Dominique Bélégou gère la fromagerie La Revalière, dans les Deux-Sèvres. Pour la première fois depuis le début de la crise, elle est parvenue à écouler sa production en attente. Le personnel a été mis en chômage partiel. Mais avec le retour des commandes, le travail reprend, progressivement.
"Je viens de faire une livraison, ce matin. On a enfin réussi à dégager tout notre stock. Mais, il nous a fallu dix jours pour écouler 700 caisses de fromages!"
"La semaine dernière, on a dû arrêter de produire et mettre tout le monde au chômage partiel. La production de la fromagerie ne partait absolument pas!""L'un de nos producteurs a dû jeter son surplus de lait!"
- Dominique Bélégou, gérante de fromagerie
"On vend nos fromages sur le marché de Rungis et chez des grossistes. Leurs clients sont des crémiers, des petites et grandes surfaces, des bouchers qui ont un rayon fromage également. A Paris, ça ne repart pas. Les grandes surfaces ont de beaux rayons de fromages à la coupe, hors c'est plutôt le libre service qui fonctionne. Ce n'est pas le créneau de la vente de nos fromages. Des boutiques ont fermé, le libre-service se développe et, avec la fermeture des marchés, les débouchés ne sont plus là."
"En revanche, en province, la demande repart progressivement. On a eu des commandes cette semaine. Pour nous, la demande redémarre tout doucement. On ne reproduira pas au même niveau que ce qu'on produisait avant le confinement. On veut être prudent pour ne pas avoir de stocks que l'on ne pourrait pas écouler!""Chez nous, le travail, c'est 7 jours sur 7. Habituellement, il y a 4 personnes à la fois dans la fromagerie. On reprend avec un roulement de 1 et 2 personnes cette semaine et, à nouveau 3 plus tard, selon l'avancement de la fabrication."A la différence de Paris, en province, la demande repart progressivement. On a eu des commandes cette semaine.
- Dominique Bélégou, gérante de fromagerie
Les producteurs sont contraints de moins produire, mais c'est compliqué, car les chèvres sont en pleine période de lactation !
- Dominique Bélégou, gérante de fromagerie
Les laiteries débordées de lait
"Nous travaillons avec des producteurs de lait, nous étions avec leurs parents, nous avons donc des contrats moraux avec eux. Ils sont sous contrat avec les laiteries. L'un travaille avec une laiterie privée, l'autre est en système coopératif. Elles sont toutes débordées de lait! Elles se sont retrouvées avec un surplus de lait que nous transformateurs, ne prenions plus et, au niveau commercial, dans la même situation que nous, avec du personnel en moins. Les producteurs sont contraints de moins produire alors que les chèvres sont en pleine période de lactation. C'est compliqué, car bien sûr une chèvre ce n'est pas un bouton sur lequel on appuie !"L'un de nos producteurs a dû jeter le surplus de lait!"
Stocker, sous vide ?
"Les organisations professionnelles nous conseillent de faire de la tome de chèvre. Ce matin, par exemple, on a reçu une proposition pour mettre des tomes sous vide et ainsi permettre un report des ventes. Car, pour l'instant, il n'y a pas suffisamment de débouchés sur la tome de chèvre. Encore faut-il être équipé pour pouvoir les stocker! Nous, on ne fera pas ce choix, on préfère réduire la production sur une quantité que l'on est certain d'écouler."Je me dis que, dans notre société, on n'a pas d'autre choix que de se positionner autrement. La société aussi va rebondir.
- Dominique Bélégou, gérante de fromagerie
Rouvrir les marchés!
"Je reste d'un caractère optimiste. A chaque fois que l'on a traversé un moment difficile, on a toujours rebondi. Je me dis que, dans notre société, on n'a pas d'autre choix que de se positionner autrement. La société aussi va rebondir. Mais je crois que l'on peut faire différemment.
"Je suis en fin de carrière et, avec ce qui se passe, on ne repartira pas dans ce qu'on projettait de faire en terme de développement. Mon mari est déjà à la retraite. on souhaite maintenir une activité qui tourne bien et qui fasse vivre nos cinq salariés. On ne cherchera pas à revenir à 7. On arrête de chercher du personnel."
"En terme de marchés, je ne faisais que le marché Notre Dame à Poitiers qui, aujourd'hui reste fermé. Ailleurs, des marchés ont rouvert. Pour ma part, je peux vendre ma production ailleurs. Mais pour d'autres, les marchés sont essentiels. Pourtant, il y aurait des moyens d'organiser le marché pour que les ventes reprennent. C'est terrible pour les gens qui ne vendent que là."
Les propos ont été mis en forme, édités et relus pour plus de clarté.
Cette série, "Paroles de confinés" s'inspire du travail de la journaliste Mary MacCarthy qui, depuis le début de la crise du Covid-19 aux États-Unis, recueille des témoignages qu'elle publie sur une page Facebook dédiée, que nous vous invitons à suivre :