Le cas de l'abbé Spinoza, arrêté en plein catéchisme en dépit de son interdiction d'exercer au contact de mineurs, offre une nouvelle illustration de la difficulté pour l'Église de traiter des maltraitances commises par les prêtres.
"Il n'avait aucun droit de faire du catéchisme". Sur ce point, l'archevêque de Bourges, dont dépend l'abbé interpellé en Deux-Sèvres le 31 mai dernier, est on ne peut clair : "Régis Spinoza a commis une infraction grave. Selon les règles de l'Église de France, pour faire le catéchisme, il faut en avoir la mission, signer une charte de bienveillance et présenter un extrait de casier judiciaire", explique Jérôme Beau.
L'abbé Régis Spinoza, condamné pour des violences sur mineurs, avait été interdit par la justice d'exercer au contact d'enfants. Et pourtant, le prêtre intégriste improvisait des cours de religion dans le secret d'une grange, située dans le lieu-dit de la Guiraudière, sur le territoire de la commune de Saint-Amand-sur-Sèvre (Deux-Sèvres).
"Je savais qu'il faisait des messes privées pour des amis. Cela fait partie de sa vie de prêtre. En revanche, personne n'était au courant qu'il faisait du catéchisme", affirme l'archevêque de Bourges.
Jérôme Beau précise avoir déposé plainte devant les institutions de l'Église, afin que l'affaire soit tranchée par le tout nouveau tribunal pénal canonique national, créé fin 2022, à la suite du rapport Sauvé sur les violences sexuelles dans l'Église. "L'abbé Spinoza a certes été condamné au pénal, mais il faut que je sache quel type de sanctions lui donner s'agissant de son ministère... Et savoir ce qu'il peut devenir !"
Une décision de justice canonique qui doit mettre fin à des années de tergiversations.
Selon Jérôme Beau, l'abbé Régis Spinoza n'aurait jamais dû intégrer le diocèse de Bourges en 2015 : "Une erreur terrible", commente aujourd'hui l'archevêque car, dès cette époque, l'Église n'ignore rien du parcours tortueux de ce prêtre intégriste.
Même condamné, l'abbé Spinoza reste prêtre
Le collège que dirigeait l'abbé Spinoza, jusqu'en 2010, avait déjà été fermé à la demande du rectorat, en raison de "carences graves dans le domaine de la formation scientifique et de l'enseignement de l'histoire". Négationnisme, pétainisme, antisémitisme... Les élèves y sont éduqués avec, pour seuls repères, les obsessions de l'extrême droite française.
Pourtant, en 2016, l'archevêque de Bourges de l'époque, Armand Maillard, choisit de reconnaître l'Angélus, la nouvelle école fondée par l'Abbé Spinoza à Presly (Cher). Le chef du diocèse - très au fait de ces problématiques, puisqu'il a été responsable de l'enseignement catholique au sein du Conseil pour la pastorale des enfants et des jeunes - s'en expliquera plus tard dans la presse locale : "Avec une centaine de jeunes [scolarisés à l'Angélus], l’évêque pouvait-il faire comme si cela n’existait pas ? Je pense qu’il fallait mieux reconnaître l’école. Ce sont des catholiques, même s’ils ne sont pas de ma sensibilité", a estimé Armand Maillard.
Seulement, le scandale éclate dès 2017, quand le procureur de la République de Bourges révèle les châtiments, dignes du "XIXe siècle", qui étaient infligés aux élèves de l'établissement.
Dès lors, il est "retiré toute mission" à l'abbé Régis Spinoza, précise le diocèse. Mais, même suspendu, le prêtre conserve son titre et les émoluments qui y sont associés : "On continue à lui assurer un revenu pour qu'il ait de quoi vivre", justifie l'archevêque de Bourges. "Même lorsque les prêtres n'exercent plus de missions, on continue à les soutenir."
L'archevêché, seul décisionnaire
En dépit de sa condamnation pour violences sur mineurs et malgré la proximité avérée de l'abbé Spinoza avec l'extrême droite, l'archevêque explique devoir s'en tenir à cette position : "Pour l'instant, je suis obligé de respecter le droit de l'Église et d'attendre le jugement du tribunal [canonique]."
"J'ai bien conscience que ce ne soit pas très lisible, reconnaît Jean Beau. Mais que faire ? Si on doit les réduire à l'état laïc, je pense que cela doit passer par un tribunal canonique, ce qu'on a mis en place." L'archevêque se retrouve aujourd'hui seul décisionnaire et ne peut s'appuyer sur des directives précises de la part de l'Église : "Lorsque l'on a des violences sexuelles, on a un protocole : Rome est mis au courant, une commission se saisit de l'affaire, etc. Mais, pour des faits de violences physiques, il n'y a pas de protocole", observe-t-il.
La prise en charge des maltraitances sur mineurs demeure une "vraie question" pour l'Église, admet Jérôme Beau. S'agissant de l'abbé Spinoza, le prélat réfléchit donc à de nouvelles "sanctions", comme "lui interdire tout ministère public dans l'attente de la décision du tribunal pénal canonique national".