Faire toujours plus avec toujours moins, l'injonction de rentabilité n'épargne pas le monde judiciaire, ses conséquences non plus. Comme ses collègues, la Procureure de la République de Périgueux a publiquement dressé le tableau de son quotidien. Peu rassurant pour l'avenir.
L'ensemble du personnel judiciaire s'était déjà fait entendre à la mi-décembre. Les Procureurs de la République n'en ont pas moins à dire. À quelques mois des élections présidentielles et législatives, ils veulent se faire entendre de ceux qui présideront aux destinées de la France. Une nouvelle tentative, après leurs précédentes doléances en 2012 et 2017 restées selon eux lettre morte.
Propositions ouvertes
C'est tout l'objet des dix propositions "pour une meilleure justice" rédigées lors de leur conférence nationale en ce début d'année. Des propositions qui complètent la tribune publique signée fin 2021 par 7500 magistrats et greffiers dénonçant un système judiciaire au bord de l'implosion, face aux exigences toujours plus élevées et aux moyens toujours plus réduits.
Localement, les procureurs ont également décidé de prendre la parole publiquement pour exposer l'urgence de la situation. Un procédé d'autant plus marquant qu'il est peu habituel dans la profession. À Périgueux, Solène Belaouar livre son ressenti, avec une amertume non dissimulée.
La justice en "mode dégradé"
Les changements de procédures pénales à répétition, la quarantaine de réformes de fond en 18 ans, l'ampleur de la tâche sans cesse augmentée "à moyens constants", quand ce n'est pas à moyens réduits... Si Solène Belaouar ne remet pas en cause la nécessité d'évoluer et d'en faire toujours plus au service de la population, elle déplore que les moyens ne suivent pas les ambitions. Conséquence, une frustration, l'impression du travail bâclé, mal fait, parfois en "mode dégradé" déplore-t-elle.
En Dordogne, 2 Procureurs pour 14 000 affaires par an
Et pour la Procureure de Périgueux, ce n'est pas qu'une impression si l'on regarde les chiffres. En Europe, la moyenne est de 11 procureurs pour 100 000 habitants. En France elle n'est que de 3. Et en Dordogne elle n'est que de 2. Le nombre d'affaire à traiter dans le département, lui, ne diminue pas. 14 000 par an, en moyenne.
Difficile dans ces conditions d'accorder à chaque dossier et à chaque justiciable le temps nécessaire. Poussés à "expédier" les dossiers, les Procureurs n'ont même plus le temps de lire la procédure, ils se contentent de survoler les compte-rendus. C'est pourtant la base de leur métier. Comme pour la Santé ou l'Éducation, la Justice semble elle aussi atteindre son seuil de tolérance face aux directives de rentabilité. Avec les conséquences que l'on imagine.