On construit une piscine sous ses fenêtres, il désinscrit son château des Monuments Historiques

Construire une piscine près d'un Monument Historique demande de respecter certaines conditions. A Salignac-Eyvigues, le propriétaire d'un château estime qu'une future piscine sous ses remparts n'est pas assez discrète dans le paysage.

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Du haut du château de Salignac, 10 siècles d'histoire

L'ancien château fort des Salignac, des XIème et XVème siècle, est un pan de l'Histoire Française. Geoffroi de Salignac, né vers 980, est l'aïeul, fondateur de la famille de Salignac (ou de Salagnac). En ce Xème siècle, la famille possède la châtellenie éponyme, et à partir du XIème siècle, le château de pierre investit la place de la motte féodale. Peu à peu, l'imposante bâtisse juchée sur un éperon rocheux dominera fièrement le village de Salignac. 

L'Histoire en mouvement

En un millier d'années, le château a été remanié à de multiples reprises, au gré des besoins et des moyens des propriétaires successifs, des nobliaux qui y cohabitent, et des aléas de l'histoire. La version que l'on connaît aujourd'hui correspond à la fin de la guerre de 100 ans (1453). En 2021, le château est toujours en travaux. Sauf qu'aujourd'hui, il n'est plus question de le moderniser pour l'adapter aux besoins du moment, mais plutôt de lui conserver rigoureusement son aspect historique. Le château a en effet été inscrit d'office aux Monuments Historiques en 1969.

Monuments Historiques, les gardiens du temple

Depuis 1837, Les Monuments Historiques, vénérable institution française, veillent jalousement à la conservation des milliers d'églises, bâtisses et châteaux qui font la richesse de notre patrimoine bâti, en vue de leur transmission intacte aux générations futures.
Ce partenariat entre l'État et les propriétaires est le gage d'une reconnaissance nationale, d'un soutien technique, architectural et historique pour entretenir son bâtiment, assorti parfois aussi, d'une aide financière, environ 10 à 25% selon les chantiers de rénovation.
En contrepartie, le propriétaire s'engage à respecter les constructions pour qu'elles conservent leur authenticité dans les moindres détails. À l'heure du béton et du préfabriqué, cet impératif prend souvent des allures de casse-tête et de gouffre financier, et d'empêcheur d'aménager en rond. En contrepartie, l'État s'engage à protéger non seulement le bâtiment, mais aussi un périmètre de 500m autour du site.

La piscine fait des vagues

Dans ce périmètre de 500 mètres autour du château existent d'autres propriétés, soumises depuis 1944 à quatre arrêtés de protection du patrimoine.
Or un aménageur de gîtes en contrebas, juste sous les fenêtres du château, est justement en train d'agrandir une maison... agrémentée d'une piscine ! Piscine visible du château, château visible de la piscine, piscine et château visibles ensemble si l'on se place bien. 
Verrue anachronique dans un cadre préservé. Pour le propriétaire du château, Rémi Starckmann, à qui l'on demande de veiller à la bonne teinte historique de la dernière des tuiles, c'est un peu comme si on installait un food truck dans les jardins de Versailles. Lui qui depuis 15 ans veille à respecter son cahier des charges perçoit comme un soupçon d'injustice là-dedans.

Aujourd'hui, je suis le seul à avoir des contraintes ! Je dois demander des autorisations pour bouger le petit doigt dès que je veux faire quelque chose et je m'aperçois finalement, alors qu'on est dans une zone protégée, d'autres peuvent avoir des autorisations de faire des choses qui me semblent pas être conformes à ce qu'il faudrait.

Rémi Starckmann

Une tolérance devenue la règle ?

Rémi Starckmann s'en est ému en vain auprès de l'Architecte des Bâtiments de France et la mairie. Et même de la Ministre de la Culture. En vain, les demandes ont été faites, l'autorisation a bel et bien été accordée, l'aménageur est dans son droit.
Vu la multitude de châteaux dans le département, il semble que la construction de piscines près des monuments historiques soit devenu un phénomène banal et autorisé. Une "mauvaise habitude prise depuis 40 ans" aurait indiqué l'ABF au châtelain.
Selon Rémi Starckmann, l'Architecte aurait même aimé que l'affaire soit portée en justice afin qu'une jurisprudence permette enfin de trancher la question.

Procédure rarissime

Mauvaise réponse pour le châtelain qui a décidé de passer la vitesse supérieure.
Puisqu'on se permet n'importe quoi sous ses fenêtres, pas de raison qu'il soit le seul à jouer le jeu, il entame donc un recours administratif.
Plus encore, il lance une procédure rarissime : la désinscription de son château à l'inventaire des Monuments Historiques.
Joignant la lettre à la parole, il a écrit au Préfet de Région, habilité à statuer sur cette demande inhabituelle.
La radiation suit la même procédure que l'inscription : un arrêté du préfet de région après avis de la commission régionale du patrimoine et des sites. L'article 13 de la loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques prévoit bien que " le déclassement total ou partiel d'un immeuble classé est prononcé par un décret en Conseil d'Etat, soit sur la proposition du ministre chargé des affaires culturelles, soit à la demande du propriétaire ", mais dans la réalité, un tel déclassement est rarissime.

L'affaire sera sans doute embarrassante pour le Préfet de Région, les services de la Dracc, du Conservatoire du Patrimoine et autres qui vont devoir trancher l'épineuse question... avec les conséquences en cascade que l'on imagine pour les autres chantiers du département.
Les propriétaires proches de châteaux classés qui veulent faire trempette dans les mois à venir auront tout intérêt à suivre l'affaire de près.
De son côté, le propriétaire du château de Salignac craint que le chantier en bas de chez lui ait déjà donné des idées au voisinage. Raison de plus pour ne pas lâcher l'affaire...

 

 

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