Le Conseil national de protection de la nature a estimé que les travaux de mégabassines dans les Deux-Sèvres étaient contraires à la protection de l'outarde canepetière. Cette espèce protégée est en voie d'extinction : sa population a chuté de 95 % en près de 25 ans. Le collectif Bassines Non Merci a l'intention de porter plainte.
C’est une petite victoire pour les manifestants de Sainte-Soline. Le Conseil national de protection de la nature (CNPN) a estimé, dans un avis rendu public le 4 décembre, que les travaux de mégabassines en cours dans les Deux-Sèvres sont contraires à la réglementation des espèces protégées. Le CNPN estime que ce chantier est susceptible d’avoir des conséquences importantes sur les outardes canepetière qui habitent les lieux. L’institution s’était autosaisie au printemps, estimant qu’elle aurait dû être consultée avant que les travaux débutent.
Cet oiseau des plaines agricoles est devenu le symbole du mouvement de contestation anti-bassines, qui agite la commune de Sainte-Soline depuis des mois. L’outarde canepetière est une espèce migratrice protégée et en danger d’extinction : entre 1976 et 2000, sa population a chuté de 95 %. Selon les derniers décomptes, seuls 250 couples habitent encore en Europe. L’ancienne région du Poitou-Charente accueille notamment plus de 80 % de la population migratrice d’outardes.
Aucune mesure de protection de l'espèce
Le lieu d’implantation de la bassine de Sainte-Soline, classé zone Natura 2000, est l’un des sites de reproduction les plus importants du département. Le CNPN estime que les arrêtés préfectoraux d’autorisation de 2017 et de 2020 auraient dû être précédés de la procédure de demande de dérogation “espèces protégées”, impliquant l’avis du CNPN.
En outre, “les travaux réalisés sans cette autorisation dérogatoire l’ont été sans association de mesure permettant d’assurer à cette espèce menacée un état de conservation favorable alors même qu’il y a perturbation de son comportement et de son domaine vital, destruction directe d’un minimum de 17 hectares d’habitat spécifique et existence d’impacts permanents défavorables à l’espèce, du fait notamment d’aménagements connexes et d’une surface irriguée importante”, précise la délibération du CNPN. Les travaux engagés à Sainte-Soline ont des effets sur la nidification et les déplacements des outardes, en raison de la destruction de leurs aires de repos et d’alimentation.
Des mesures qui semblaient d’autant plus évidentes que le projet de bassine est situé dans une Zone de protection spéciale (ZPS), nécessitant une étude d’incidence et des mesures compensatoires.
Jusqu'à 150 000 € d'amende
Sur son compte Instagram, le collectif 'Bassines Non Merci !' a immédiatement réagi. “Nous sommes déterminé.e.s à le faire reconnaître juridiquement pour stopper les travaux ! [...] Nous n’allons rien lâcher et profiter des regards tournés vers Sainte-Soline pour démontrer qu’il est possible de mettre un terme aux chantiers destructeurs, malgré leur passage en force.” Selon le collectif, la Coop de l’eau, qui porte le projet des mégabassines, pourrait être poursuivie pour deux délits, et pourrait être condamnée à verser une amende de 150 000 €. “Nous pouvons demander la démolition de la mégabassine de Sainte-Soline !”, estime le collectif sur Instagram.
Voir cette publication sur Instagram
Pour l’heure, aucun recours en justice n’a été déposé. Le collectif Bassines Non Merci a annoncé son intention de porter plainte contre le président de la Coop de l'eau, Thierry Boudaud, samedi 23 décembre. Ils l'accusent d'avoir détruit l'habitat de l'outarde canepetière. Le dépôt de plainte devrait avoir lieu en début d'année 2024.