Surnommée le Lascaux de la gravure, la grotte de Cussac est une véritable mine d'or pour les scientifiques qui étudient les œuvres et squelettes trouvés dans la grotte et datés de plus de 30 000 ans.
Première publication de l'article : 04 février 2024.
L’endroit est banal. Au milieu de la forêt, sur les coteaux du Périgord Noir, une cabane en bois brûlé jouxte un petit parking. L’œil aguerri distingue une pancarte discrète : "Grotte de Cussac".
Les terres sont la propriété du ministère de la Culture et aucune voiture n’est autorisée à aller plus loin : tout risque de pollution doit être écarté. Car sous nos pieds, sommeille un trésor quasiment unique au monde, sous protection des services de l’État. Les préhistoriens l’appellent "le Lascaux de la gravure".
Des trésors historiques gravés dans la roche
Découverte en septembre 2000 par le spéléologue Marc Delluc, la grotte de Cussac est un boyau de plus d’un kilomètre et demi, étroit et difficile d’accès, dans lequel se succèdent de nombreux panneaux gravés. Mammouth et chevaux, les figures sont nombreuses et parfois monumentales, aussi grandes, pour certaines, que les célèbres taureaux de Lascaux. Le trait est fin et précis. Plus rares : des représentations féminines sont aussi répertoriées. Des traces de couleurs ont été retrouvées le long du boyau, attestant que les hommes ont pénétré à presque un kilomètre de profondeur. La culture identifiée est le Gravettien. Datation : environ - 30 000 ans.
Quatre semaines par an
En ce froid matin de janvier, l’effervescence règne dans le sous-bois qui abrite la grotte. La lourde grille d’acier qui garde l’entrée de la cavité vient d’être ouverte par le responsable de la DRAC (Direction régionale des affaires culturelles). Sous sa surveillance, une poignée de scientifiques triés sur le volet est autorisée à pénétrer sous l’arche de pierre. Ils ne peuvent être plus de dix simultanément dans la grotte. La campagne de recherche ne dure que quatre semaines, au milieu de l’hiver : quand les températures remontent, le taux de CO2 dans la cavité repart à la hausse et l’air n’est plus propre à la respiration.
De nombreuses énigmes étudiées par les scientifiques
"Nous en sommes à quinze ans de recherche, et il y a encore des tas de choses à apprendre", assure Jacques Jaubert, le scientifique qui chapeaute les études à Cussac. D’abord parce que la grotte est immense, et que tout n’a pas été examiné par les chercheurs. Ensuite, parce que certains aspects sont extrêmement surprenants.
Les restes de six squelettes humains ont été retrouvés dans la galerie. C’est extrêmement rare : dans une grotte ornée, cela n’arrive quasiment jamais.
Jacques JaubertPréhistorien et archéologue
Des sépultures attestées, encadrées par des panneaux gravés, à plusieurs centaines de mètres de l’entrée. Les corps ont probablement été transportés là… En morceaux. Pourquoi ? Et au-delà de cela, qu’allaient faire ces hommes à près d’un kilomètre sous terre ?
Plus prosaïque, une équipe du laboratoire i2M, de l’université de Bordeaux est en ce moment sur place pour étudier un éboulis : celui-là même qui a scellé l’entrée de la grotte après le passage des hommes. "Les recherches actuellement effectuées visent à comprendre quelles entrées les hommes de l’époque ont connues, et de manière plus générale à déterminer à quoi ressemblait le versant de la colline il y a - 30 000 ans ", explique Jacques Jaubert. À l’époque, le climat était celui de l’actuelle Sibérie. Une étude minutieuse et compliquée, qui nécessite de faire appel à des topographes, des géophysiciens, des paléoclimatologues.
Une grotte interdite au grand public
Combinaisons et charlottes enfilées, bottes désinfectées, autorisations signées : les chanceux chercheurs du jour disparaissent dans la cavité. Pour nous autres, simples mortels, le voyage se termine devant la grille. Le contexte atmosphérique et les exigences de la conservation empêcheront à jamais le public de pénétrer à l’intérieur de la grotte de Cussac. Un espace d’interprétation devrait en revanche voir le jour prochainement au Buisson de Cadouin.