"C'est encore le petit qui va payer !" Menace sur les agences postales en milieu rural

L'annonce d'une coupe de 50 millions dans le budget de la Poste fait craindre le pire pour les agences postales rurales. Des petits bureaux essentiels dans des zones déjà amputées de nombreux services publics

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À Lamonzie-Saint-Martin, commune de 2 700 habitants près de Bergerac, le bureau de poste a été remplacé par une APC, une Agence Postale Communale créée en juillet 2022.
Elle est ouverte du lundi au samedi midi, en moyenne trois heures par jour. Courriers, colis, souscription de forfaits mobiles, boxes, services bancaires et autres services postaux y sont assurés et une borne informatique est à disposition pour les démarches en ligne.

Les agences ont remplacé les bureaux

En théorie, 97 % de la population française doit être à moins de 5 km ou 20 minutes d’une agence postale. En 2008, les agences postales communales ont été la solution imaginée pour conserver une présence postale dans les petites communes ou les intercommunalités après la disparition progressive de nombreux bureaux de poste.
 Une convention lie les communes et La Poste pour faire fonctionner ces agences postales éligibles au "fonds postal national de péréquation territoriale". En contrepartie d'une somme allouée par La Poste, les mairies maintiennent le service postal, souvent à l'aide d'un personnel réduit. Ce peut être un fonctionnaire mis à disposition ou un contractuel exerçant d'autres fonctions, et l'agence se situe fréquemment dans des locaux communaux.

Service public vital

Résultat, une prestation de service très utile pour les administrés. Parfois âgés, privés de moyens de locomotion et habitant dans des zones éloignées du premier bureau de poste encore ouvert, ce service est irremplaçable pour eux. Éviter de faire vingt kilomètres pour acheter son carnet de timbres, encaisser un chèque, envoyer un recommandé ou recevoir un colis, c'est précieux lorsqu'on ne conduit pas. C'est parfois le seul service public à subsister dans les petites communes.

De la rentabilité d'un service public

En revanche, cela ne représente que de petits volumes, pas nécessairement très rentables pour La Poste. Or, les choix sont plus faits dans une logique de rentabilité que de service public. Le 27 septembre dernier, Bercy a demandé à La Poste de réaliser une économie de 50 millions sur l'exercice en cours. La Poste laisse entendre qu'elle allait les ponctionner sur l'enveloppe de 174 millions qu'elle consacre au maintien de ses services sur l'ensemble du territoire. Sur l'ardoise du comptable, la restriction risque donc bien de porter sur ces fameuses agences postales, existantes ou en projet, puisque l'économie est à réaliser dès cette année. On ne parle pas vraiment de fermetures, mais de réduction des budgets au détriment des communes, obligées de payer si elles veulent garder leur poste, et probablement d'abandon de projets en cours. C'est ce que craignent de nombreux maires.

Les mairies, agents commerciaux de La Poste

Pour l'heure, La Poste est liée par un "contrat de présence postale" signé en 2023 avec l'Association des Maires de France et l'État qui court jusqu'en 2025. Lors du passage d'une convention avec les communes, il prévoit le versement à cette commune d'une indemnité forfaitaire fixe et d'une part variable / intéressement qui augmentent si l'agence dépasse le chiffre d'affaires prévu ou qu'elle vend des produits et services complémentaires de La Poste, chose qu'elle peut refuser de faire. Les agences communales peuvent ainsi "faire du chiffre" pour le compte de La Poste et en être récompensées.

Pas de garantie de maintien

Les conventions ne sont pas tacitement reconductibles, mais elles peuvent être signées pour une durée de un à neuf ans. Pour autant, les maires qui ont signé pour six ans et plus ne sont pas garantis du maintien de leur agence sur cette période. Si l'activité lui semble insuffisante, La Poste peut dénoncer l'accord. Elle doit alors entamer un dialogue avec le maire concerné et la Commission Départementale de Présence Postale Territoriale (CDPPT). À n'en pas douter, ce sont ces agences postales sur lesquelles La Poste pourrait être tentée de faire des économies en premier lieu, ou bien celles qui se trouvent en "surnombre" par rapport au maillage territorial.

Quand on a signé un contrat, il y a des règles, on ne change pas les règles en cours de jeu !

Thierry Auroy Peytou

Maire de Lamonzie Saint-Martin

Indignation

"Je suis surpris et en colère", explique Thierry Auroy Peytou, maire de Lamonzie Saint-Martin pour qui cette amputation budgétaire ressemble à une nouvelle tromperie. Il y a trois ans, La Poste lui annonce qu'elle réduirait ses horaires d'ouverture hebdomadaire de moitié.
Inacceptable dans sa commune en développement, le conseil municipal opte donc pour la création de cette agence postale communale en signant une convention de neuf années reconductibles. En contrepartie, La Poste lui accorde 1 100 euros mensuels pour frais de fonctionnement comprenant les charges, les salaires, etc. Une bonne opération pour La Poste qui a réduit au minimum ses coûts sans rien perdre de ses bénéfices.

"Finalement, la population n'a rien vu. Elle a vu simplement que le service public de la poste était maintenu à Lamonzie-Saint-Martin. Mais à quels frais ?". L'annonce de cette nouvelle réduction des dotations le met hors de lui. "Ça veut dire encore que c'est le petit qui va payer, les territoires ruraux, les usagers et encore les communes qui devront aller chercher des recettes supplémentaires pour pouvoir pallier cette nouvelle mesure de réduction de 50 millions."  Indignation partagée par le député Stéphane Travert, président de l’Observatoire national de la présence postale qui a demandé une entrevue avec Laurent Saint-Martin, le nouveau ministre du Budget. Peu de chances, dans le contexte actuel, que Bercy se montre d'une grande générosité en revenant sur cette décision...

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