À Porte-de-Benauge, en Gironde, Amandine Noriega, viticultrice de Bordeaux, a été proche du burn-out et s'est retrouvée aux urgences. En cause : la crise viticole et des dettes proches du million d'euros. Depuis, elle innove pour essayer de s'en sortir.
C'est sur le réseau social Instagram, suite à un passage aux urgences de l'hôpital pendant 36 heures, qu" Amandine Noriega, viticultrice girondine de 43 ans, a lancé un signal d'alarme.
Proche du burn-out, cette vigneronne de la Maison du Berneuilh, a témoigné en septembre 2024 de sa condition. " mon corps a dit stop, j'ai fait comme un burn-out et lors de l'hospitalisation le médecin m'a affirmé qu'il fallait que je lève le pied", admet la mère de deux garçons. Une hospitalisation survenue en pleine période de vendanges. La crise viticole, à laquelle s'ajoute une météo défavorable aux récoltes et des coûts d'entretien de son domaine à la hausse, ont eu raison de santé. La quadragénaire se retrouve avec un peu plus d'un million d'euros de dettes.
"Depuis 2021, je n'ai pas rentré plus de 10 % de ma récolte ! Gel, mildiou... les frais sont là, toujours plus gros, car le travail doit continuer. Mais pas de raisins, pas de vins, donc pas de rentrée d'argent", décrit-elle.
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Pourtant, la cheffe d'entreprise n'a pas hésité à faire certains sacrifices. Elle a abandonné ses fermages et réduit la taille de son domaine de 90 à 40 hectares, avec six hectares de vigne arrachés juste avant son passage à l’hôpital.
Mais tout ça ne semble pas suffisant : " On a un travail qui est loin des 35 heures classiques, on tourne entre 70 et 80 heures par semaine, pour finalement ne pas toucher le SMIC, voire ne pas toucher de salaire du tout, déplore-t-elle.
Voilà un an que je ne me suis pas pris un salaire.
Amandine NoriegaViticultrice
Des charges à n'en plus finir
Pour gérer son château, Amandine Nogeria fait face à de nombreuses charges : les cotisations MSA (les cotisations sociales des salariés agricoles), les locations de machines à vendanger, ou encore les traitements de la vigne tels que les produits phytosanitaires qui à eux seuls coûtent 15.000 euros à la viticultrice.
"Ma dette peut paraître énorme, mais c'est avant tout un cumul de nombreuses factures pour entretenir les vignes ou le château. Les montants s'élevant entre 10.000 et 20.000 euros, le total monte très vite", précise-t-elle.
Faire preuve d'imagination pour s'en sortir
Loin de se laisser abattre, Amandine a choisi d'innover : une tiny house a vu le jour au milieu du vignoble pour permettre aux touristes de découvrir le métier d'Amandine. Des visites sont organisées pour les camping-caristes sur le domaine, afin d'attirer les acheteurs avec dégustation et vente de vin à la clé. La viticultrice a plus d'un tour dans son sac.
Et ses démarches sont appréciées des amateurs de vin. " C'est quand même plus agréable d'acheter directement au producteur que d'aller en grande surface. Si en plus, on peut leur donner une bouffée d'oxygène en les payant directement, c'est encore mieux", explique William Buisson, un oenotouriste.
"Il nous faut un budget"
La situation d'Amélie Noriéga est loin d'être un cas isolé. La crise frappe durement les viticulteurs en Gironde, un bon nombre d'entre eux a été contraint d'arracher des pieds. Une nécessité économique mais surtout un véritable crève-coeur pour ces agriculteurs. En début d'année, puis à nouveau en ce mois de novembre, des dizaines de viticulteurs ont laissé libre cours à leur colère lors de manifestations pour dénoncer "l'abandon total", subi par les plus petits exploitants.
"La viticulture girondine, et même au-delà, souffre, depuis avant la Covid, de surplantation et de sur production, analyse Nathalie Delattre. L'ex-sénatrice de Gironde, actuellement ministre en charge des Relations avec le Parlement est elle-même viticultrice. La première solution a été d'arracher les productions excessives, mais il faut surtout réussir à vendre, à trouver des débouchés, à aider les viticulteurs sur leur marketing, sur l'installation de structure œnotouristiques, poursuit-elle.
Le Premier ministre s'est engagé à ce que les promesses faites aux agriculteurs et viticulteurs soient tenues. Mais il nous faut un budget.
Nathalie DelattreMinistre en charge des Relations avec le Parlement
Ce budget sera défini dans le projet de loi de finances pour 2025, actuellement débattu au Sénat, après avoir été rejeté par l'Assemblée nationale. Il y a urgence : selon la MSA, 70 % des agriculteurs girondins sont rémunérés en dessous du SMIC. Et près de la moitié des 5 000 viticulteurs du département ont signalé se trouver en difficulté financière et ont sollicité le fonds d'urgence mis en place après les manifestations agricoles du printemps 2024.