Avec la nouvelle année, le travail dans les vignes reprend ses droits. Quel sera le destin pour ce millésime 2025 ? À l'heure de la taille, les vignerons de Gironde doutent comme jamais. Et pourtant, ils continuent à se retrousser les manches.
C'est le moment de la taille. Le plein hiver, la sève est en bas. Comme chaque année, comme les autres viticulteurs avant lui, Christophe Duarte, vigneron au château Moulin de Pourqueye, reproduit les gestes presque machinalement.
La coupe est nette, fidèle à la méthode ancestrale qui permet d'espérer une belle récolte... Pourtant, pour ces "petits" vignerons de Bordeaux qui travaillent souvent seuls par souci d'économie, le cœur n'y est plus. Christophe Duarte explique ainsi, ce matin-là, ne pas avoir "le moral du tout : On est dans une crise sans précédent". Il a conservé quinze hectares de vignes à tailler, mais il a dû en arracher cinq.
On creuse le trou, de jour en jour... On va au boulot le matin sans trop savoir pourquoi.
Christophe DuarteViticulteur à Castelviel en Gironde
"Sur ma commune, 80 % des exploitations sont en procédure, en redressement ou en conciliation. J'ai appris que dernièrement, trois viticulteurs ont arraché la totalité de leurs vignes ! On résiste sans trop savoir si on doit résister, finalement !"
Pourtant, ils espèrent encore. Christophe Duarte, par exemple, fait des prestations, de la taille chez d'autres viticulteurs voisins, "pour faire de la trésorerie", comme ce matin-là à Gornac. Sa vigne, il la taillera plus tard.
Son vin, il le vend en vrac. "On subit les cours du marché, ce que les négociants veulent bien nous donner... Tout est tiré par le bas. Il y a des offres faites pour des grandes surfaces à des prix complètement indécents".
"Les gens ne veulent plus goûter le Bordeaux..."
À 40 ans, Aurore Castagnet représente la 5ᵉ génération de vignerons à Saint-André-du-Bois en Gironde. En ce début d'année, elle est déjà dans les vignes. Elle va tailler ses vingt hectares pendant trois mois. La viticultrice ressent durement la déconsommation de vin avec un marché du vin rouge presque totalement à l'arrêt.
Ces derniers temps, lors de foires aux vins, elle n'en revient pas : "les gens ne veulent même plus goûter le Bordeaux. Ça m'a mis le moral à zéro ! On n'a vraiment pas la cote. C'est inquiétant".
Et la vigneronne d'expliquer également sa situation financière qui la préoccupe. Elle vient de vivre une année en sauvegarde et son plan de remboursement a été validé par le tribunal. "Maintenant, il va falloir que je rembourse les échéances que je dois".
Est-ce qu'on va y arriver ? Il n'y a rien qui bouge. On est toujours dans la même situation !
Aurore CastagnetVigneronne au château Terrefort de Jeantieu
Face à la mévente de ces "petits" vins rouges qui se vendent autour de 700 euros le tonneau (900 litres), Aurore Castagnet a aussi essayé de se diversifier en produisant des crémants. Elle propose également une vente directe aux particuliers.
Comme Christophe Duarte, elle espère que les consommateurs seront au rendez-vous avec ces millésimes 2025.