Ils décrochent. Au mieux, ils perdent leurs repères, au pire ils se mettent en danger. Les étudiants de la période Covid sont de plus en plus nombreux à exprimer leur mal-être. Et en face, peu de réponse à leur apporter

C'était il y a 10 jours. Un étudiant en master de droit de Lyon s’est jeté par la fenêtre du quatrième étage de sa résidence universitaire. Peu de temps après, une autre tentative de défénestration a eu lieu dans le 5ème arrondissement de Lyon.

Depuis le 30 octobre dernier, il n'y a plus de cours dans les universités, les étudiants doivent à nouveau travailler à distance, sans vie sociale. Le premier confinement avait été dur, le second l'est encore plus. L'aspect inédit de la situation a disparu, l'obligation de rester connecté et la rigueur que cela imposait avaient un aspect sécurisant, presque ludique. Mais avec le temps, la nouveauté s'est estompée, et le télé-enseignement est devenu démobilisateur. La morosité s'est renforcée, en même temps que l'émulation collective s'est estompée.

Bien sûr, tous les étudiants ne sont pas désespérés. Beaucoup ont une grande capacité de résilience, certains vivent même très bien cette période si spéciale. Pour d'autres, en priorité les primo-étudiants, les plus fragiles, les moins bien épaulés, ou pour lesquels il est difficile d'extérioriser, il en va autrement. En règle générale, le constat est uniforme : le confinement porte atteinte à l'équilibre psychique des étudiants. 

Pas de psy pour les étudiants...

Le bilan du premier confinement au printemps dernier a confirmé l'augmentation significative des états dépressifs, troubles anxieux, idées suicidaires... De 20% de signes de détresse psychologique d'ordinaire, un chiffre déjà généralement élevé dans le milieu universitaire, le taux était monté à 31% , selon une récente étude de l'Observatoire de la vie étudiante (OVE). Lors de ce deuxième confinement, les demandes de consultations auprès des centres de santé universitaire ont augmenté de 30%.

Des demandes qui risquent fort de ne pas être entendues dans les Bapu (bureaux d’aide psychologique universitaire ). Il n'y a en moyenne qu'un psychologue pour 30.000 étudiants, et le délai d'attente pour obtenir une de ces consultations gratuites était déjà avant la crise sanitaire de 3 ou 4 mois... Dès novembre 2019, avant la pandémie, la Fondation Santé des Étudiants de France parlait déjà d'urgence. La France étant à priori le plus mauvais pays Européen en la matière auparavant, la situation ne peut pas être meilleure aujourd'hui. À une exception près, la téléconsultation semble s'être développée pendant cette période auprès des professionnels. À quelque chose malheur est bon.

... mais des étudiants référents

Face à cela, depuis novembre les CROUS (organismes qui administrent la vie étudiante sur les campus) ont recruté et rémunèrent 1 400 étudiants référents. Ils devraient bientôt être encore plus nombreux. Leur tâche consiste à identifier les problématiques, informer, lutter contre l'isolement, créer du lien et le cas échéant diriger vers les assistantes sociales ou les psychologues.

Plusieurs raisons, un même résultat

La détresse psychologique étudiante a des origines multiples. Plus d'activités sportives, plus de réunions culturelles ou festives socialisantes, plus de soirées. Toutes les "soupapes" qui permettaient à l'étudiant d'évacuer la pression ont disparues. L'isolement, l'absence d'interaction directe entre étudiants ou avec les enseignants, l'aspect affectif qui entoure ces relations ont été remplacés par un enseignement "vertical" deshumanisé. L'apprentissage devant un ordinateur ne permet pas de créer un lien, une appartenance à un groupe, la construction d'une identité commune qui est source d'émulation et de motivation pour l'étude. Plus de groupe, plus de nouvelles relations amicales... ni amoureuses.

S'ils sont retournés vivre chez leurs parents, le risque est la tension familiale, confinés dans de petites surfaces, ils risquent l'isolement. Les étudiants étrangers et en difficulté financière sont particulièrement exposés. Et pour les plus précaires, l'impossibilité d'améliorer son quotidien en faisant un petit boulot augmente également la mise de côté. 

Les plus fragiles risquent de céder

Autre aggravation pour ce deuxième confinement, la disparité de situation entre les étudiants et le reste de la population. Avec les personnes âgées, ils sont les seuls à ne pas avoir de bonnes raisons de sortir. Alors que le reste de la famille retrouve globalement une vie sociale (le travail pour les parents, l'école pour les enfants), l'étudiant reste scotché à son domicile. Sans réelle perspective, faire ses études devient démotivant. Sans rendez-vous aux cours, examens à préparer, stages à anticiper ou voyages Erasmus pour découvrir l'étranger, l'étudiant manque même de vision d'avenir.

Autant de pressions supplémentaires qui peuvent réveiller d'autres failles, et transformer une simple situation inconfortable en réelle souffrance psychologique. Paradoxalement, le taux de suicide a baissé de 5%. Un phénomène classique, qui s'explique notamment par la sidération (dans les crises importantes, comme lors d'une guerre, le taux de suicide diminue), mais aussi par le fait que la crise impacte toute la population. Dans ces périodes difficiles, l'entourage devient plus attentif, et la solidarité se développe.

Une bombe à retardement ?

Il y a l'effet immédiat qui joue sur les performances universitaires, déconcentration, capacités cognitives diminuées. On pourrait penser la crise passagère, limitée au temps que sévira le virus. Ce serait se tromper. Certains spécialistes affirment que 75 % des pathologies psychiatriques de l'adulte ont pour cause des situations vécues entre 16 et 25 ans. Autre effet qui pourrait s'inscrire dans la durée, les addictions. Addictions sexuelles, usage de stupéfiants ou d'alcool, jeux, internet, la fragilité passagère peut induire des conduites toxiques durables.

L'entourage essentiel

Amis, famille, proches, relations amoureuses, assistants sociaux, enseignants, tout l'entourage peut se mobiliser pour détecter les risques d'isolement, et de désocialisation. Ce devrait être le cas tout le temps, ça l'est d'autant plus en cette période. La personne la plus en souffrance étant la moins susceptible d'appeler à l'aide par elle-même.

 

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