Depuis un an, Cécile Constantin écrit les biographies de patients en fin de vie. À Saint-Maixent-l'École, l'ancienne aide-soignante accompagne ces personnes avec la possibilité de raconter leur histoire. Le résultat : un livre sur mesure, remis en mains propres au patient ou à sa famille.
Comment accompagner les patients en fin de vie ? C'est la question que s'est posée Cécile Constantin, 45 ans. L'ancienne aide-soignante à l'hôpital de Saint-Maixent-l'École y exerce maintenant comme biographe hospitalière. Son maître-mot : "prendre soin de ces personnes, en prenant soin de leur histoire". Depuis novembre 2020, les patients atteints de maladies graves et incurables peuvent lui confier leurs souvenirs de vie. Elle les restitue ensuite à l'écrit et cela donne un livre personnalisé que le patient ou sa famille pourront conserver.
Accompagner face à l'inévitable
Avant de coucher à l'écrit les mots des patients, Cécile Constantin exerce dans cet hôpital, principalement de nuit. C'est là que naît sa nouvelle vocation. Elle voit des patients gravement malades. Des maladies parfois incurables et imprévisibles. Alors, il faut les accompagner de la façon la plus humaine possible. "On peut remédier aux douleurs physiques des patients avec des traitements médicamenteux. Pour les douleurs "morales", c'est aussi une solution mais je me demandais s'il existe d'autres moyens", explique Cécile.
Elle fait alors des recherches et découvre qu'il existe des "biographes hospitaliers", à Chartres (Eure-et-Loir). Cécile franchit le pas. En parallèle de sa profession, elle entame des études à l'Université de Nantes. Ensuite, un diplôme universitaire en "Histoire de vie en formation" couronne son parcours. Sa nouvelle vie, toujours au chevet des autres, débute à ce moment-là.
Un souvenir humain et durable
Recueillir des récits de vie n’est pas aisé. Aucune obligation pour les patients, tout se fait dans la concertation. "Ce n’est pas moi qui passe dans les chambres. Je suis intégrée à l’équipe soignante, ce qui fait que je participe à leurs réunions quotidiennes. C’est à ce moment-là que le personnel identifie et propose des patients qui pourraient être intéressés", dit Cécile.
Ce n’est qu’à ce moment-là que la « biographe » propose aux personnes atteintes d’une maladie grave et incurable d’immortaliser leur vie, à l’écrit. "Je m’entretiens directement avec les personnes, dans leurs chambres et je leur décris ma démarche", explique l’ancienne aide-soignante. Dès lors, le patient a le choix.
S’il accepte, c’est un autre défi qui s’ouvre pour Cécile. Être auprès du malade pour recueillir ses mots peut prendre du temps : "Un mois, ou même quatre mois, comme cela m’est arrivé". Du recueil jusqu'à l'édition, il peut s'écouler près d'un an. La raison est simple : "Je dois être fidèle aux mots que dit la personne biographiée. Ne pas écrire dans un style littéraire mais écrire à la première personne du singulier. Capter la manière de parler du biographié pour pouvoir entendre la voix, rien qu'en lisant le récit".
Ces contraintes sont de taille mais elles répondent à son idée d’accompagner ces personnes malades : "Le temps de la rencontre permet de mettre à distance la douleur physique de la maladie. Cela met les gens au cœur d’un projet, les rend acteurs de ce qu’ils vivent. Le fait de rassembler des éléments de vie contrebalance ce que ces personnes subissent sur le moment".
Il faut aussi accorder le plus grand soin à la forme, surtout que le livre constitue un des derniers souvenirs de l’être aimé : "Ces livres représentent la mémoire de l’autre, ils doivent être un objet précieux. Ce qui explique le choix d’une reliure « à la japonaise », une couverture en papier marbré et un titre librement choisi par le biographié". Pour ce faire, Cécile Constantin est aidée par une infographiste qui met en page le livre, mais aussi par une relieuse d'art, toutes deux situées à Cholet (Maine-et-Loire).
L'autre particularité, c'est que ces livres souvenir n'ont jamais de point final : "Il y a une dizaine de pages vierges en fin d’ouvrage. L’idée, c’est que la vie n’est pas finie et qu’elle continue à s’écrire. Les proches ont la possibilité de s’approprier comme ils veulent ces dernières pages".
L’initiative de Cécile est bien accueillie par les familles et les patients. D’autant plus que le livre leur est remis gracieusement en mains propres. "Il y a beaucoup de gratitude de la part des familles parce que l'hôpital de Saint-Maixent est le seul des Deux-Sèvres qui propose cela", explique la biographe.
Actuellement, pour l’ensemble de la région Nouvelle-Aquitaine, il y a déjà deux « biographes hospitaliers ». L’idée se développe puisque sept autres « biographes » sondent en ce moment les hôpitaux afin de proposer leurs services.