Commémoration de l'abandon des Harkis de France : l'histoire du sous-Préfet Robert

Le 12 mai 1962 le ministre des Armées Pierre Mesmer acte la décision prise par l'État d'abandonner les Harkis et leurs familles en Algérie, au sort que leur réserve le FLN. L'ancien sous-Préfet de Sarlat s'était personnellement investi pour lutter contre cette décision.

La période, trouble, a de moins en moins de témoins directs pour relater les faits. Le sous-Préfet Robert fait partie de ces hommes qui se sont démarqués sur la trame toujours trop lisse de l'Histoire telle qu'on a voulu l'écrire.

Les camps de regroupement

1959. En pleine guerre d’Algérie, un certain Michel Rocard est jeune inspecteur des Finances. Il est l'auteur d'un rapport accablant sur les camps de regroupement organisés par l'armée française. En 1962, 2,35 Millions d'algériens vont être confinés dans ces camps ou dans des bourgs surveillés par l'armée. Ces regroupements sont effectués pour empêcher le FLN indépendantiste de recruter largement dans la population rurale.

Programme des 1 000 villages

Le rapport, qui finit par paraître dans l'opinion publique, fait scandale. Le Gouvernement doit faire face. Cette pratique des camps de regroupement sera rebaptisée le programme des 1 000 villages sous couvert d'une opération de développement rural.

En Kabylie, à Akbou le fief historique du FLN, Jean-Marie Robert a été nommé sous-préfet de la République par le Général de Gaulle. La fin approche, il s'agit de solder la présence française.

Tortures

En fait de développement rural, la réalité que constate Jean-Marie Robert sur place est toute autre. Les camps de regroupement n'ont rien de villages progressistes. Il y a une guerre sans pitié à terminer, on pratique la torture. Indigné par les conditions de vie de cette population prise en otage, le haut fonctionnaire rapporte les faits à l’Elysée, dénonce la torture, fait traduire des militaires devant la justice.

Le choix des Harkis

Depuis des années, les jeunes Harkis sont acculés, ils doivent choisir leur camp. Sans bien comprendre les enjeux, il ne peuvent que suivre le FLN ou se ranger du côté de l'armée française. Dans les deux cas, ils seront en danger. Ceux qui choisissent le camp français seront formés, ils serviront la France jusqu'au bout, en 1962.

Autrement dit que ceux qui se sont mouillés, se noient !

Commentaire de Jean-Marie Robert au télégramme interdisant le rapatriement des Harkis

La fin de la guerre sonnée, la France leur donne alors le choix, dans un premier temps, entre une prime pour pouvoir rester sur place, ou un rapatriement vers la France. Rester sur place signait presque à coup sur leur arrêt de mort. À Akbou, le Sous-Préfet Robert aidera une partie de ces hommes à faire les démarches pour qu'ils puissent arriver jusqu'en France. 

Choisir la désobéissance

Tous n'ont pas pu bénéficier de cette largesse des premiers temps du Gouvernement. Très vite, la France ne veut plus accueillir davantage de Harkis, et donne des consignes claires dans ce sens. Témoin de ce qu'il se passait sur place, Jean-Marie Robert ne peut se résigner à obéir. Devenu sous-Préfet de Sarlat, puis Secrétaire Général de la Préfecture de Périgueux, il jouera de ses relations pour continuer à faire rapatrier, et sans doute sauver, nombre de Harkis. Désobéissant aux consignes, il fera appareiller un bateau vers la France avec à son bord 70 Harkis et leur familles, soit environ 200 personnes.

D'autres seront parqués dans des camps, des baraquements préfabriqués, un peu partout en France. Ils travailleront dans des chantiers, des usines,  des sites forestiers. La France a besoin de main-d'oeuvre. Avec l'aide de Jean-Marie Robert, certains arriveront jusqu'à Périgueux. C'est là lors de cette cérémonie du 12 mai, que Hugues, le fils de Jean-Marie Robert sur les traces de l'histoire de son père, a retrouvé Boussaad Boukeroui, l'un de ces Harkis aidé par son père.

Ce chemin de mémoire, Hugues Robert l'a parcouru tardivement, en ouvrant la malle de son père. En classant les milliers de lettres, de rapports, de documents intimes ou officiels. Pas à pas, il renoue les fils de l'histoire, retrouve les lieux et les personnes, se rend sur place et peut enfin écrire "son" histoire de la guerre d'Algérie. Celle aussi d'un père qui a su se comporter avec humanité, en résistant à des décisions qu'il estimait iniques

 

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