Il peut parfois paraître lointain. Pourtant, le dérèglement climatique touche tous les territoires et se manifeste déjà autour de nous. Exemple en Périgord, où les symptômes d'une mutation se multiplient.

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Ni banquise qui fond, ni glaciers qui disparaissent : l’Aquitaine ne se prête pas aux images sensationnelles pour illustrer le réchauffement global et le dérèglement climatique. Pourtant, une mutation est bel et bien en cours dans la région. Chaque territoire se transforme à sa façon et le Périgord est un parfait exemple de sentinelle discrète – et néanmoins parlante pour qui sait l’écouter.

L’eau, une ressource en danger

Epidor, l’établissement public qui gère le bassin de la Dordogne, observe la rivière et ses affluents depuis plusieurs décennies. « Je travaille ici depuis 25 ans, explique Olivier Guerri, le directeur adjoint de la structure. Et j’ai déjà constaté un vrai changement. » Concrètement, c’est au niveau de la température de l’eau et des débits mesurés que l’évolution est la plus flagrante. « En 30 ans, la Dordogne s’est réchauffée d’1,5°C en moyenne, et a perdu 10 à 15% de son débit. » De quoi perturber la faune et la flore : « les herbiers fleurissent plus tôt, certaines espèces de poissons décalent leurs périodes de reproduction, les saumons voient leur migration affectée. » Et nous ne sommes qu’au début d’une transformation profonde du bassin de la Dordogne. Selon les études prospectives menées par Epidor, d’ici 2050, la rivière pourrait perdre 50% de son débit durant les périodes estivales.

Des observations qui dessinent une tendance

Cette baisse du débit de la principale rivière du département n’est pas sans rapport avec la diminution régulière des précipitations observée par les différents services météo. Ainsi, selon ClimA-XXI 24, qui fournit la Chambre d’agriculture en données climatiques et météorologiques, le bilan hydrique annuel sur la Dordogne est en baisse de 20mm par décennie depuis le début des années 1960. D’ici la fin du siècle, les prévisionnistes craignent une perte annuelle de 360mm d’eau sur les récoltes. Un déficit qui s’ajoute à la multiplication et l’allongement des périodes de sècheresse : avant 1990, ces dernières dépassaient rarement les 29 jours consécutifs. Depuis 2010, le nombre de jours sans pluie dépasse parfois les 50, voire les 70 en 2016. Météo France, quant à elle, note que les occurrences de chaleur augmentent de manière régulière depuis 1960. En 60 ans, le nombre de journées au cours desquelles la température dépasse les 25°C a augmenté de 80%. Et, d’une manière générale, la température moyenne en Périgord semble augmenter régulièrement de 0,3°C par décennie.

L’agriculture aux premières loges

Cette hausse de la température moyenne pourrait être vue comme une aubaine pour la production des fruits d’été. Il n’en est rien. Indication géographique protégée en Périgord, la fraise inonde les étals dès le printemps. Mais on sait moins que, pour fructifier correctement, elle a besoin d’un véritable hiver. « Les plants nécessitent 800 à 1000 heures de froid à moins de 7°C, explique Sylvain Dureux, technicien de la coopérative SOCAVE qui rassemble les producteurs de fruits rouges en Dordogne. Depuis quelques années, on cumule les hivers trop doux, où l’on atteint péniblement les 500 heures de froid… résultat : un passage en chambre frigorifique est nécessaire. »

"Il y a encore 20 ou 30 ans, on ne se posait pas de question. L'hiver suffisait à procurer naturellement assez de froid. Aujourd'hui, ce n'est plus le cas."

Sylvain Dureux

Technicien de la coopérative SOCAVE

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : en 2012, seuls 28% des plants étaient soumis à un froid artificiel. Aujourd’hui, cela concerne 95% d’entre eux. « Et ce n’est pas un artifice pour augmenter la production, assure Sylvain Dureux : cela augmente les coûts et les fraisiers à hivernage artificiel sont moins productifs que les autres. Mais c’est juste incontournable. » 

Les arbres fruitiers victimes de la douceur

Et la douceur croissante des hivers ne perturbe pas que les fraisiers : la plupart des arbres fruitiers sont affectés. « En 40 ans, la date moyenne de floraison est avancée de trois semaines, explique Nicolas Fedou, chargé de mission agro-météorologie à la chambre d’agriculture de la Dordogne. Et qui dit floraison précoce, dit risque de gel en augmentation ». C’est ce qui est arrivé aux pruniers en 2021 et en 2022 : après une fin d’hiver plus chaude que la moyenne, les fleurs se sont ouvertes avant la fin des gelées. Les épisodes de froid ont eu de lourdes conséquences : la récolte a été, sinon perdue, extrêmement altérée. Pour 2022, 80% du potentiel de récolte a été perdu. « Si 2023 suit le même chemin, cela pourrait compromettre la survie de la filière prune en Lot-et-Garonne et en Dordogne », assure Didier Maupas, du Bureau interprofessionnel du pruneau (BIP).

Côté vigne, le Bergeracois se transforme également : en 30 ans, les vendanges ont été avancées de 18 jours en moyenne. Le taux d’alcool dans le vin a augmenté de 3° depuis 1960, ce qui questionne les pratiques et l’avenir du cahier des charges de l’appellation. De plus, la multiplication des orages et des événements climatiques extrêmes sont une vraie source d’inquiétude pour les viticulteurs. Au printemps dernier, plusieurs vignerons ont vu leurs parcelles ravagées par un déluge sans précédent.

DRIAS, le GIEC français

Si le climat a d'ores et déjà changé en Périgord, à quoi s’attendre à l’avenir ? En 2020, le DRIAS (l’équivalent français du rapport du GIEC, avec une précision régionale bien plus fine au niveau de l’hexagone) faisait un état des lieux de la situation et des projections pour les années à venir. Ainsi, on y apprend que, d’ici 2050 et selon les scénarios (optimiste avec réduction drastique et mondiale des émissions de gaz à effets de serre, intermédiaire ou pessimiste), la température pourrait augmenter entre 1,1 et 2,3°C en moyenne.

Cela peut paraître peu, pourtant les effets sont importants sur de tels écarts. Ainsi, à Périgueux, d’ici le milieu du siècle, le nombre de jours chauds (avec des températures supérieures de 5°C à la moyenne) pourrait presque doubler, et le nombre de nuits caniculaires pourrait, sans réduction des émissions de gaz à effet de serre, être multiplié par 4 en à peine 30 ans. Un climat de type méditerranéen pourrait devenir prédominant dans le département d’ici 2050.

Et chez vous ?

A partir de ce rapport et de ses modélisations, l’Agence France Presse (AFP) a créé un site : "Demain, quel climat sur le pas de ma porte ?". Il permet à chacun de visualiser les conséquences du dérèglement climatique dans sa commune. Une façon de se préparer, et d’évaluer les efforts nécessaires pour atténuer un changement qui, dans tous les cas, se poursuivra dans les années à venir.

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