Examen de passage réussi pour "Colère 24". Le groupe revendicatif lancé en Dordogne par Léandro, maçon trentenaire de St Pardoux la Rivière a réuni près de 300 mécontents ce week-end dans les rues de Périgueux. Et ensuite ?
©France 3 Périgords
Vu l'ampleur de la réponse sur les réseaux sociaux, on peut dire que le mouvement "Colère" lancé en Dordogne par Leandro Antonio Nogueira, un maçon trentenaire, a trouvé son public. Plus de 14 300 membres sur la page Facebook Colère 24 et les autres départements ayant suivi, les "Colère" compteraient aujourd'hui près de 100 000 abonnés sur les pages Facebook créées dans tous les départements.
Mais plus encore : sortie du virtuel, la greffe semble également avoir pris sur le terrain. Venues de tous les horizons socio-professionnels, les plus de 300 personnes réunies ce samedi devant la préfecture de Dordogne étaient animées par la même colère. Par la même colère, mais pas toujours pour les mêmes motifs. Coût de la vie, limitation à 80 Km/h sur les départementales, baisse des APL, hausse du carburant, augmentation des taxes, contraventions, réforme de l’ISF, réforme de la Loi Travail ou nouveau plan de vaccination : "le peuple n’est plus dupe, il a compris que derrière toutes ces politiques de sécurité routière, de rigueurs économiques ou de santé publique imposées au peuple sans réelle consultation, ces gouvernements n’œuvrent que dans un seul but, l’ultra libéralisation de notre pays qui engendre une précarisation de masse de la population".
Bref, les raisons de la colère ne manquent pas et c'est sans doute ce qui fait l'ampleur de l'adhésion au mouvement. Ce sera peut-être aussi ce qui empêchera sa longévité ou sa structuration. Car on peut se retrouver dans l'insatisfaction sans être d'accord sur une solution à proposer. Voire même partager une même colère mais pour des motifs opposés.
S'il veut être plus qu'un feu de paille contestataire, s'il veut porter durablement la parole des dizaines de milliers de personnes qui adhèrent, et éventuellement faire adhérer une majorité d'ordinaire silencieuse, le mouvement ne pourra pas échapper à une certaine organisation. Ce qui n'est visiblement pas dans l'intention de départ de Leandro qui avouait avoir été très vite dépassé par l'ampleur nationale du phénomène. Ou bien il devra passer par une récupération syndicale, politique ou idéologique. Ce qui est également rejeté à priori par l'initiateur du mouvement. Il sera donc difficile au mouvement de tenir sur la longueur.
A moins que... à moins que, dans le vaste bouleversement traversé dans la société, la déliquescence des mouvements politiques traditionnels, l'accélération des échanges via les réseaux sociaux, la perte de repère dans les espaces de travail ou la famille et les prises de conscience collectives, le mouvement Colère n'accouche d'autre chose... un rassemblement d'individus dont les intérêts transversaux se rencontrent pour devenir une force agissante, hors partis ou syndicats. Réponse dans les mois qui viennent.
En attendant, la prochaine étape annoncée devrait être un rassemblement dans toutes les capitales régionales, dont la date n'est pas encore connue. Pour Colère 24 et les autres mouvements départementaux, ce sera donc Bordeaux. Une manifestation qui devrait être très encadrée et surtout sous haute surveillance préfectorale, comme à Périgueux où les organisateurs ont déjà écopé d'un "rappel à l'ordre" pour avoir dévié du trajet lors de la manifestation de samedi.