Des dauphins dans les filets d'un bateau de pêche d'Arcachon filmés et dénoncés par l'ONG Sea Shepherd

Dernièrement, c'était un fileyeur artisanal basé à Arcachon qui était montré du doigt. L'organisation non-gouvernementale Sea Shepherd est en campagne sur les côtes pour alerter sur ce mode de pêche non sélectif qui peut être une menace pour la biodiversité. Les pêcheurs défendent leur bonne foi.

Sur sa page Facebook, le 4 septembre, l'ONG diffusait des images du fileyeur arcachonnais Voluntas Dei remontant "en 24 heures" cinq dauphins dans ses filets. Des images tournées, d'après l'organisation, le 30 août dernier au large de Quimper.

Le 5 septembre, une autre vidéo montrait ce même bateau remontant cette fois des requins "peau bleue", une espèce quasi menacée selon l'UICN (ONG consacrée à la conservation de la nature).

Des captures accidentelles qui continuent de se produire malgré les mises en place de système d'éloignement qu'utilisent certains bateaux de pêche ("pingueurs" ou émetteurs acoustiques).
Car les dauphins accompagnent souvent les bancs de poissons recherchés par les pêcheurs.

Le témoignage de Sea Shepherd

D'après Lamya Essemlali, Présidente de Sea Shepherd France, les 49 requins ont été pêchés avant la capture des dauphins mais diffusés seulement le 5 septembre. Ces témoignages "chocs" sont censés rendre compte de ce qui peut se passer sur nos côtes.
Car c'est aussi ce que pointe l'ONG, à savoir le manque de contraintes et de contrôles de ces professionnels de la pêche.
Pour elle, ces pêches ne sont pas toujours "accidentelles": "Quand on installe des filets là où des dauphins ont été vus" ( ... ) "on considère sans doute que ce sont des dommages collatéraux"...

Depuis la fin de l'été 2020, les équipes de l'ONG  poursuivent une campagne d'observation des pêches notamment en Bretagne. Des observations parfois filmées qui donnent des échanges tendus entre pêcheurs et ONG. 
Un bateau de la marine nationale est dernièrement venu  sur zone, sans doute lui aussi en observation de tout ce petit monde. 

"Malheureux de trouver un dauphin dans leur filet"

Pour Yves Herszfeld, patron de la criée d'Arcachon: "À chaque fois qu'un pêcheur prend un dauphin dans le filet, il est malheureux.. En plus ça chasse le poisson, ça casse les mailles du filet..." 
"Bien-sûr, on n'en parle pas trop..." "Mais quand ils remontent les filet, les dauphins sont déjà pris dedans, déjà morts... parce que les pêcheurs les ont posés la veille. Eux, ils cherchent la sole, le merlu,... Alors quand ils remontent un dauphin..."
Une mauvaise image pour une profession qui, selon lui, "est très surveillée... À terre, en mer, pour la taille, les quotas, le maillage... Il y a beaucoup plus de contrôles que l'on croit!"
Quant au bateau incriminé cette fois, il s'agit un fileyeur artisanale de 16 mètres immatriculé à Arcachon, mais qui pratique la pêche au merlu en Vendée ou sur la côte bretonne, "parce que le poisson est là-bas".

Une plainte bientôt déposée contre Sea Shepherd

La société de gestion qui arme le bateau est basée à Arcachon. Le gérant indique qu'il va porter plainte. "Je dois d'ailleurs rencontrer le patron du bateau, en Bretagne". Car selon lui, ces prises de photos et vidéos "sont illégales".
Il explique que le bateau a été contrôlé à son retour au port. "Les gendarmes sont dans leur rôle... Mais je m'interroge sur le fait que Sea Shepherd puisse mandater la gendarmerie!"
Bien-sûr, le gérant est amer. Ces vidéos sont terribles pour l'image de la pêche. "

Il faut que les gens comprennent que c'est un crève-coeur de voir un dauphin mort dans nos filets.

Le gérant armateur du bâteau de pêche Voluntas Dei


Par ailleurs, comme beaucoup de pêcheurs, il met en doute les estimations de populations des cétacés: " La population des dauphins n'est pas menacée. On parle de 182 000 dauphins, ce qui représente une estimation basse qui date de 2012... Je pense qu'on est plus près du million".
Précision donnée par le comité nationale des pêches " La population est en réalité de 634 000 à l'échelle de l'Atlantique Nord-Est et plus précisément de 180 000 à 200 000 individus pour la zone dite Golfe de Gascogne. "

Et il plaide la bonne foi. "Des captures accidentelles, il y en a toujours eu, et il y en aura encore". "Contrairement à ce que certains pensent on ne vise pas dauphin, on ne le mange pas non plus! et on ne peut pas le détecter".
Reste que les filets utilisés, pour la sole mais surtout le merlu, varient en hauteur de 1m60 à 5-7 mètres de hauteur...

Le gérant ajoute qu'ils ont aussi des obligations, des contrôles et suivis.
"Pour des bateaux de plus de 12 mètres, des balises pointent toutes les 5 minutes", pour la position du navire. Depuis 2015, ils doivent inscrire dans un journal de bord électronique la pêche du jour en ligne et ces éventuelles captures doivent être répertoriées.
Quant aux contrôles, ils sont effectués après un tirage au sort. Mais les contrôleurs ne peuvent monter à bord qu'avec l'assentiment du capitaine. Selon le gérant, il n'en a refusé aucun.

22500 euros en cas de non-signalement

Bien souvent, les cétacés ou requins pris accidentellement sont envoyés par dessus bord, morts ou vifs. Quoi qu'il en soit, depuis 2011, ils doivent faire l'objet d'un signalement. En cas de manquement, il en coûte pour le patron de pêche jusqu'à 22500 euros d'amende par "prise".

Echouages et mise en demeure de l'Europe

1 134 dauphins communs ont été retrouvés morts sur les côtes françaises du Golfe de Gascogne au cours de l'hiver 2019. Le groupe scientifique Pelagis estime à 11 300 ( dernier chiffre public ) le nombre de dauphins morts, estimation basée sur le taux de flotabilité entre autres. 
Le 2 juillet dernier, c'est l'Union européenne qui a mis en demeure la France de réagir à cette mortalité excessive d'ici le 2 octobre. On parle de 55 millions d'euros d'amende pour ces captures accidentelles si rien n'est fait pour y remédier.

Pour Willy Dabin, du laboratoire scientifique Pélagis de La Rochelle (CNRS), cela fait quatre-cinq ans qu'ils observent au mois d'août (et cette année même plus tôt), ces échouages de dauphins. Pour lui, la capture est pour 90 % d'entre eux "la cause de leur mort par asphyxie en profondeur". "Des animaux en bonnes conditions physiques". Sachant que "les 10% restant ne sont simplement pas dans un état de conservation suffisant" pour confirmer cette causalité.

Et quelles constatations ? Parfois les autopsies ne sont pas utiles. Il suffit de voir un aileron caudale ou pectoral tranché net pour savoir que le dauphin n'est pas mort de vieillesse. "Non pas des tortures, mais les pêcheurs les découpent durant leur opération démaillage" pour éviter d'avoir à réparer les filets.
Les professionnels de la pêche nuancent par la voix du comité national des pêhces " Si un dauphin meurt en mer et se prend dans les filets, il peut avoir les mêmes stigmates. "

Concernant les vidéos de Sea Shepherd, poursuit Willy Dabin: " Ce qui me choque, même si les images vont directement sur les captures, c'est qu'il n'y a pas de poissons autour des dauphins, dans le filet..."

Le scientifique explique aussi que "c'est sûr c'est facile de viser le pêcheur", mais c'est "tout un système économique" qui engendre de telles pratiques, des outils qui ont évolué... Comme ce "filet pêche-tout" qui comme son nom l'indique, ne laisse que peu de chance aux poissons quels qu'ils soient. Et ceux qui ne sont pas commercialisables retournent à l'eau... En attendant, c'est tout un écosystème qui est fragilisé.
Nuance là aussi des pêcheurs du comité national : " Ce filet pêche-tout était utilisé avant les pics d'échouages et la pratique tend à diminuer ces dernières années. Pour ce qui est de les remettre à l'eau : " Il est interdit de ramener à quai une espèce protégée. " argumentent les représentants de la profession.

Des engagements pour une pêche durable ?

Lamya Essemlali, présidente de Sea Shepherd France, explique que les scientifiques européens préconisent une fermeture spatio-temporelle des pêches de 4 mois : soit 3 en hiver, 1 en été, pour permettre à la ressource de se reproduire.

Par ailleurs, un programme européen prévoit d'accompagner financièrement cette démarche vers une pêche plus durable en accompagnant ses professionnels grâce au Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP).

Un fonds de 6 milliards d'euros, dont une enveloppe de 588 millions d’euros pour la France pour la période 2014-2020. D'après Sea Sheperd, notre pays n'en aurait "utilisé que la moitié à la date de décembre 2019". Alors que selon eux, ce fonds permettrait plus de conversion vers une pêche davantage respectueuse de la ressource, de financer des contrôles ainsi que de financer le manque à gagner des pêcheurs durants les mois d'arrêt."Le FEAMP promeut une économie de la pêche et de l’aquaculture plus compétitive, fondée sur la connaissance et l’innovation, et créatrice d’emploi, et soutient le développement économique durable de la pêche et de l’aquaculture". Cet instrument financier a vocation à aider les pêcheurs et aquaculteurs à adopter des pratiques durables, aider les populations côtières à diversifier leurs activités économiques, financer des projets destinés à créer des emplois et à améliorer la qualité de vie le long du littoral européen.

 
 
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