Une supérette dans un container en libre-service, accessible tous les jours à toute heure, une solution pour les villages de campagne désertés par les commerces traditionnels. Depuis 2022, la société API multiplie les ouvertures
Des supérettes autonomes, qui fonctionnent sans vendeur, ouvertes sans interruption à toute heure du jour et de la nuit, chaque jour de la semaine : depuis vendredi dernier, ce concept a été décliné à Maurens, village de 1 000 habitants au nord de Bergerac, en Dordogne, qui n'avait plus d'épicerie depuis près de 30 ans. "Pour faire nos courses ici, il faut qu'on fasse 20 km", explique Catherine, convaincue par le concept. "10 aller, 10 retour, voiture, alors qu'ici on peut venir à pied !"
Les épiceries autonomes continuent de fleurir en milieu rural. Le concept est né du projet de la jeune pousse charentaise API, qui en a déjà installé 44 en Nouvelle-Aquitaine, en visant des communes de plus de 750 habitants situées à environ 10 à 15 minutes d'un premier supermarché. Et ce n'est pas qu'un gadget, au cœur de ces zones dans lesquelles, depuis longtemps déjà, la désertification rurale et la concurrence des grandes surfaces est venue à bout des petits commerces locaux.
L'irremplaçable sourire de l'épicier
Ces épiceries sont une sorte de déclinaison XL des distributeurs de pain ou de pizza : on s'identifie avec son smartphone en scannant un QR code à l'entrée, on se sert dans les vitrines à l'intérieur, et on paie avec sa carte bleue... Le tout sans avoir croisé un seul humain, tout est automatisé. Et surveillé bien sûr. Le rôle du vigile est assuré par quatre caméras et un service de sécurité qui peut débarquer physiquement si besoin.
Le concept perd en humanité ce qu'il gagne en efficacité. "Ce qui me dérange, c'est que c'est tout automatisé, c'est qu'il n'y a pas d'être vivant", résume Jacqueline, venue en curieuse découvrir ce commerce d'un nouveau genre. "Et on va voir ça partout en France", poursuit-elle, un brin désespérée. Pour l'instant, Api n'a pas encore réussi à se débarrasser totalement du facteur humain. Une salariée vient quelques heures chaque matin pour gérer les stocks, passer les commandes et éventuellement donner quelques renseignements aux clients de passage. Il est aussi possible de joindre un support client à distance.
Plus qu'un simple dépannage
Une fois à l'intérieur, on retrouve un condensé de supérette classique : alimentation, hygiène, entretien, 700 références parmi lesquelles on peut même dénicher quelques produits locaux. Dans l'épicerie automatique de Maurens, on peut acheter par exemple le pain d'un boulanger voisin. Ne cherchez pas le rayon alcool en revanche, il brille par son absence, pour éviter d'éventuelles dérives auprès des mineurs.
"Comme on a des prix de supermarché, le but, c'est d'aller au-delà du dépannage, c'est que les gens prennent l'habitude d'aller faire leurs courses du quotidien", expliquait déjà Julien Nau, cofondateur de la start-up API, lors des premiers lancements de ces supérettes en Charente en avril 2022. "Je m'attendais à des prix plus importants et plus chers et je trouve que les prix restent très corrects par rapport à ce qu'on peut trouver dans une grande-surface normale, en fait", confirme, deux ans plus tard Magalie, cliente du tout dernier container-épicerie posé en Dordogne.
Comptes d'épicier
Retrouver de la rentabilité en zone rurale, un miracle économique ? Pas du tout, explique Jean-Louis Arnaud, directeur des opérations des supérettes Api. "On a un partenariat clé avec un grand acteur logisticien qui nous permet de garantir les prix. Et puis également on a notre modèle, qui se veut économe en termes de fonctionnement, qui nous permet d'avoir un prix de vente qui est cohérent par rapport au village". En clair, ces supérettes affichent les prix habituels des supermarchés, la distance en moins. La multiplication des ouvertures semble confirmer la viabilité du projet et répondre, d'une manière qu'on aurait difficilement imaginée quelques années en arrière, au besoin des populations rurales.