La réglementation est pourtant claire : les enseignes lumineuses doivent être éteintes entre 1 et 6 heures du matin. Une extinction loin d'être appliquée partout. Un décret ministériel entend désormais la faire respecter sans exception. De son côté, la ville de Périgueux, s'attaque à l'éclairage public avec un ambitieux "Plan Lumière".
En 2016, l'atlas de la pollution lumineuse révélait que plus de 80% de l'humanité subissait des nuits inondées de lumière artificielle et qu'un tiers de la population de la planète ne pouvait jamais voir la Voie lactée. En 20 ans, à grand renforts de lampadaires publics, d'enseignes lumineuses et d'éclairages routiers, la quantité de lumière émise la nuit sur la planète a augmenté de 94%.
En 2012, la France s'attaque à ce gâchis économique et écologique en interdisant l'éclairage nocturne des vitrines et enseignes, mais il faudra attendre encore 6 ans avant que la mesure ne soit effectivement appliquée. Et encore, pas partout.
Les heures sombres
Aujourd'hui, les enseignes lumineuses, panneaux ou écrans vidéos ont un éclairage maximal réglementé et seuls les pharmacies et les services d'urgence peuvent se doter d'enseignes clignotantes. De plus, les enseignes lumineuses doivent être éteintes entre 1 heure et 6 heures du matin. En cas d'activité nocturne, elles ne peuvent être allumées qu'une heure avant et après l'ouverture. L'infraction pouvait jusqu'alors entraîner une amende pénale de 4ème classe allant jusqu'à 750 euros.
Éclairage au bout de la nuit
Règlementation brillante de logique, mais qui souffrait de deux handicaps. Premièrement, le règlement local de publicité pouvait prévaloir dans les agglomérations de plus de 800 000 habitants, et pas toujours dans le bon sens. De fait, seules 6% de ces agglomérations suivaient strictement la consigne d'extinction nocturne. Et un peu partout, une certaine tolérance et l'absence de moyens de contrôle constituaient le deuxième handicap.
Bref, alors que la maison brûle et que l'on interdit aux magasins de climatiser les rues à tout va, il devenait tout aussi indéfendable de brûler de l'énergie pour faire scintiller une publicité dont la plus grande vertu est de masquer les étoiles.
Il va faire tout noir...
D'où le décret de la Ministre de la Transition énergétique annoncé ce dimanche 24 juillet. Dans la trainée de la loi Climat et Résilience de 2021, Agnès Pannier-Runacher souhaite que l'extinction nocturne des publicités lumineuses soit désormais appliquée sans faute sur tout le territoire, l'exception étant maintenue pour les gares et les aéroports. Et pour que le message soit plus clair, elle annonce un durcissement de la peine encourue qui devient une amende de classe 5 pouvant atteindre 1500 €uros.
Retiens la nuit
Une réponse pas encore suffisante selon les associations, dont l' ANPCEN (Association Nationale pour la Protection du Ciel et de l'Environnement Nocturnes) ou le Réseau Action Climat qui défendent le double objectif de la sobriété énergétique et de la préservation de la nuit. Ces dernières auraient aimé aller au bout de la démarche en limitant encore plus les allumages nocturnes, voire en supprimant sobrement tout éclairage "inutile". Et il faut bien avouer que quand on parle de publicité...
Feu de paille
Ce qui fait écho aux brillantes propositions de la Convention Citoyenne pour le Climat (2019-2020) mise sous les feux des projecteurs par Emmanuel Macron avant de retomber bruyamment dans l'ombre. Elle préconisait "l'interdiction de ces écrans (vidéo publicitaires) dans l'espace public, les transports en commun et dans les points de vente". Une proposition aussi salutaire pour la planète que pour les usagers, mais qui a fait long feu.
Périgueux passe du côté obscur
À Périgueux, où l'on remplace déjà l'éclairage public par des ampoules à Led, la municipalité a décidé d'aller encore plus loin en adoptant son propre Plan Lumière sur l'éclairage public.
Économie, écologie, sobriété
Déjà testé l'an dernier sur deux quartiers de la ville, il consiste à débrancher la prise d'éclairage municipal, la nuit venue, de minuit à 5h 30 dans les quartiers résidentiels tout en maintenant bien sûr l'éclairage utilitaire et de sécurité. L'objectif :
- restaurer une vie de nuit en permettant le retour en ville de la faune nocturne et noctambule (les chauves-souris et leurs casse-croûtes volants, papillons ou scarabées). Pas anodin lorsqu'on sait qu'une chauve-souris peut consommer 600 moustiques à l'heure.
- remettre des étoiles dans les yeux des périgourdins. Diminuer la pollution lumineuse, c'est permettre de revoir un ciel étoilé et retrouver le goût de la voie lactée. Un luxe jusqu'alors réservé aux ruraux. Spectacle garanti avec les étoiles filantes dès ce mois d'août.
- faire des économies. En prudente fourmi, Delphine Labails veut engranger les économies en prévision de l'hiver : qui veut passer l'hiver, l'été éteint ses lumières. Une économie prévue de 30% sur la facture. Économie nécessaire, puisque la crise Russo-Ukrainienne devrait grever le budget énergétique municipal de 400 000 €uros cette année.
Faire participer commerces et particuliers
Pour que la nuit soit complète, il faut aussi contraindre les commerces à jouer le jeu. Ce sera possible via le règlement local de publicité intercommunale que le Grand Périgueux vient d'adopter au mois de juillet.
Une mission pédagogique pour les élus en charge du commerce et des économies d'énergie qui doivent enfin convaincre certains particuliers de changer leurs habitudes nocturnes. Lorsque tous feront rimer économie écologique avec abstinence électrique, la nuit pourra enfin reprendre ses droits...