Très proche, mais bien moins connu que Lascaux, le site préhistorique du Regourdou possède trois originalités : son squelette néandertalien exceptionnel, la pugnacité de son propriétaire dont on fête cette année le centenaire et son parc à ours qui vient d'accueillir 3 nouvelles pensionnaires
Roger Constant
L'homme aurait 100 ans cette année, et, entre deux coups de pioche, il serait sans doute heureux de voir l'arrivée de trois jeunes oursonnes brunes sur sa ferme du Regourdou. Une ferme et un site devenus monument historique en 1957 et dont l'histoire est liée à l'obstination de leur propriétaire.
Le trou mystérieux
C'est une histoire dans l'histoire, et même dans la préhistoire. Nous sommes en 1954. 14 ans déjà que la grotte de Lascaux a été fortuitement découverte par 4 gamins, et elle est à jamais auréolée une renommée mondiale. Tout près de là, sur ses terres, le petit fermier Roger Constant regarde les effets des grosses pluies qui viennent de s'abattre. Et surtout l'eau qui s'engouffre dans une anfractuosité, juste devant sa maison. Impossible de ne pas faire le rapprochement.
Et si seulement...
Roger Constant en est persuadé : l'entrée naturelle de la grotte de Lascaux est peut-être là, devant ses yeux, chez lui et à portée de pioche. Après tout, l'autre ouverture de la grotte de Lascaux avait bien été découverte après qu'un arbre déraciné en ait libéré fortuitement l'accès. Et la grotte officielle, n'est que de l'autre côté de la colline, à peine 500m.
Miraculeuse mandibule
Entamant lui-même des fouilles en amateur, et sans autorisations particulières, il creusera sans répit pendant 40 ans, explorant le terrain à la recherche d'indices. Trois ans plus tard la chance lui sourit, sous la forme d'une superbe mandibule. Mieux, une mandibule néandertalienne. L'académie est alertée, c'est le début de fouilles plus organisées et officielles. Celles-ci mettront au jour la présence d'un squelette de neandertalien à qui il ne manquait qu'une partie de la tête et les jambes, l'un des plus anciens et des mieux conservés d'Europe... une pièce unique, âgée de plus de 70 000 ans. À ses côtés, des centaines d'ossements d'ours brun dans ce qui ressemble à une sépulture. Les spécialistes en interprèteront la possibilité d'un rite mortuaire voué aux ours.
L'homme (préhistorique) qui a vu l'ours
L'hypothèse, mise à mal depuis, inspire Roger Constant. Il se prend de passion pour l'animal, ouvre un parc, et, en 1988, il réintroduit l'ours en Périgord ! Deux mâles et une femelle donneront naissance aux premiers oursons 100% périgourdins que l'on ait vu depuis bien longtemps. Ambiance préhistorique garantie, la petite troupe d'ursidés complètera l'originalité et assurera la renommée du site.
La mer du secondaire en Périgord
Pendant que les archéologues se penchent sur le site néandertalien, Roger Constant, infatiguable, continue d'explorer un gouffre à proximité. Des tonnes de terre seront exhumées avec une grue et des wagonnets. Un chantier titanesque. L'agriculteur y découvrira des fossiles marins de l'ère secondaire, et un gisement d'ocre dont on se servira plus tard pour reproduire les dessins de Lascaux dans le fac-similé de Lascaux II.
Petites ourses brunes dans le parc familial
Roger Constant est décédé en 2002, à 81 ans. Mais conformément à sa volonté, le parc est encore là, toujours géré par la famille. C'est Michèle, la nièce de Roger, qui s'occupe des lieux devenus monument historique. Le parc continue d'attirer nombre de touristes chaque année. Les visiteurs viennent aussi découvrir les ours, contemporains des hommes des cavernes.
Le parc vient d'ailleurs de s'enrichir de trois jeunes femelles ours de 14 mois, arrivées en mars dernier. Pas trop de stress lié au dépaysement, ces oursonnes de race slovène viennent du parc de Gramat, dans le Lot. Avec la fin des contraintes sanitaires, elles peuvent désormais recevoir la visite du public amateur de préhistoire qui passe par Montignac, dès ce week-end