Ils sont près d'une cinquantaine de viticulteurs à s'être présentés devant le syndicat agricole de l'AOP Bordeaux et Bordeaux Supérieur pour réclamer plus d'équité parmi les adhérents et une meilleure représentation de leur AOP au sein du CIVB. Ils formulent également des propositions fiscales, commerciales et productives pour les années à venir.
"On est là pour proposer et discuter. Avec le collectif, ça se passe toujours bon enfant", assure Didier Cousiney, le porte-parole du collectif de défense Viti 33. "On n'est pas là pour casser", précise-t-il. Avec une cinquantaine de viticulteurs, il est venu s'installer devant le syndicat, à Beychac-et-Caillau, dès 7 heures du matin. À 9 heures, ils étaient tous autour d'une grillade, "parce qu'on discute mieux le ventre plein".
Suite à toutes les démarches, manifestations, rien ne se passe ! On veut que nos dirigeants prennent les choses en main puisque l'Organisme de défense et de gestion Bordeaux est la plus grande appellation en surface et en nombre d'adhérents de France !
Didier CousineyPorte-parole du collectif de défense Viti 33
Pourtant, le cœur n'y est pas trop. Didier Cousiney explique qu'il comprend que beaucoup n'aient pas souhaité rejoindre le mouvement ce matin. Il y a ceux qui ont arraché, ceux qui viennent de faire leur déclaration et vont bientôt arracher. "Ils se disent pourquoi manifester alors que nous, on arrache ?" Et puis il y a ceux, "désabusés, qui ne croient plus à rien qui se demandent pourquoi ils perdraient du temps à manifester pour rien ?"
"Ne rien faire pour les petits"
C'est pourquoi, aujourd'hui, ils interpellent leurs représentants concernant une forme "d'abandon total". "On va leur demander "est-ce un déni ou une volonté ? De ne rien faire pour les petits afin de laisser la place aux gros ? Ou un déni : ils ne sont pas au niveau des plus en détresse et ils ne comprennent pas notre façon de vivre et de faire", s'interroge-t-il.
Concernant la bataille sur l'arrachage, ils estiment que leurs représentants les ont "soutenus", "mais ont minimisé". "Au départ, on demandait 15 à 20 000 hectares, rémunérés à 10 0000 euros l'hectare. Et on a eu, la première campagne : 6 000 euros avec des contraintes inacceptables, puisque pendant 20 ans, il faut laisser ses terres en jachère sans rien produire dessus ! Et aujourd'hui la deuxième campagne c'est 4000 euros/ha, c'est dérisoire !"
Des revendications
Ce 14 novembre, les viticulteurs rassemblés à l'appel du collectif Viti33 dénoncent un "manque de stratégie de filière" et réclament "une vision collective" de cette ODG, Organisme de Défense et de gestion qu'est le syndicat. Ils veulent qu'il se batte pour que l'appellation "soit mieux représentée au sein du Conseil interprofessionnel des vins de Bordeaux".
Parmi une vingtaine de revendications et proposition précises, les contestataires souhaitent plus d'équité entre les adhérents, qu'il s'agisse de cotisation ou de défense du viticulteur comme de sa production. Ils formulent également des propositions pour éviter d'enchaîner des pertes, d'année en année, ou de discréditer leur appellation.
Comme, par exemple, en demandant que la maison des vins (SARL) puisse préempter des lots de vins de Bordeaux lors de liquidations, pour les détruire et éviter que cela nuise au marché. Autre proposition, celle de créer un outil pour organiser la production suite aux évolutions vers des cultures plus respectueuses de l'environnement. Fiscalement, ils demandent "une année blanche" sur "les taxes, contributions sociales, remboursement d'emprunt" pour permettre aux viticulteurs de rebondir.
Didier Cousiney sera l'invité du Journal télévisé d'Ici 12/13 ce jeudi midi.
Prime à l'arrachage
La France, actuellement premier producteur mondial de vin (48 millions d'hectolitres en 2023), connaît actuellement un déséquilibre entre l'offre et la demande. Elle se trouve en surproduction.
Ce 14 novembre, on sait désormais que ce sont en tout plus de 5.400 demandes d'aides à l'arrachage qui ont été déposées au niveau national, pour une surface de 27.500 hectares par les viticulteurs français pour résorber la surproduction, selon un communiqué de l'établissement public FranceAgriMer.
Début octobre, la Commission européenne avait approuvé jusqu'à 120 millions d'euros de subventions de l'Etat français pour soutenir les viticulteurs, touchés par les conséquences de la guerre en Ukraine.
Ce 13 novembre marquait la fin de la période de dépôts des dossiers par les exploitants via la plateforme de télédéclaration : 5.418 demandes sur 27.461 hectares de vignes pour une somme estimée à "109,8 millions d'euros".
Cette aide de 4.000 euros par hectare entraîne "l'impossibilité d'obtenir des autorisations de replantation correspondantes aux surfaces en vignes arrachées, ainsi que l'impossibilité d'obtenir des autorisations de plantations nouvelles pour les six prochaines campagnes viticoles", a rappelé FranceAgriMer.
La guerre en Ukraine a affecté les viticulteurs français notamment à cause de la pénurie des bouteilles en verre fabriquées par des usines ukrainiennes qui ont fermé. Un événement supplémentaire qui s'ajoute à une désaffection croissante, en France et à l'étranger, pour le vin rouge, aux difficultés d'exportation vers la Chine et les États-Unis comme à la crise sanitaire du Covid-19, sans oublier l'inflation.