En soutien au monde agricole, France 3 se mobilise. Focus sur la fierté d'un territoire : en moins de 200 ans, la race Limousine est devenue l’une des plus appréciées par les éleveurs du monde entier et sa viande l’une des plus recherchées par les gastronomes.
On dirait qu’elle a toujours été là. Elle fait partie du paysage. Elle est le paysage.
Sa robe rousse étincelante qui se détache sur le vert profond d’une grasse prairie à flanc de colline est devenue l’image emblématique du Limousin.
Et pourtant...
La Limousine est la fille d’un terroir, mais elle est surtout le fruit du labeur des hommes qui y vivent, le résultat de presque deux siècles d’un long et patient travail d’observation, de soin, de sélection et d’amélioration.
Même les animaux ont une histoire.
Avant le XVIIIe siècle, on parle peu de la vache Limousine. Pourtant, quelques boeufs de la race alimentent déjà les marchés parisiens.
En 1791, un agronome documente pour la première fois ses caractéristiques physiques, son phénotype : « poil fromental, tête courte, cornes luisantes, oeil grand et noir, poil du front crépu, fanon pendant jusque sur le genou ».
Pour l’historien Philippe Grandcoing, qui a rédigé l’ouvrage "La belle Limousine", avant le XIXe siècle, la race n’avait pas trop bonne réputation.
A l’époque, dans les campagnes pauvres du Limousin, la vache et le boeuf sont des animaux de trait, de travail, pas des animaux destinés à produire de la viande.
L’intuition de quelques notables éclairés
Si on veut engraisser un boeuf, il faut le mettre à l’étable pendant six mois, et surtout il faut beaucoup le nourrir. Ce qui veut dire qu’il faut que la ferme ait des excédents pour le donner à ces animaux. Et en Limousin, au début du XIXe siècle, on n’a pas ça.
Ce sont donc de riches propriétaires terriens, curieux et modernistes qui vont donner le premier élan à l’amélioration de la race.
Dans son château de Bort, près de Limoges, Pierre-Edmond Teisserenc de Bort, puis son fils, vont investir une partie de leur temps et de leur fortune pour donner à la Limousine ses premières lettres de noblesse.
Dans leur ferme modèle, où les animaux sont nourris et engraissés dans une organisation moderne et rationnelle, ils vont élever les premiers animaux qui, très vite, vont rafler les médailles dans les concours nationaux, puis internationaux, jusqu’à l’Exposition Universelle de Paris en 1895.
Il fallait prendre un risque économique que les paysans du Limousin ne pouvaient pas forcément prendre, et aussi avoir une vision de ce que pouvait être cette agriculture. Il fallait avoir une agriculture plus productive. Sur ce plan la race bovine Limousine est exemplaire.
Entre 1830 et 1860, le poids moyen des bovins limousins va être multiplié par deux. Et la réputation de la Limousine ne va plus cesser de s’améliorer.
►Notre reportage - Les belles Limousines : une longue histoire
Reportage : Pascal Coussy, Noëlle Vaille, Jean-Claude Dyvrande, Sébastien Bugeaud - France Télévisions
Images Cinémathèque de Nouvelle-Aquitaine - France 3 Limousin - Pascal Coussy, Noëlle Vaille
Intervenants :
- Philippe Grandcoing : historien, auteur de "La belle Limousine"
- Marc-Antoine de Sèze : arrière-arrière petit-fils de Pierre-Edmond Teisserenc de Bort
Le travail de générations d’éleveurs
A la même époque, un autre notable limousin, Charles de Léobardy, consacre toute son énergie à sélectionner les meilleurs animaux de la race.
Dans son domaine du Vignaud, au coeur des Monts d’Ambazac, lui s’appuie sur le savoir faire de ses métayers. En 1886, il créé le premier Herd-Book Limousin. La race Limousine moderne est née.
Charles de Léobardy c’est quelqu’un de très important. C’est l’un des premiers, avec Teisserenc de Bort et Le Play, à avoir essayé d’améliorer la race en partant de la souche existante. A la ferme du Vignaud, c’est vraiment l’association d’un éleveur de terrain, le métayer Royer, et d’un éleveur éclairé.
Peu à peu, la passion pour l’élevage et la sélection des meilleurs animaux va se répandre dans les campagnes et transformer toutes les campagnes du Limousin.
Pendant des décennies, les comices agricoles et les foires vont rythmer la vie des habitants. "Il y a une centaine de comices par an. Il y a des concours départementaux, des concours nationaux. C’est vraiment toute une pyramide d’éducation par l’exemple et la récompense. C’est le moment aussi où on expose sa fierté d’avoir de beaux animaux", détaille Philippe Grandcoing.
Au XXIe siècle, les successeurs des pionniers s’appuieront sur leur héritage pour se tourner vers la modernité.
La crise de la vache folle a montré comment le caractère rustique d’une race qui mange de l’herbe et vit dans les prés pouvait être un atout face à des élevages intensifs nourris avec des aliments importés.
Pour Philippe Babaudou, qui élève 70 vaches sur 100 hectares de prairies au sud de Limoges, "la race Limousine est une race ancienne mais elle s’est avérée moderne par rapport à l’attente des consommateurs".
Les conditions de l’élevage en Limousin sont finalement des conditions très modernes et en tout cas très adaptées au futur de ce que devrait devenir l’élevage. Les prairies participent à la capture du CO2 de l’atmosphère. On pourrait avoir plus d’animaux qui seront engraissés et finis à l’herbe. Ça peut faire partie des objectifs futurs de sélection de la race Limousine.
►Notre reportage - Les belles Limousines : des éleveurs passionnés
Reportage : Pascal Coussy, Noëlle Vaille, Jean-Claude Dyvrande, Sébastien Bugeaud - France Télévisions
Images Cinémathèque de Nouvelle-Aquitaine - France 3 Limousin - Pascal Coussy, Noëlle Vaille
Intervenants :
- Philippe Grandcoing : historien, auteur de "La belle Limousine"
- Aurélie Trentalaud, éleveuse de Limousines à la Jonchère
- Jean Boutet,: éleveur de vaches Limousines en 1965
- Philippe Babaudou : éleveur de vaches limousines à Saint-Genest-sur –Roselle
Le temple de Lanaud
A quelques kilomètres de Limoges, perchée sur une colline, les bâtiments futuristes de la station de Lanaud, imaginés par l’architecte Jean Nouvel, abritent le coeur de la race.
Certains parlent plutôt d'une université où sont rassemblés, observés, et sélectionnés les meilleurs animaux. C’est là, aussi, que les éleveurs viennent recruter et acheter les plus beaux reproducteurs qui viendront valoriser leur élevage.
Il y a 1 400 éleveurs adhérents au Herd Book, l’annuaire de la race Limousine. Tous les ans, les 600 meilleurs mâles de la race viennent et sont hébergés ensemble à Lanaud.
Dans les étables on trouve même des vaches « connectées » équipées de capteurs biologiques.
« Sur l’ordinateur on a des courbes d’activité de l’animale et des courbes de rumination » explique Julien Mante, responsable R&D de France Limousin Sélection.
On détecte des pics de chaleur quand l’activité augmente et quand la rumination chute. L’idée c’est d’améliorer la fertilité pour que les éleveurs puissent avoir un veau par vache et par an.
A Lanaud, on analyse aussi chaque année 10 000 échantillons biologiques pour scruter les belles Limousines jusqu’au coeur de leur ADN.
"On utilise cette information de l’ADN pour prédire la valeur génétique de l’animal sur une douzaine de caractères intéressants pour l‘éleveur" explique Solange Faurisson, de la société Ingénomix. "On va voir par exemple la facilité de naissance ou l’aptitude laitière de la vache".
L’idée c’est que l’éleveur puisse sélectionner ses meilleurs reproducteurs mâles ou femelles pour avoir ensuite une bonne productivité de son troupeau.
Quatre fois par an à Lanaud, en public ou en ligne sur internet, les éleveurs du monde entier peuvent comparer et choisir aux enchères les plus beaux animaux.
►Notre reportage - Les belles Limousines : Lanaud, le berceau de la race
Reportage : Pascal Coussy, Noëlle Vaille, Jean-Claude Dyvrande, Sébastien Bugeaud - France Télévisions
Intervenants :
- Jean-Marc Alibert : président du Herd-Book Limousin
- Julien Mante : responsable recherche et développement France Limousin Sélection
- Solange Faurisson : cheffe de service sté. Ingénomix
Le meilleur de la viande
Aujourd’hui, la viande Limousine est l'une des viandes de boeuf les plus recherchées et les plus réputées.
Tracée, labelisée, estampillée du Blason Prestige, c’est même " une des meilleures viandes du monde", n’hésite pas à dire Laurent Butot, restaurateur à Limoges.
Et il sait de quoi il parle. Pendant des années c’est lui qui a tenu le restaurant officiel du Salon de l’Agriculture à Paris. Aujourd’hui, il a à coeur de valoriser ce qu’il considère comme un produit d’exception.
Au point qu’il va choisir lui-même ses bêtes sur pied , dans les fermes, chez les éleveurs. Après maturation, c’est aussi lui qui découpe ses morceaux. Et devant ses fourneaux, il ne tarit pas d’éloges : "A la cuisson tout le petit gras va fondre ce qui va rendre la viande d’une tendreté exceptionnelle".
Mieux vaut en manger moins souvent mais manger du bon. C’est vrai que ça a un coût mais ça a un goût aussi, et les papilles ont le droit de connaître ces produits là.
► Notre reportage - Les belles Limousines : une viande exceptionnelle
Reportage : Pascal Coussy, Noëlle Vaille, Jean-Claude Dyvrande, Sébastien Bugeaud - France Télévisions
Intervenant : Laurent Butot, restaurateur à Limoges.
Avec autant d’atouts, la Limousine est désormais une star internationale.
Aujourd’hui, on la trouve dans quatre-vingt pays et sur les cinq continent. C’est la race bovine française la plus exportée dans le monde.
De la Pampa argentine aux steppes de Mongolie, de la Réunion à l’Australie, le soleil ne se couche plus jamais sur la belle Limousine.
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