Une commune de Dordogne a décidé de replanter une forêt naturelle de six hectares, protégée par un dispositif légal empêchant toute exploitation commerciale pendant 99 ans. Au total, 3 000 arbres de 22 essences endémiques vont être plantés sur cette parcelle avant la fin du mois.
La commune de Jaure, 171 habitants, entre Mussidan et Périgueux s'engage pour un siècle. Cela se passe au bois de l'Espèr, en Périgord Blanc. Le terrain sur lequel s'activent toutes ces personnes a été récemment déforesté.Résultat, après cette coupe rase, il ne reste plus qu'un terrain pelé et accidenté, où ne subsistent que des branches, des souches et des mottes de terre mises à nu.
"À nous de lui rendre"
Ces espaces boueux, désolé et vide de vie sont devenus des spectacles banalisés par l'exploitation de pins forestiers en Dordogne, préférés par les sylviculteurs aux forêts naturelles locales de feuillus. Conséquence, le territoire naturel préservé de Dordogne s'industrialise, s'appauvrit et s'uniformise en même temps. La variété et l'écosystème qui peuplent les forêts naturelles plus anciennes disparaissent.
La nature nous donne beaucoup depuis des millénaires, un peu à nous de lui rendre.
Philippe de Severac, maire de Jaure
Une mise à sac de la biodiversité locale que Philippe de Severac, le maire de Jaure, n'accepte pas. Le bois de l'Espèr, certains l'imaginaient déjà replanté de panneaux photovoltaïques ou de résineux.
La mairie a préféré acheter cette parcelle de six hectares afin d'y agrandir la mare existante et d'y implanter une forêt pour les générations futures. Charme, hêtre, châtaignier, chêne, 3 000 arbres de 22 essences endémiques vont être plantés sur cette parcelle avant la fin du mois pour reconstituer d'ici à quelques années une forêt naturelle.
Un terrain légalement sanctuarisé pour 99 ans
Sur place, des élèves en lycée professionnel et des apprentis sont à l'œuvre. "Si on ne contribue pas tous, le projet ne sera jamais réalisé", justifie une jeune bénévole motivée. "Il faut des participants, il faut des écoles qui, comme nous, s'engagent sur ce chantier".
C'est un beau projet. C'est intéressant et c'est bon pour la planète !
Un jeune bénévole
Si ces jeunes sont aussi motivés, c'est qu'ils ont la garantie qu'ils œuvrent pour le futur. Personne ne pourra détruire leur travail pendant presque un siècle, le maire en a pris l'engagement. "Si on doit planter pour couper 30 ans ou 20 ans après, ça ne sert à rien. Et puis c'est quand même cet équilibre. On aide la nature à retrouver son équilibre naturel, mais elle a besoin d'un coup de main", explique Philippe de Severac.
"On veut avoir une diversité d'actions en faveur de la biodiversité pour qu'il y ait un maximum d'espèces qui reviennent, d'oiseaux, d'insectes, de petits mammifères. Le but, c'est vraiment de dédier cet espace au vivant", complète Élise Girard, directrice générale de Créateur de Forêts, l'entreprise qui a conçu et monté l'opération. La petite entreprise de six personnes se définit comme un promoteur, sauf qu'en place de projets immobiliers, elle monte des projets naturels. Après avoir conçu des espaces de biodiversité dont elle assure la protection durable, elle trouve les financements auprès d'entreprises engagées et de particuliers sensibilisés.
Protégée pour un siècle
La protection de cette future forêt est garantie par une ORE, Obligation Réelle Environnementale. Ce nouvel outil juridique permet aux propriétaires fonciers de faire naître sur leur terrain des obligations durables de protection de l’environnement, reconductibles même en cas de changement de propriétaire.
La protection est ici valable pendant 99 ans, la durée maximale possible en France, et reconductible si les textes n'ont pas changé d'ici-là. Le but des ORE est le maintien, la restauration et la gestion de la biodiversité. Plus précisément ici, elle interdit la déforestation et l'exploitation économique future de cette forêt.
Si la destruction des écosystèmes peut être payante pour certains, sa sauvegarde reste malheureusement encore trop souvent coûteuse. L'opération a été financée jusque-là par des dons de particuliers et d'entreprises, mais il manque encore 60 000 euros pour achever le projet.