La pratique de la vendange manuelle tend à disparaître. Mais dans ce château de Dordogne, les ouvriers répètent les gestes ancestraux et entretiennent ce qui faisait des vendanges un moment de l'année convivial et réjouissant.
"C'est la septième année que je viens, peut-être que je suis la plus vieille ouvrière ici [rires]. On vient ici avec des copains, c'est pas loin de la maison. C'est quelqu'un que j'apprécie aussi... Je préfère être ici que dans une usine ! J'aime bien être dans la nature, c'est tranquille, c'est juste du plaisir." En quelques mots, Zane Jorisone, vendangeuse saisonnière (et régulière) au Château Barouillet à Pomport (24), explique pourquoi Vincent Alexis, l'exploitant des lieux, est parvenu à fidéliser ses vendangeurs d'année en année. Ce n'est pas le cas partout.
Trouver le juste équilibre
Fidéliser des saisonniers, ça ne s'improvise pas. C'est tout le travail de Nicolas Mauroy, le chef d'équipe qui a développé son savoir-faire sur le tas. Sa technique ? : "Ne pas être trop gentil, mais leur donner envie de travailler. Il faut réussir à trouver le juste milieu pour se faire respecter, mais sans être trop méchant."
"On a envie qu'ils reviennent"
"C'est pas forcément facile, mes premières années étaient compliquées. Mais avec les années, avec l'expérience, on apprend comment parler aux gens, s'adapter aussi parce qu'on a de tout qui arrive, un peu de partout, on a toutes les classes sociales, tous les univers différents, donc on apprend à s'adapter à tout le monde, assure le chef d'équipe.
"Des fois, on est obligés d'imposer un rythme, on a des timings, si la pluie arrive. On travaille avec le temps, avec la nature, on est obligés d'être un peu plus rapides, donc un peu moins cool, mais on essaie aussi de s'adapter aux personnes en face de nous, poursuit-il. On a envie qu'ils reviennent. Si on peut fidéliser, surtout avec des bons éléments avec qui on s'entend bien, on le fait."
Vendanges manuelles, question de conviction ?
Une certaine ambiance, le respect d'une agriculture paysanne traditionnelle, des valeurs et des choix écologiques qui se retrouvent dans des vins bio, biodynamiques, sans intrants et surtout avec des raisins récoltés manuellement. "C'est plus une conviction dans le monde des vins nature", explique Vincent Alexis." Parce qu'on fait ce qu'on appelle des vins naturels. Donc, on essaye de respecter au maximum la plante, le vivant et aussi d'avoir ce côté important pour nous de social d'essayer d'avoir des gens dans le vignoble."
Que des raisins qu'on a envie de manger
Ce qui implique beaucoup plus de travail, plus de personnel et de coût. Mais c'est aussi aussi une nécessité pour maintenir un bon niveau de qualité : sur cette parcelle destinée à fournir le vin haut-de-gamme du château, le terrain très calcaire héberge des pieds de sauvignon blanc vieux d'un demi-siècle. Ils sont fragiles, mais fournissent un raisin et un jus bien particulier... à condition d'effectuer un tri très précis des raisins.
"Cette année particulièrement, on a eu pas mal de pourri. On essaie de pousser un petit peu les maturités, et du coup, on a forcément des endroits où il y a quelques baies, quelques grains pourris qui, dans une machine à vendanger, vont tomber avec. Alors qu'à la main, ça nous permet de pouvoir les enlever.", poursuit Vincent Alexis. "Le travail du vendangeur, c'est de couper du raisin, et en même temps d'avoir cet œil de gratter un petit peu ce qu'on appelle le pourri plein, pour n'avoir vraiment que du beau raisin. La consigne le matin, c'est de mettre dans les seaux que les raisins qu'on a envie de manger." Qui donneront, par conséquent, un vin qu'on a envie de boire.