Les peintures pariétales n'en finissent pas de nous fasciner. Si on a compris comment les hommes préhistoriques ont orné leurs grottes, on s'interroge toujours sur le pourquoi. Les théories foisonnent. Parfois, elles sont stupéfiantes.
Pourquoi, il y a 21 000 ans de cela, les hommes ont-ils pris la peine de décorer pareillement l'intérieur de leurs grottes ? Lascaux 2 proposera une première ce mardi 29 octobre à 17 h : une visite d'une heure et demie en compagnie de Gwenn Rigal, auteur et expert en préhistoire, pour éclairer ce mystère.
Si l'expérience est un succès, elle sera prolongée et fera partie du programme des visites l'an prochain.
Dans toutes nos visites, on a les mêmes questions qui reviennent, des questions qui démarrent par "pourquoi".
Gwenn Rigal,Guide, spécialiste et auteur de l'art pariétal
Un art préhistorique universel
L'art rupestre, ce sont les ornements que l'homme préhistorique a laissés sur les rochers, souvent en plein air. L'art pariétal, ce sont les décorations qu'il a effectuées sur les parois des grottes.
En 2003, l'archéologue italien Emmanuel Anati a recensé 45 millions de peintures et gravures rupestres et pariétales réparties sur 170 sites dans 160 pays. Et l'on continue à découvrir chaque année de nouveaux sites.
Technique connue
Lascaux, grotte découverte en 1940, a été étudiée sous toutes les coutures. Par les moyens de l'époque dans un premier temps, puis par les technologies les plus modernes. On a depuis longtemps compris la manière dont les hommes du magdalénien, 21 000 avant notre ère, ont procédé pour effectuer ces ornements.
Leur éclairage, leurs outils, leurs pigments, tout a fait l'objet d'analyses, et l'on est parvenu à reproduire des résultats similaires par les mêmes méthodes.
Les artistes de Lascaux 2 qui ont reproduit pour la première fois l'intérieur de Lascaux en 1983 s'en sont inspirés.
Une motivation mystérieuse
Mais si la technique est comprise, la motivation reste un grand mystère. Pourquoi tant d'animaux et si peu de représentations d'hommes ou de plantes ? Qu'est-ce que les artistes ont voulu transmettre ? Pourquoi avoir pris tant de peine pour les nicher dans des endroits parfois si difficiles d'accès ? Que nous disent ces animaux, leur forme, leur nombre, leur position. ?
On sait par exemple, et c'est un fait surprenant, que le renne, principale source de nourriture animale de l'époque, n'est pas représenté à Lascaux.
Toutes les suppositions du monde
Faute de consensus, beaucoup de théories se complètent, s'affrontent de temps en temps. Peintures totémiques, représentations magiques de scène de chasse, de fécondité, symbolisme religieux et mythique, représentations à but éducatif, rituel. "Dans toutes nos visites, on a les mêmes questions qui reviennent, des questions qui démarrent par "pourquoi ". Autant celles qui commencent par "comment", on a l'habitude d'y répondre, mais celles qui commencent par pourquoi nous posent plus de difficultés", avoue Gwenn Rigal, qui parcourt pourtant en guide expert le site depuis plus de vingt ans.
Énigmatique licorne
Les théories foisonnent autour des représentations les plus symboliques ou les plus surprenantes. C'est le cas de la "licorne de Lascaux", un équidé affublé d'une paire de longues cornes rectilignes qui ne ressemble à aucun animal connu de l'époque. "Beaucoup d'interprétations concernant cette licorne sont des interprétations d'ordre chamanique," explique Gwenn Rigal. "On a pensé par exemple à deux sorciers qui se cacheraient sous une peau animale".
Faute de réponses définitives, certains faits objectifs ont quand même été établis. Ainsi, entre 1988 et 1999, des chercheurs ont mis en évidence le fait que le cheval est toujours tracé en premier, suivi par l’auroch, puis par le cerf. Un travail chronologique qui tient compte des périodes de reproduction des animaux, et donc des saisons.
Les esprits tourbillonnants
Une autre certitude : les représentations indiquent une pensée spirituelle, elles ont une portée symbolique. Parmi les théories qui séduisent Gwenn Rigal, l'une aurait perduré jusqu'à nos jours. "Dans certaines tribus aborigènes, on parle d'esprits-enfants. Les esprits-enfants sont des esprits qui sont encore à naître, qui ne sont pas encore incarnés, et qui attendent l'incarnation au fond des grottes." L'homme préhistorique aurait-il peint ces esprits pour les faire apparaître sur terre ?
Théories multiples dont l'une, ou plus probablement plusieurs, sont les bonnes, et que Gwenn Rigal a compilées et synthétisées en 2016 dans "Le temps sacré des cavernes". Et si vous êtes près de Lascaux, la visite d'une heure trente, réservée aux adultes, a lieu le mardi 29 octobre à Lascaux 2, à 17 heures, pour 29 euros. Billetterie sur lascaux-ii.fr.