Depuis 1880, la température s'est réchauffée de deux degrés dans les Pyrénées. Ce phénomène directement lié au changement climatique a de nombreux impacts sur la forêt et les populations d'oiseaux. Reportage avec trois spécialistes de la faune et flore de nos montagnes.
À peine arrivés au pied du pic d'Arbizon dans les Hautes-Pyrénées, les yeux d'Axel Rodriguez-Le-Belle, responsable territorial de l'Office National des Forêts, et de Sébastien Chauvin, directeur du regroupement des acteurs forestiers pyrénéens, sont rivés sur les pins sylvestres qui arborent la montagne. "Les pins sylvestres sont déjà rougeâtres. Normalement, ces rougissement devraient apparaître à la fin de l'été", s'inquiètent-ils.
En empruntant les chemins forestiers, les deux spécialistes se désolent face à la fragilité de certains arbres. "Face à la sécheresse, les pins sylvestres sont victimes de stress hydrique précoce, ce qui les rend plus faibles. On le voit au niveau de leur rameaux, qui sont plus petits qu'à la normale", explique Axel Rodriguez-Le-Belle. Cette fragilité, due à une baisse des défenses immunitaires, rend les arbres plus vulnérables aux attaques de kermès, ces petits pucerons noirs piquants, qui continuent de les affaiblir jusqu'à parfois les tuer.
Toutes les espèces d'arbres sont concernées, surtout en basse altitude car l'air dit "écologique" manque.
"A long terme, la forêt pourrait disparaître"
Les deux hommes montent un peu plus en altitude jusqu'à arriver en face du pic d'Arbizon. C'est ici que Sébastien Chauvin, directeur du regroupement des acteurs forestiers pyrénéens, dresse un bilan inquiétant. "La forêt est multifonctionnelle et sert pour les territoires et les espèces. La disponibilité en eau et la température sont deux éléments prioritaires pour le bon état et la bonne santé des forêts. Dès qu’on va altérer la bonne santé de la forêt, derrière on va venir altérer toute sa multifonctionnalité".
On pourrait imaginer que dans un futur à moyen ou long terme il n’y ait plus de forêt dans les Pyrénées.
Sébastien Chauvin, directeur du regroupement des acteurs forestiers pyrénéens
Si Sébastien Chauvin admet qu'il est trop tard pour continuer d'observer ces changements pour mieux les comprendre, il explique cependant quels moyens d'action sont encore réalisables pour limiter l'impact du réchauffement climatique sur la forêt. "Nous pouvons apporter de nouvelles essences : des arbres en provenance d'endroits où le climat est plus sec et chaud pour que petit à petit on puisse diversifier nos forêts".
Une menace pour la faune sauvage
Le réchauffement climatique ne menace pas seulement la flore. Il modifie également le comportement de la faune sauvage et notamment celui des oiseaux. Jumelles à la main, Guy Maillé, délégué des Hautes-Pyrénées de la Ligue pour la Protection des oiseaux, guette les rapaces. Au fil des années, il a observé chez ces espèces un changement de comportement migratoire. Mais ce qui l'inquiète le plus, ce sont ces changements brutaux de température. "Aujourd'hui, on peut avoir un mois de mars doux et un mois d'avril très froid. Sauf que les oiseaux se reproduisent dès les premières chaleurs. Si un coup de froid survient ensuite, les oisillons meurent automatiquement, faute de nourriture", s'inquiète-t-il.
Guy Maillé craint également de voir les oiseaux disparaitre des montagnes.
Au fur et à mesure que les températures grimpent, le Lagopède alpin par exemple grimpe en altitude. Mais un jour, la montagne ne sera plus assez haute et il s'éteindra dans les Pyrénées
Guy Maillé, délégué des Hautes-Pyrénées de la Ligue pour la Protection des oiseaux
Selon lui, le changement climatique est trop rapide pour permettre aux oiseaux d'adapter leur comportement à leur nouvel environnement.
Le réchauffement climatique plus marqué en montagne
La santé de la forêt est donc directement en jeu, d'autant plus que les températures augmentent plus rapidement en milieu montagneux qu'en plaine. Selon Jean-Michel Seybeyroux, directeur adjoint scientifique de la climatologie à Météo France et membre de l'observatoire pyrénéen du changement climatique, les températures ont augmenté de 2 degrés depuis 1880, contre 1,1 degré au niveau mondial. Ce phénomène est directement lié à la fonte des glaciers.
"En presque deux siècles, le glacier d'Ossoue a vu sa superficie réduire de 70%. On sait aujourd'hui que d'ici deux ou trois décennies, on aura perdu tous nos glaciers au niveau des Pyrénées", rapportait-il sur notre plateau du 18.30 le jeudi 9 juin.