Selon la direction de Manuco Eurenco, les fortes chaleurs auraient pu jouer un rôle dans l'accident de Bergerac en Dordogne, qui a fait huit blessés mercredi 3 août 2022. Autorités et experts soulignent qu'il va falloir tenir compte du réchauffement climatique dans la prévention des risques.
Ce vendredi la direction du groupe Eurenco indique que les "fortes températures ont pu jouer un rôle" dans l'explosion qui a touché mercredi le site Manuco de Bergerac en Dordogne,
lors d'une opération de maintenance, faisant huit blessés, a indiqué vendredi la
direction du groupe. Selon les premiers éléments recueillis, c'est une opération de maintenance "qui serait à l'origine de l'accident", précise le groupe dans un communiqué, mais "les fortes températures et surtout le très faible taux d'humidité, ont également pu
jouer un rôle".
Chimie, raffinage, munitions, engrais...La France comptait 1.302 établissements Seveso en 2021, dont 691 dits "seuil haut". Des accidents arrivent régulièrement, comme celui de Bergerac mercredi. Les cas graves restent limités. Le dernier en date est l'incendie sur le site Lubrizol à Rouen en 2019.
"Bien qu'en légère augmentation, les accidents majeurs restent de l'ordre d'une demi-douzaine par an" dans les établissements Seveso, conclut le gouvernement dans son inventaire des accidents pour l'année 2021, publié en juin sur le site du ministère de la Transition.
Pour expliquer leur survenue, l'inventaire distingue les causes premières (écarts matériels, interventions humaines, pertes de contrôle des procédés) des causes profondes (organisation des contrôles, identification des risques, choix des équipements et procédés).
La chaleur joue-t-elle un rôle ?
Des experts estiment aujourd'hui que la chaleur pourrait être un risque d'accident. Au sein du ministère de la Transition écologique, le Bureau d’Analyse des Risques et Pollutions Industriels (BARPI) est chargé de rassembler, d’analyser et de diffuser les informations et le retour d’expérience en matière d’accidents industriels et technologiques. Dans une note publiée en mai, il rappelle que "dans les installations industrielles, les fortes chaleurs, qu'elles soient caniculaires ou supérieures aux températures observées à la même période, sont à l'origine de nombreux événements industriels, qu'elles en soient la cause ou un facteur aggravant". "Le principal phénomène rencontré est l'incendie", souligne cet organisme gouvernemental.
Dans le cas de l'accident de la poudrerie Eurenco de Bergerac mercredi, les causes ne sont, pour l'instant, pas avérées. "On ne peut pas dire que c'est à cause du réchauffement climatique", a indiqué jeudi le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu. Mais "personne ne peut nier qu'on a un réchauffement qui met à l'épreuve les hommes, la nature et les infrastructures. Et donc que c'est toute notre procédure de prévention des risques qui doit être renforcée à l'aune de ce réchauffement", a-t-il ajouté.
"C'est un sujet mais à multiples facettes", estime Patrick Chaskiel, chercheur spécialisé dans les risques technologiques à l'université de Toulouse. Il observe que la chaleur a de multiples effets, par exemple sur la capacité des ouvriers à porter des équipements de protection lourds. "La chaleur est un facteur à prendre en considération sur différents plans, pas seulement sur celui du réchauffement des matières dangereuses; ça peut aussi être
à prendre en considération sur l'organisation du travail", observe-t-il.
La France a déjà fait évoluer sa politique de prévention des risques
Deux ans après la catastrophe du site AZF, qui a tué 31 personnes à Toulouse en 2001, la loi "risques" s'est notamment traduite par une remise à plat de l'urbanisme existant autour des sites à haut risque - avec parfois des expropriations de riverains - et un renforcement de la réglementation.
De même, la directive Seveso, qui, elle, a fait suite à un rejet accidentel de dioxine en 1976 dans la ville éponyme d'Italie, a été révisée deux fois depuis son adoption en 1982. La dernière modification date de 2012.
Cette directive est à l'origine de la classification des sites dangereux et d'une politique commune en matière de prévention des risques industriels majeurs.
"Il y a eu un travail significatif effectué dans la plupart des sites Seveso, qui a pris un temps fou, pour certains 10 ou 15 ans, pour recenser tous les facteurs de risques", explique Patrick Chaskiel, "Désormais on ne prend plus en considération un seul facteur de risque, on en prend parfois 500 ou 600". La chaleur en fera peut-être bientôt partie.