Il faut une bonne dose d'optimisme pour ouvrir un restaurant africain en Dordogne, temple du bien-manger français. Et une tonne de persévérance pour remonter les préjugés, lorsqu'on est réfugié soudanais. Noureldien l'a fait, moins de 6 ans après son arrivée en France.
Il y a 6 166 km par la route, entre Mauzac-et-Grand-Castang au Sud de la Dordogne et Karthoum, capitale du Nord-Soudan. Le bout du monde. Deux univers séparés par la culture, l'histoire, la géographie et, plus récemment, dramatiquement opposés par la géopolitique.
C'est de là que vient Noureldien. De l'autre bout du monde. Il a atterri dans de petit coin de la France profonde, comme des milliers de ses compatriotes, poussé par les vicissitudes de la vie et les nécessités de la survie. Venus du Darfour ou du reste du Soudan, ils seraient près de 30 000 réfugiés ou naturalisés résident actuellement sur le sol français.
En 2015, Noureldien, lui, a atterri avec une cinquantaine d'autres camarades d'infortune dans le centre d'accueil provisoire de Mauzac-et-Grand-Castang. Sauf que, contrairement à beaucoup de ses camarades, il a vu le potentiel de cette campagne aux antipodes de son pays natal. Autre chose qu'une étape sur son chemin de croix, et en tout cas plus accueillant que le centre de migrants de Calais qu'il venait de quitter. Il a découvert ici un endroit où l'on pouvait ancrer quelques attaches, et il a fait le choix de revenir tenter de s'enraciner à ce pays après un séjour à Vannes et à Bordeaux.
Plus ambitieux encore, il voulait le faire sans renier sa culture, en parlant un langage universel qui fait tout particulièrement sens en Périgord : la gastronomie.
Après 5 ans de travail, épaulé par des associations locales, Noureldien a pu ouvrir "la Gaïta" (rien à voir à priori avec la cornemuse du même nom). À Lalinde, le resto rapide soudanais a remplacé le Kebab, moins inhabituel, qui occupait les lieux auparavant. Le concept reste semblable, mais Noureldien est ambitieux. Il veut privilégier des produits locaux de qualité et plaire aux clients certes pressés, mais aussi exigeants des environs.
Alors il n'hésite pas à piocher dans les ressources locales, comme l'incontournable canard du périgord qui se retrouve accomodé "à la soudanaise", avec force épices et arachides, pour concocter l'agashé, plat typique de son pays. Noureldien sait que sa cuisine traditionnelle n'a pas encore sa place dans les assiettes françaises et qu'il aura sans doute un peu de mal à l'imposer dans la région (son rêve est d'ouvrir d'autres restaurants), mais il n'est plus à une difficulté près car comme il le dit lui-même : "toujours, je pense qu'il ne faut pas lâcher les choses et donc je garde le côté positif, même s'il y a beaucoup de difficultés je garde l'espoir !" À méditer...