En apiculture, il ne suffit pas de posséder un essaim avec une reine à sa tête et de savoir déplacer ses ruches au gré des saisons. Il est parfois nécessaire de renouveler le cheptel. Jacques Laugénie sait sélectionner et élever des reines d'abeilles, de façon à entretenir le patrimoine génétique.
Ce matin-là est propice à la reproduction. Dans le jardin, reines et faux-bourdons, soient les mâles des abeilles, ont convolé : la ponte a eu lieu. Pour Jacques Laugénie, c'est le bon moment de préparer sa "maternité".
L'apiculteur va tout simplement récupérer ses recrues en ouvrant une ruche. Il sort alors un cadre et découpe un carré d'alvéoles, avant de procéder à l'élevage proprement dit de quelques larves d'abeilles lambda, vouées à devenir de véritables reines, destinées à prendre la tête d'un essaim.
Pour cela, minutieusement, l'apiculteur sort les larves d'un jour sans les endommager et les place dans des petits godets. Une vingtaine d'élues, dans leurs berceaux respectifs, seront placées dans une ruche "avec deux kilos d'abeilles", "du pollen en grande quantité et des matières sucrées en l'occurrence : du miel".
Une reine, c'est une abeille ouvrière qui aura été nourrie abondamment de gelée royale à l'état larvaire.
Jacques LaugénieApiculteur à La Bachellerie (24)
À l’intérieur de cette ruche maternité, privée de reine et sans ouverture, les abeilles vont s'employer à nourrir les larves choisies par Jacques. Elles vont gaver de gelée royale les petits gobelets, étirer une cire vers le bas pour édifier chaque cellule, le berceau de chaque reine, et les boucher le 9è jour.
Un règne sans partage
Avant l'éclosion de ces reines, soit 12 jours après le transfert de la larve, les gobelets sont transportés soit dans des mini-ruches soit dans des couveuses. Les cellules royales sont prêtes pour l'éclosion. De l'intérieur, la future reine va grignoter l'opercule pour sortir de son berceau royal.
Regardez la naissance de cette reine !
Chaque reine va pouvoir prendre la tête d'un essaim, une fois installée dans une ruche en présence de ses sujets.
Si on laissait ces vingt gobelets à l'intérieur d'une même ruche, comme l'explique Jacques, "la première reine qui va naître va tuer toutes ses sœurs qui sont ses rivales !"
Une passion apicole
Jacques Laugénie s'est piqué d'apiculture il y a 47 ans. À chaque naissance de reine, il était, selon ses termes, "en extase" . Si, depuis, il s'est habitué, il garde la même ferveur quand il s'agit d'évoquer le patrimoine génétique. Et il est heureux de dire qu'il contribue notamment à la conservation de l'abeille noire, la plus rustique, et la plus ancienne en France.
"Le but recherché, c'est d'avoir des reines de qualité, les plus noires possible, qui résistent bien aux maladies, qui produisent beaucoup, qui ne soient pas agressives".
L'abeille noire
"Il y a 50 ans quand j'ai commencé l'apiculture, il n'y avait pas de croisements d'abeilles, d'importations comme aujourd'hui. J'ai commencé avec les abeilles de chez nous", se souvient ce passionné.
L'abeille noire est la plus ancienne en France et surtout la plus rustique. Elle est grande pour une abeille à miel. "Elles ont un bon rendement, elles résistent bien aux maladies et ont une bonne tenue de cadres". Comprenez : cette abeille est particulièrement intéressante quand il s'agit d'organiser la production de miel. C'est pour cela, selon lui, qu'il faut continuer à les sélectionner pour maintenir leurs caractéristiques peu agressives, rustiques et travailleuses.
L'apiculteur aurait aimé transmettre, faire essaimer cette pratique. Il serait aujourd'hui le seul en Dordogne à exercer ce processus de reproduction et de sélection des abeilles.