La pratique n'est pas courante. En France, elle est utilisée les mauvaises années pour des crus qui ne correspondent pas aux standards des AOC. La dérogation n'est plus accordée aux liquoreux, Monbazillac doit s'aligner sur la consigne européenne, au risque de perdre sa position de leader du marché
La chaptalisation est aussi vieille que le vin lui-même. De tout temps les producteurs de vin ont procédé à des ajouts de substances dans leurs barriques pour améliorer la conservation, le goût, ou l'apparence du liquide. Et le sucre a largement été utilisé. En 1801 le chimiste (et ministre) français Jean-Antoine Chaptal a établi les grandes règles de cette pratique en France.Ajouté au moût, le sucre permet d'augmenter le degré alcoolique. En théorie, l'ajout de 16,83 grammes de sucre de canne ou de betterave par litre conduit à la production d'un degré d'alcool supplémentaire. Il permet aussi une meilleure conservation du vin.
Leader sur le marché des liquoreux en Europe, (9 millions de bouteilles vendues chaque année) Monbazillac possède naturellement un haut degré d'alcool (environ 13°), tout en conservant un fort taux de sucre (70 à 80 g/litre). Pas besoin donc à priori d'ajouter du sucre. D'autant que les "marges" imposées par l'AOC Monbazillac permettraient éventuellement à ce vin (qui atteint toujours son degré d'alcool) d'être moins sucré que d'ordinaire. Sauf que le consommateur achète précisemment le Monbazillac pour la douceur de son goût.
Or, dans le cas d'une saison décalée, d'une pluie capricieuse, le taux de sucre chute. Un léger ajout de sucre permet alors de retrouver l'aspect liquoreux et le goût qui font la caractéristique du Monbazillac recherchée par le consommateur.
Aux États-Unis, au Chili, en Argentine, au Canada, en Chine, en Afrique du Sud ou en Australie, la chaptalisation est libre.
L'Europe avait interdit cette pratique en 2008. Mais l'État français avait obtenu une dérogation pour les AOC dont le degré alcoolique pouvait avoir besoin d'être augmenté en raison d'une météorologie difficile.
En 2014, la dérogation a été levée en France, mais uniquement pour les vins liquoreux. D'où le sentiment d'injustice du Monbazillac qui, rejoint par Loupiac, avait déposé un recours auprès du Tribunal Administratif de Bordeaux, s'estimant lésé par rapport aux autres AOC françaises. Ce recours vient d'être rejeté le 29 février.
Une inquiétude pour le plus gros producteur de vins liquoreux d'Europe qui se sent fragilisé face à des aléas climatiques de plus en plus fréquents.