Transmission de la grippe aviaire à l'homme : l'infectiologue Denis Malvy appelle à la vaccination des élevages et des éleveurs

La virulence du virus de la grippe aviaire H5N1 inquiète les chercheurs. De plus en plus de mammifères sont contaminés et une propagation à l'homme est redoutée par le Comité de veille et d’anticipation des risques sanitaires (COVARS), qui préconise la vaccination des élevages, mais aussi des éleveurs.

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Depuis son apparition en 1996, le risque de transmission du virus H5N1 à l'homme était considéré comme faible. Ce virus se fixe en effet sur des récepteurs propres aux oiseaux qui différent de ceux des mammifères et il ne semblait pas qu'il fut capable jusqu'alors de s'installer durablement chez l'homme. Mais ce virus possède une forte capacité à muter. Dans un rapport de 55 pages présenté au gouvernement ce lundi, le COVARS, Comité de Veille et d'Anticipation des Risques Sanitaires, alerte sur la présence endémique du virus et sa potentielle dangerosité pour l'homme.

Les mammifères de plus en plus touchés

Depuis l'explosion mondiale du virus en 2021, les chercheurs reconsidèrent le risque avec beaucoup plus d'inquiétude. Sa présence mondiale, la durée des infections, désormais annuelles, dans la faune sauvage et les élevages, multiplient en effet les possibilités de mutation du virus vers d'autres hôtes, et notamment des mammifères.
Fin mai, le Chili, pays particulièrement touché par le virus, annonçait que depuis le début de l’année, près de 9.000 otaries, manchots, loutres et petits cétacés étaient morts de la grippe aviaire, probablement après avoir consommé des oiseaux infectés. Pire, le virus est à présent capable de se transmettre de mammifère à mammifère, Santé Publique France relevant le cas d’infections de phoques aux États-Unis, de visons en Espagne, et d’otaries au Pérou.

Transmission à l'homme

L’OMS reconnaît que l'homme peut être infecté par les grippes aviaires (ou porcines). Trois virus de grippe transmissibles ont déjà été identifiés. Tout en indiquant que, pour l'instant, le risque de transmission à l’homme resterait encore faible et qu'aucun cas de transmission interhumaine n'a été relevé. "On ignore si les virus grippaux aviaires et les autres virus grippaux zoonotiques qui circulent actuellement entraîneront une pandémie à l’avenir, reconnaît l'Organisation mondiale de la Santé (OMS).  Cependant, la diversité des virus grippaux aviaires et des autres virus grippaux zoonotiques qui ont provoqué des infections chez l’homme est inquiétante."

Il faut renforcer la surveillance des populations animales et humaines, étudier de près chaque cas d’infection chez l’homme et établir une planification sur la base du risque de pandémie.

Organisation mondiale de la santé

Publication "Grippe aviaire et autres grippes zoonotiques"

Grippe mortelle pour l'homme

L'infectiologue bordelais Denis Malvy est membre du Comité de veille et d'anticipation des risques sanitaires. Il rappelle qu'entre 2003 et 2022, 873 personnes ont été contaminées par la grippe aviaire, et que plus de la moitié (438) en sont mortes. Comme aucune étude précise n'a été lancée au niveau mondial, ces chiffres ne font état que des cas connus et documentés, ils sont donc inférieurs à la réalité.
Il est probable que des infections bien plus nombreuses se soient produites, et que l'on se soit penché sur quelques cas les plus graves. La létalité n'est pas obligatoirement aussi élevée, mais elle existe bien, assure Denis Malvy. Et le virus n'est pas simple, précise-t-il, car la grippe aviaire chez l'homme peut entraîner des conséquences graves, aussi bien pulmonaires que digestives et même neurologiques. Des symptômes identiques à ceux relevés chez les autres mammifères. "Il faut tirer les leçons des deux pandémies humaines de 1957 et 1968", note le Professeur Malvy.  La "grippe asiatique" de 1957-1958 liée au virus A (H2N2) avait causé entre un et quatre millions de morts et en 1968-1969 et la "grippe de Hongkong", due au virus A (H3N2), avait tué un million de personnes. "Là, nous sommes dans des scénarios dans lesquels nous pouvons anticiper les risques", poursuit le scientifique. 

L'outil vaccinal va nous rendre un service. On a deux types d'interventions : une réponse à la grippe aviaire et la prévention d'un réassortiment antigénique du virus, avec un virus humain qui deviendrait potentiellement pandémique.

Professeur Denis Malvy, infectiologue, membre du Covars

à rédaction web France Aquitaine

Limiter les risques

Pour limiter les possibilités de mutation du virus, il faut réduire sa présence. C'est ce qui a conduit l'an dernier à l'abattage préventif de 21 millions de volailles françaises, et force aujourd'hui la marche du Ministère de l'Agriculture pour une vaccination massive dans les élevages, dès le mois d'octobre prochain. Deux firmes ont vu leur vaccin retenu pour évaluation en essais cliniques dans le sud ouest avant validation, probablement en juin prochain. Les canards, les plus touchés, en seront les premiers bénéficiaires, le but étant de limiter les euthanasies préventives massives.

Une solution limitée. La faune sauvage n'est pas vaccinable, et si l'Europe peut adopter une stratégie commune, le reste du monde n'a pas les moyens, ou la volonté, de suivre l'exemple français. "Avec le vaccin, nous ne sommes pas démunis pour lutter, nous avons une capacité de gestion et d'anticipation non négligeable", assure Le Pr Malvy. 

Nous souhaitons que la France s'engage dans cette démarche et l'Europe, au minimum, doit suivre. J'espère qu'au niveau de la France et de notre région, ce sera un palliatif moins lourd et dramatique que les euthanasies massives.

Professeur Denis Malvy, infectiologue, membre du Covars

à rédaction web France 3 Aquitaine

Éviter la fusion avec la grippe humaine

En dehors de l'aspect économique pour les éleveurs, il y a surtout un enjeu de santé publique, souligne le professeur Malvy. Le foisonnement génétique du virus crée une possibilité de transmission chez les personnes les plus exposées : éleveurs, transformateurs ou vétérinaires en contact avec les animaux porteurs. Le risque est qu'une infection simultanée par un virus de l’influenza aviaire et un virus de la grippe humaine conduise à l’émergence d’un nouveau virus grippal potentiellement très contagieux pour l'être humain.
Le professeur Malvy parle du concept de One Health (une seule santé) devant s'appliquer aussi bien aux hommes qu'aux animaux. Pour ces raisons, l
e COVARS comme l'ANSES préconisent la vaccination dans les élevages pour limiter l'extension massive du virus, mais ils recommandent aussi fortement aux professionnels exposés aux virus porcins et aviaires de se faire vacciner contre la grippe saisonnière. 

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