La Chambre d'Agriculture de Dordogne mobilise ses adhérents, face aux épisodes de sécheresse de plus en plus fréquents et dévastateurs dans le département. Les temps changent, les pratiques doivent suivre.
En Dordogne, un agriculteur sur deux irrigue, ce qui représente un volume d'eau de 30 millions de m3 d'eau par an. Depuis plusieurs années, les restrictions de prélèvement d'eau pour l'irrigation se multiplient, elles sont de plus en plus précoces et durables.
S'adapter à la sécheresse
Faut-il changer de modèle agricole, développer des cultures moins exigeantes, puiser plus profondément dans les ressources naturelles ou bien anticiper les pénuries en organisant des réserves ? Les pistes sont nombreuses et doivent répondre à des impératifs parfois contradictoires de rentabilité, de faisabilité, d'écologie et d'incertitudes climatiques.
Faire des réserves
En Dordogne, la configuration des sols permet souvent de mettre en place des réserves d'eau, mares, étangs. C'est le cas dans l'exploitation bovine de Pascal Guillomon à Saint-Martial d'Artenset, entre Montpon-Ménestérol et Mussidan. Trois réserves artificielles existaient déjà lorsqu'il a repris l'exploitation paternelle d'une centaine d'hectares il y a quatre ans. Pour lui, ce système le met à l'abri des aléas climatiques. Il lui suffit de prélever ce dont il a besoin pour remplir ses stocks en période hivernale, lorsque les niveaux du ruisseau voisin sont au maximum, voire en crues, pour le restituer au sol l'été venu. De quoi assurer sa production annuelle de maïs et de tomates, des plantes particulièrement gourmandes en eau. Sans cette ressource, sa production serait trois fois moindre et ne suffirait pas à assurer la rentabilité.
L'irrigation est une sécurité. C'est ma première assurance. C'est-à-dire que ça évite les variations de rendement, et donc de revenu.
Pascal Guillomon
Puiser dans les cours d'eau, la solution naturelle... jusqu'alors
Mais tout le monde n'a pas la possibilité de créer ces retenues artificielles, et dans un département parcouru par 5 000 kilomètres de cours d'eau, le système le plus simple, le moins coûteux et le plus naturel consiste à se servir des cours d'eau locaux. Et lorsque les services de l'État ferment le robinet pour maintenir la survie de l'écosystème, ce sont les paysans qui souffrent. Et qui se mettent parfois en colère, au risque de susciter l'incompréhension.
L'agriculteur irrigue rarement pour déplaire au citadin, il arrose parce que c'est la plante qui a besoin d'eau. Les cultures estivales ne peuvent pas vivre sans eau, et quand il ne pleut pas assez, l'irrigation n'est là que pour compenser.
Daniel Philippe, secrétaire de l'association des irrigants de Dordogne
Bio et raisonné, arroser moins... et produire moins
Dominique Leconte, lui, tente de s'adapter. Cet agriculteur s'est orienté vers ce qu'il appelle "une autre démarche agronomique", la polyculture, le bio et l'agriculture raisonnée, pour réduire ses besoins en eau. Se contenter du strict minimum et accepter de produire moins, une solution qui n'a pas que des désavantages. Ses productions nécessitent moins d'irrigation, donc moins de dépenses, et elles donnent des sols moins délavés et tassés, en même temps qu'une production plus proche de la demande actuelle. Mais aussi peut-être moins rentable. Quoi qu'il en soit, les vieux modèles n'ont plus cours, l'agriculture classique doit s'adapter ou disparaître, et le faire si possible sans saborder l'écosystème.