eu cette idée de créer un lieu de communication permanente".
La race limousine tire son épingle du jeu
Moins touchée directement par la crise de la vache folle, la race bovine limousine a même su valoriser cet épisode.
A l'époque, son modèle de production est à l'opposé de l'élevage intensif plus répandu. "Les Limousines sont nourries à l'herbe, sans farines animales. Nous avons déjà des labels comme le Blason Prestige, qui nous oblige à respecter un cahier des charges très strict. La viande est tracée, identifiée. C'est tout ce que le consommateur va demander après la crise", affirme Philippe Babaudou.
En mettant en avant la race limousine comme une race de qualité, les acteurs locaux ont su transformer en atout cette crise qui a profondément boulevrsé le monde de l'élevage.