Avec "Arthur Rambo", le cinéaste Laurent Cantet plonge son public dans l’univers sombre des réseaux sociaux. Le film est inspiré de faits réels : la polémique Mehdi Meklat.
Pour aller vite, on dit de Laurent Cantet qu’il est Niortais. En réalité, pour être précis, la palme d’or 2008 avec « Entre les murs » a grandi dans le petit village d’Ardilleux, tout près de Chef-Boutonne (79).
À 60 ans, Laurent Cantet fournit une nouvelle analyse sociétale aussi percutante que dérangeante, dans la lignée de « Ressources humaines », « L’emploi du temps », ou « L’atelier », son dernier long-métrage sorti en 2017.
Et comme un rituel à chaque sortie de ses films, le réalisateur viendra présenter « Arthur Rambo » à Niort au Moulin du Roc. Rendez-vous dimanche 6 février à 18h pour un ciné-rencontre. Tarifs habituels et réservations recommandées (sur le site internet).
Sans spoiler le film, voici le ressenti et l’analyse du programmateur-cinéma du Moulin du Roc. Entretien avec Marc Lanel.
En quoi ce film est utile dans la compréhension des réseaux sociaux et plus largement de la société ?
"Je ne sais pas si le film apporte des réponses mais en tout cas il pose les bonnes questions sur les conséquences que peuvent avoir des propos haineux sur les réseaux sociaux, surtout pour l’image, parfois fausse d’ailleurs, de leurs auteurs et de leurs entourages. Le film parle du fait qu’on puisse rendre des personnes intégristes juste par les réseaux sociaux, comment on peut mobiliser avec ça sur des thèmes dramatiques.
Finalement Laurent Cantet, encore une fois avec ce film, réussit à attirer notre regard sur les aspects malsains de notre société...
Il sait s’emparer des bons sujets, dont on ne parle pas forcément beaucoup. Je trouve qu’il fait du cinéma social ou...sociétal, et qu’il le fait vraiment bien. Ici, les réseaux sociaux, ça aurait pu être un sujet lourd, banal. Pourtant, on est tout de suite avec le personnage dans ses problématiques, dans son cerveau et en même temps, rien n’est simple. Il y a un côté… pas vraiment thriller mais il y a du suspense. C’est un film très intelligent qui s’adresse à tout le monde, des jeunes de 15 ans peuvent venir le voir".
C’est un film qui rend plus intelligent peut-être ?
"Je ne sais pas... Mais encore une fois, il pose les bonnes questions et de la bonne manière. Des questions qu’on ne se pose pas forcément. Moi, je ne connaissais pas l’histoire de ce journaliste du Bondy Blog qui avait, pour plaisanter, envoyé sur les réseaux sociaux, des propos haineux, antisémites, racistes... Avant que cela ne se retourne contre lui. Et alors qu’a priori il ne pensait pas du tout ces choses. Le film n’accuse pas les réseaux sociaux de tous les maux de la société mais il nous alerte sur les dangers et les effets pervers qu’ils peuvent produire. Laurent Cantet, lui-même, n’est pas sur les réseaux sociaux mais pour réaliser « Arthur Rambo », il a travaillé longtemps et il a su très bien s’entourer pour connaître son sujet".
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Le synopsis de "Arthur Rambo" : Karim D. est un jeune écrivain engagé au succès annoncé. Son alias, Arthur Rambo, poste des messages haineux bientôt exhumés des réseaux sociaux…
Dans la vie réelle, Mehdi Meklat est un journaliste et écrivain français, qui en 2017, fait l'objet d'une polémique. Depuis plusieurs années, il publie des tweets haineux sous le pseudonyme Marcelin Deschamps.
Laurent Cantet se souvient. "Comme beaucoup, j’écoutais les Kids, Mehdi et Badrou, le matin sur France Inter dans l’émission de Pascale Clark, et j’étais troublé par leur jeunesse et par la puissance de ce qu’ils osaient parfois à la radio. Leurs chroniques étaient très créatives et très éclectiques, pas du tout cantonnées aux problématiques des banlieues. J’avais aussi lu des articles de ce duo dans le Bondy Blog que je trouvais pertinents, intelligents et politiquement forts. N’étant pas utilisateur des réseaux sociaux, je n’avais jamais eu connaissance des fameux tweets de Mehdi Meklat. Je les ai découverts le lendemain matin de l’affaire, à la radio et dans la presse. Ma toute première réaction a été la stupeur. Mais j’avais surtout du mal à recoller les morceaux, à me dire que ce gars intelligent et sensible avait pu écrire ça."