Le mothais sur feuille est un fromage de chèvre principalement produit dans les Deux-Sèvres depuis le XIXe siècle. Il a obtenu jeudi 21 novembre son AOC (Appellation d'origine contrôlée). Une entrée dans le royaume des fromages de prestige. Et il présente une petite particularité qui le rend unique. Dégustation.
Comme tous les matins, les deux frères ont transformé le lait de leurs 370 chèvres en fromage. Mais depuis ce vendredi 22 novembre, ce lait a pris une « teinte » différente. Il est désormais labellisé AOC (Appellation d’origine contrôlée) dès qu’il se transforme en mothais sur feuille.
"Ce matin, c’était une journée de fabrication comme les autres, mais nous y avons pensé", confie Samuel Charles, producteur de mothais sur feuille à Périgné dans les Deux-Sèvres. "Nous nous sommes dit que c’était un nouveau défi. Nous ressentons encore plus de fierté de produire ce fromage. C’est un peu notre médaille d’or des jeux Olympiques."
Avec Pierre, son frère, Samuel Charles produit 80 tonnes de mothais sur feuille par an qu’il vend dans toute la France. Une tradition familiale qui a commencé il y a 45 ans avec le père et l’oncle. "C’est notre produit phare qui représente 60 % de notre production. C’est ce fromage qui s’est toujours le mieux vendu du fait de sa forme, de son goût à l’affinage et de sa facilité de moulage."
Un fromage qui a aussi une particularité : il se présente sur une feuille de châtaignier. D’où son nom.
"Les nervures de la feuille drainent plus lentement le sérum, cela aide à l’affinage du fromage", explique Laurent Bonneau, président du syndicat de défense du mothais sur feuille. Un fromage au goût unique grâce à cette feuille de châtaignier. Il est apparu dans les campagnes des Deux-Sèvres au XIXe siècle.
Aujourd’hui, sa zone de production est centrée dans un rayon de 50 km autour de Melle et de La-Mothe-saint-Héray, à l’est de Niort. Le périmètre de l’AOC s’étend aujourd’hui à 240 communes principalement dans le sud des Deux-Sèvres. Il déborde aussi sur la Vienne, la Charente et la Charente-Maritime.
Une meilleure valorisation
La reconnaissance AOC est une aubaine. En pleine crise agricole, elle est une garantie pour les éleveurs de pouvoir tirer un bon revenu de leur production et de vivre de leur métier. "Aujourd’hui, je vends le litre de lait de chèvre 85 centimes et j’espère obtenir 7 à 8 euros supplémentaires de ma laiterie", indique Laurent Bonneau, le président de la filière et producteur de lait de chèvre.
Chez les frères Charles, fabricants à la ferme, on annonce une future hausse des prix, mais qui restera raisonnable. Aujourd’hui, un mothais sur feuille se vend entre 3,50 et 4 euros. "Les conditions du cahier des charges sont plus draconiennes", justifie Samuel Charles. Les chèvres doivent désormais avoir systématiquement un accès extérieur, elles doivent être nourries à 85 % avec des aliments produits sur la ferme. Le fromage doit être au lait cru, moulé à la louche et bien sûr avoir sa feuille de châtaignier au démoulage. Une qualité garantie pour les acheteurs, mais qui aura un coût.
Malgré tout, cette perspective de meilleurs revenus est de bon augure pour un territoire rural qui souffre comme partout des problèmes du monde agricole. "Nous espérons attirer de nouveaux producteurs, annonce Laurent Bonneau. Et motiver les jeunes", renchérit Samuel Charles.
Aujourd’hui, le mothais sur feuille compte seize producteurs fermiers, seize producteurs de lait, quatre artisans et deux laiteries. Il s’en produit moins de 300 tonnes par an, alors que la demande est forte. "Nous pourrions produire 30 à 40 % de plus, déclare Samuel Charles. Nous n’honorons pas l’intégralité des commandes de nos grossistes et de nos crémiers." Le producteur fermier s’attend même à ce que cette demande augmente encore avec le passage en AOC.
L’obtention de l'AOC est le résultat de 24 ans de travail. Le temps qu’il a fallu pour obtenir le fameux Graal. Et une aventure qui ne fait que commencer. Le mothais sur feuille vise désormais l’AOP (Appellation d’origine protégée), l’équivalent de l’AOC, mais au niveau européen.