C'est une structure unique en France : à Siecq (Deux-Sèvres), une résidence intergénérationnelle accueille des personnes âgées et des mineurs non accompagnés. Cet établissement était menacé de fermeture, faute d'occupants. Le département a eu l'idée de résoudre le problème en y installant des adolescents.
“Très bien, ça, c'est bon ! Vous pouvez le mettre dedans !” Sous les yeux attentifs de leur animatrice du jour, Roselyne, André (93 printemps chacun), et Saïd, 17 ans, s’appliquent. Mesurer la farine, piquer la pâte à tarte avec une fourchette, casser les œufs… Le trio prend à cœur cet atelier de pâtisserie. “Et là, vous pouvez ajouter quatre œufs.”
Il y a encore quelques mois, ils n'étaient que neuf seniors dans la résidence autonomie 'Les Vignes', à Siecq, dans les Deux-Sèvres. Depuis fin janvier, les couloirs et la pièce commune ont retrouvé de l'animation avec l'arrivée de quinze jeunes migrants, tous mineurs.
"On rigole, on se salue, on se taquine"
“On avait un petit peu peur quand même, mais ça s’est bien passé, sourit Roselyne Guyonnet, résidente. Tout le monde est poli, gentil, ils viennent nous aider.”
“Ça se passe bien, on va voir par la suite, mais y a pas de raison que ça ne marche pas”, abonde André Cassagne, résident.
Parmi les nouveaux résidents, le jeune Seydou, venu de Côte d’Ivoire. Il vivait à l’hôtel depuis septembre, entre Paris et Niort. Au sein de la résidence, il dispose d’un appartement tout équipé, où il a rapidement trouvé ses marques.
Coin nuit, salle de bains, salon, salle à manger. L’adolescent a pu recréer son cocon. “Ça, c'est le couscous de manioc, qu’on appelle dans le jargon attiéké, explique-t-il en montrant l’intérieur de son frigidaire. Et ça, c'est le mafé que j’ai fait hier.”
La cohabitation réjouit les plus jeunes et les seniors. “Avec les mamies, on s’entend très bien, elles sont tellement gentilles avec nous, on rigole, on se salue, on se taquine, on essaie de jouer ensemble quand c’est possible", s’enthousiasme Seydou.
260 jeunes migrants dans les Deux-Sèvres
Comme les autres mineurs accueillis ici, il se rend tous les jours au collège et espère ensuite apprendre un métier dans le bâtiment. “Je ne m'attendais pas à ça, et surtout en France. Quitter un autre pays, arriver ici... En tant que mineur isolé, avoir tout ce qu’il faut, ça fait vraiment plaisir, je pourrai aller de l’avant avec ça.”
Le département des Deux-Sèvres s’occupe de près de 260 jeunes migrants, répartis entre des structures d’hébergement et des accueils d’urgence : 70% d’entre eux ont moins de 18 ans.
“On en a encore malheureusement à l’hôtel, on peut en sortir, mais il en arrive toujours, avance Coralie Desnoue, présidente du département des Deux-Sèvres. On ne peut pas dire que c’est un problème, on doit d’abord trouver les solutions, c’est à nous de les trouver. Et ici, c'est quand même une forme de projet positif qui nous amène à croire qu’on peut tenter des choses.”
Des temps de partage très appréciés
À Siecq, les jeunes se retrouvent volontiers autour de jeux, parfois partagés avec les résidents. Saïd, lui, adore cuisiner, surtout des pâtisseries, qu’il prépare volontiers pour Madeleine. Main dans la main, ils font défiler ensemble des vidéos de recettes sur le téléphone du garçon. Une complicité avec les aînés qui semble naturelle pour ce jeune venu d’Asie Centrale : “Ils ont demandé pourquoi ces personnes âgées sont là, indique Madeleine Clochard, résidente. Ils sont très respectueux envers les seniors.” Ce modèle intergénérationnel est pour l’instant unique en France. Le département des Deux-Sèvres envisage de le reproduire dans d’autres résidences.
Un reportage de Marie-Noëlle Missud, Éléa Tymen et Jennifer Russeil